Le village de Mongone (commune de Djignaky) a abrité, samedi 13 mai 2023, la cérémonie de dépôt des armes. Des centaines de personnes ont effectué le déplacement dans une ambiance triste pour participer à cette rencontre.
BIGNONA - Le décor est inhabituel sur la route nationale numéro 5 ce samedi 13 mai 2023. A chaque point stratégique, des engins militaires sont positionnés et les hommes en tenue de combat, armés jusqu'aux dents se dissimulent dans la végétation. Le cortège devant assister à la cérémonie de dépôt des armes tant annoncé est composé de bus de 15 à 30 places, de véhicules 4x4 roulant à vive allure, déviant à certains endroits les nids de poule. A hauteur du village d'Ebiniko, on n'hésite pas de sortir pour observer la file de véhicules. Les bus slaloment la piste sablonneuse cernée par les vergers de manguiers, d'orangers et d'anacardes désertés certainement à cause de cet évènement historique. Quelques minutes après, c'est un vaste terrain de foot, un terrain surdimensionné. « Ah ! Je comprends pourquoi ces gens (les combattants) sont rapides », ironise un confrère. Puis, le véhicule s'arrête, tous descendent. Les uns regagnent les bâches érigées sur la place publique de Mongone pour la cérémonie, les autres s'introduisent dans ce qui fut un point de contrôle des porteurs d'armes de Diakhaye.
Ici, nul n'osait s'y aventurer. Les rares voitures qui traversaient pour rejoindre les villages de Wagaran, Katipeu, Biti Biti... faisaient l'objet de contrôle par les sentinelles du Diakhaye. Mais cette étape de la crise en Casamance va bientôt se refermer. Cette nouvelle donne se traduit sur certains visages de combattants par un sentiment de tristesse. Car, désormais, c'est une nouvelle ère qui commence. Une nouvelle vie sans les armes. Sous un abri couvert de feuilles de rônier renforcé d'une toile en plastique noir, un bout d'homme de teint clair semble donner des instructions. « C'est lui », répond un homme d'un âge avancé. C'est Fatoma Coly, le commandant des combattants du Diakhaye. Il détenait à côté de lui deux vieux fusils d'assaut, orné d'amulettes. « Elles seront remises symboliquement aux autorités », rapporte Cheikh Tidiane Cissé, le coordonnateur du Mouvement contre la circulation des armes légères en Afrique de l'ouest (Malao).
Plus l'heure de la cérémonie approche, plus l'adrénaline monte. Brusquement, des véhicules noirs, des 4x4. C'est le gouverneur de la région de Ziguinchor, Guédj Diouf et sa délégation, l'amiral Farba Sarr, le coordonnateur du comité ad hoc, le répondant de l'Union européenne au Sénégal, Jean-Marc Pisani. De l'autre côté, on commence à se plaindre des caméras des journalistes. « On en a marre des photos », peste un autre. Pour ne pas gâcher cet évènement historique, « s'il vous plait chers journalistes attendons les délégations sous la bâche ».
Les autorités s'installent, puis Fatoma Coly apparait escorté par deux de ses compagnons. Sur sa main droite, il tient une petite corne enveloppée en partie par un morceau d'étoffe rouge. C'est aussi une arme pour faire face à ses ennemis, une arme de protection qu'il continuera à garder ?
L'Etat tend la main aux autres factions du Mfdc
Les autorités ont salué l'engagement des éléments du Front sud a accepté de déposer les armes. Décrivant cet évènement comme « la paix des braves », elles ont invité, lors de la cérémonie de dépôt des armes, tenue le samedi 13 mai 2023, dans le village de Mongone (commune de Djignaky), d'autres branches du Mfdc à aller dans le même sens que le Front sud.
