Se présentera, se présentera pas ? C'est avec cette interrogation que les Sénégalais se sont réveillés ce matin du mardi 16 mai 2023, redoutant ce que leur réserve encore cette affaire judiciaire tant redoutée.
C'est que ce procès contre l'opposant Ousmane Sonko, s'il a vraiment lieu, s'annonce sous d'effroyables présages.
En tous cas, à vingt-quatre heures de l'ouverture des hostilités, on en a eu l'avant-goût, pour ne pas dire qu'il y a eu une sorte d'échauffement avant le match.
En effet, hier lundi, Ziguinchor a été le théâtre de violents affrontements entre les forces de l'ordre et des manifestants farouchement opposés à la comparution du président du parti Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF), poursuivi pour « viols et menaces ». Des échauffourées dont le bilan officiel communiqué dans l'après-midi faisait état d'un policier tué par un blindé de la police au cours d'une marche-arrière et de plusieurs blessés.
Qu'en sera-t-il les prochains jours à Dakar et dans les autres grandes villes où le chef de file de l'opposition jouit d'une grande popularité, surtout auprès des jeunes convaincus d'un complot politico-judiciaire contre leur idole ?
Déjà sous la condamnation d'une peine de six mois de prison avec sursis pour diffamation contre le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko risque gros, pour ne pas dire son avenir politique, avec cette comparution devant la chambre criminelle du tribunal régional hors classe de Dakar.
Une affaire de moeurs qui l'oppose à une employée d'un salon de massage, Adji Saar, victime, selon sa déposition, de viols répétés et de menaces de mort.
Inculpé et placé sous contrôle judiciaire en mars 2021, celui qui est arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019, n'a pas cessé de clamer son innocence et de dénoncer une cabale judiciaire pour l'écarter de l'élection de février 2024.
Quand bien même il a reconnu avoir eu recours aux prestations de la jeune masseuse lors du couvre-feu imposé à l'occasion du Covid-19, Ousmane Sonko n'en démord pas sur sa défense matricielle et a fini par opter de ne plus se présenter au juge.
Hier, dernier délai pour se présenter au greffe du tribunal pour attester de sa représentation en justice, comme le prévoit le Code de procédure pénale, l'accusé est resté droit dans ses bottes de « désobéissance civile ».
Une attitude de défiance à laquelle s'ajoute celle de ses avocats qui exigent, avant toute déférence à la convocation du tribunal, des « conditions normales de sécurité » de leur client.
Faut-il y voir quelques manoeuvres dilatoires d'un homme politique pour se soustraire de la justice ?
La question mérite d'être posée tant cette posture victimaire bien rôdée est sujette à caution et paradoxale de la part d'un homme qui rêve d'un destin national.
En effet, voici un monsieur qui aspire en toute légitimité de diriger une nation, à en être le premier magistrat mais dont les comportements jurent avec le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à l'institution judiciaire de son pays.
En aucun cas, ni l'instrumentalisation supposée ou avérée de la justice, ni l'honorabilité, ni la popularité du candidat déclaré à la prochaine présidentielle ne sauraient justifier pareille bravade aux juridictions.
Instrumentaliser la justice, comme le dénonce Ousmane Sonko, est un acte qui ne saurait être accepté. Tout comme ne le saurait être l'instrumentalisation de la rue contre la justice qui semble être la marque de fabrique du président du PASTEF.
Il est grand temps, que dans ce feuilleton politico-judiciaire, le pouvoir et l'opposition sachent privilégier l'intérêt général car il y va de la préservation de la paix sociale du Sénégal plus que à jamais au bord de l'abîme.