Ces dernières années, l'opposant, Ousmane Sonko, occupe les devants de la scène politique au Sénégal. Son nom est quasiment sur toutes les lèvres. Cet inspecteur des impôts et des domaines de 48 ans n'est pas uniquement sous les feux des projecteurs à cause de sa popularité auprès de la jeunesse, mais également pour ses ennuis judiciaires. Le président des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF) est devenu un habitué des tribunaux.
La semaine écoulée, Sonko a été condamné en appel à six mois de prison avec sursis pour « diffamation » et « injure publique » sur la personne du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang.
Très critique envers le régime de Macky Sall, l'opposant avait accusé le plaignant d'avoir détourné la somme de 29 milliards F CFA du Programme des domaines agricoles communautaires (PRODAC). Sonko et ses avocats n'ont pas encore fini d'épiloguer sur cette condamnation, qu'un autre dossier judiciaire remontant à février 2021 mobilise à nouveau leurs énergies.
Le patron du PASTEF comparait, ce mardi 16 mai 2023, devant la Chambre criminelle du tribunal régional hors classe de Dakar. Il est accusé de viol sous la menace d'une arme d'une jeune dame, Adji Sarr, employée d'un salon de massage.
Son immunité de député avait été levée pour la circonstance, au grand dam de ses collègues de l'opposition, qui avaient dénoncé une procédure « viciée et illégale ». Convoqué dans un premier temps pour être entendu par le juge d'instruction, Sonko avait été placé en garde en vue, pour « trouble à l'ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée ».
Ses partisans s'étaient rassemblés pour défendre sa cause, ce qui avait donné lieu à des dérapages. Comme si on avait jeté de l'huile sur du feu, l'arrestation de l'opposant avait provoqué des émeutes, avec malheureusement quelques morts.
On devrait d'ailleurs assister encore à une grande mobilisation des fidèles de Sonko pour son procès pour viol. Qu'à cela ne tienne, l'ex-syndicaliste devra s'expliquer devant les juges sur cette affaire de moeurs. Il risque 10 ans d'emprisonnement, si sa responsabilité venait à être établie.
La ligne de défense de Sonko est claire : il n'a rien à voir avec ces « mensonges crapuleux » montés de toutes pièces dans un salon de massage, où il admet s'être rendu pour « soulager » un mal de dos.
Les débats promettent d'être houleux au prétoire et on a hâte d'en savoir plus sur ce dossier. Les ennuis judiciaires se succèdent pour Sonko, qui n'a de cesse de crier au complot pour l'écarter de la présidentielle de février 2024. Il entend pourtant se présenter à ce scrutin, après celui de 2019, à l'issue de laquelle il était arrivé en troisième position, avec 15,67 %.
Le président du PASTEF n'a pas tort, dans la mesure où les condamnations judiciaires sont de nature à remettre en cause son éligibilité. Deux opposants et non des moindres, Karim Wade, le fils de l'ancien chef de l'Etat et Khalifa Sall, en ont l'expérience. Ils ont été écartés du jeu politique à la suite des condamnations pour des détournements de deniers publics.
A voir l'atmosphère politique qui règne au pays de la Teranga, le temps n'est pas favorable aux opposants, qui ont des ambitions présidentielles. Les libertés démocratiques sont en recul dans ce pays, réputé pourtant être un exemple de démocratie sur le continent, un ilot de stabilité.
Depuis son accession à l'indépendance en 1960, le Sénégal n'a jamais connu de putsch, ce qui constitue un gros atout, quand on connait les conflits autour de l'accession au pouvoir en Afrique. Malheureusement, les acquis démocratiques sont en souffrance sous le pouvoir de Macky Sall, ce qui met l'opposition et la société civile sur les nerfs.
Alors qu'il achève son second et dernier mandat, le chef de l'Etat sénégalais entretient le mystère sur son avenir, ce qui inquiète ses opposants. Il a promis respecter la Constitution, mais sa manière de s'en prendre à ses adversaires et potentiels successeurs pose question.
Ousmane Sonko, considéré comme le rival le plus sérieux de Macky Sall, est particulièrement dans son viseur. Il y a comme une sorte d'acharnement sur sa personne. La montée en puissance du député-maire de Ziguinchor ne plait apparemment pas en haut lieu, qu'il faille freiner son ascension politique par tous les moyens. Macky Sall affiche curieusement la posture de quelqu'un qui travaille à écraser la concurrence pour conserver les clés du palais présidentiel, plutôt que de celle d'un dirigeant sur le départ.
Tout porte à croire qu'il veut conforter sa position, au lieu de préparer sa sortie. Une attitude qui est de nature à nourrir les soupçons de complot politique contre ses opposants, pour préparer le terrain à un 3e mandat contesté. En politique, domaine par excellence des intérêts, tout est possible, mais nous osons espérer que le chef de l'Etat sénégalais va prouver le contraire.