BIGNONA - Réputé être le plus long conflit armé actif du continent africain, la guerre en Casamance qui dure maintenant près de 40 ans a fait environ « 5000 morts et 60.000 déplacés et a laissé de profondes cicatrices dans la société casamançaise et au-delà », a fait savoir l'ambassadeur Jean Marc Tisani, représentant de l'Union européenne au Sénégal. Le diplomate s'est réjoui du travail mené discrètement et qui a abouti, le 4 août 2022, à la déclaration conjointe « portant accord sur les modalités de dépôt des armes entre l'Etat et les Fronts sud du Mouvement des forces démocratiques de Casamence (Mfdc). La cérémonie de Mongone est une première étape qui donne l'espoir de retrouver la paix définitive en Casamance. Mais, à la lecture de la situation sur le terrain, avec les derniers affrontements qui ont fait 5 blessés du côté des forces de défense et de sécurité, « le dialogue de haut niveau doit se poursuivre afin de permettre aux factions armées de déposer les armes dans la dignité et de permettre à l'ensemble de la Casamance de vivre en paix », a invité le représentant de l'Ue.
Le processus qui a permis d'obtenir ce résultat est enclenché depuis 2020. Plusieurs rencontres ont été tenues à Banjul, au Cap Skirring. C'est pourquoi, « le dépôt des armes n'est pas pour vous combattants de la faction de Diakhaye un déclin, mais un acte de bravoure traduisant votre fort engagement de faire la paix et de travailler pour le développement économique de la Casamance », a encouragé Guedji Diouf, le gouverneur de la région de Ziguinchor.
Une dizaine de caisses contenant des armes de guerre, des munitions, des explosifs ont été réceptionnées le vendredi 12 mai 2023. Ceux qui ont abandonné la guerre vont devoir reprendre leur place dans la vie civile et réintégrer la communauté. « Quels que soient les souffrances ou les dommages subis, je vous invite chacun et chacune au pardon et à la réconciliation, à apprendre à oublier pour assoir une paix sociale », a exhorté le chef de l'exécutif régional.
Avouant n'avoir jamais perpétré des exactions violentes envers les populations, Fatoma Coly, le chef des combattants de Diakhaye de déclarer : « Si l'engagement que j'ai pris pour défendre la Casamance constitue un mal pour les populations, que le bon Dieu mette fin à mes jours. Il a affirmé n'avoir jamais voulu être à la tête de la faction de Diakhaye. « Les gens sont venus me voir pendant trois ans pour me convaincre à accepter », dit-il. Face aux menaces de représailles des autres branches armées du Mfdc, il défie ses ennemis en ces termes : « personne ne peut m'ôter la vie ».
Cet évènement pourra faire tache d'huile, décrédibilisant davantage les oiseaux de mauvais augure. « Vous avez déjoué tous les pronostics, et je suis sûr que ceux qui s'attendaient à l'échec sont certainement sous les manguiers ou ailleurs », provoque Henry Ndecky, coordonnateur de la Coordination sous régionale des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (Cospac).
Pour sa part, l'amiral Farba Sarr, par ailleurs coordonnateur du comité ad hoc, a appelé les populations à adhérer au processus, car elles sont au centre de toutes les préoccupations.
CONTENU DE L'ACTE 3 DE L'ACCORD DE PAIX SIGNE ENTRE L'ETAT DU SENEGAL (COMITE AD HOC) ET L'INITIATIVE POUR LA REUNIFICATION DES AILES POLITIQUES ET ARMEES AU NOM DE DIAKHAYE
1-Appuyer un programme d'insertion des ex-combattants par des actions de dialogue de pardon et de réconciliation
2-Accorder la possibilité aux ex-combattants de s'installer dans les lieux de leurs choix selon les procédures habituelles
3-Veiller à la libre circulation des personnes et des biens
4-Examiner la possibilité d'accorder la grâce aux détenus membres du Mfdc
5- Protéger les anciens sites occupés par Diakhaye pour éviter toute occupation illicite
6- Elaborer dans la zone du Diakhaye un programme de désenclavement et de réalisation d'infrastructures communautaires de base
7- Réaménagement secondaire du barrage d'Affigname, le dragage du fleuve au niveau du pont de Djibidione, la construction de formation polyvalent avec l'accompagnement des sortants et pour les questions de découpage administratif le comité Ad Hoc engagé à porter le plaidoyer auprès du chef de l'Etat.