Sénégal: Recensement général de la population et de l'habitat - Malgré la modernité, des réticences subsistent

La phase de dénombrement, décisive dans le cadre du Recensement général de la population et de l'habitat, démarre ce 15 mai. L'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) a ainsi déployé des efforts remarquables dans le domaine de la communication, surtout pour faciliter le travail aux recenseurs. Mais, quelques personnes continuent à hésiter sur leur disponibilité à donner des réponses exactes par rapport au nombre d'enfants.

Par le passé, des attitudes superstitieuses compliquaient la tâche aux recenseurs de la population du Sénégal. Aujourd'hui, il y a certes une amélioration de la mentalité collective, mais des réticences subsistent. Certains Sénégalais sont prêts à répondre aux questions des recenseurs dans le cadre du Recensement général de la population et de l'habitat (Rgph) qui démarre ce 15 mai. C'est le cas de Khassim Ndiaye, électricien à Pikine Tally bou Mack, qui est au courant de l'imminence du démarrage de la phase de dénombrement de la population du Sénégal. En bon citoyen, il n'y voit aucun inconvénient. « Je n'ai aucun problème avec ça, je donnerai des informations dont le recenseur a exactement besoin, y compris le nombre de personnes qui composent ma famille », promet-il. Mieux, c'est un devoir citoyen pour lui que de donner les bonnes informations aux recenseurs. Même son de cloche chez le couturier Dame Sène, établi à Pikine Icotaf.

Il considère que le temps où les ménages refusaient de donner le nombre de personnes qui composent leurs familles est révolu. Car, à son avis, chaque pays a besoin de connaître le nombre d'habitants. Mais c'est tout à fait le contrairement chez Fatou Sène qui dit hésiter à dévoiler le nombre d'enfants qui composent sa petite famille. D'ailleurs, la ménagère se souvient que, tout récemment, un pré-recenseur était venu chez elle au moment où la famille prenait le déjeuner. Elle a hésité à répondre aux questions. « Quand le pré-recenseur est venu, il m'a posé la question suivante : ce sont tous tes enfants ? », témoigne la dame de 41 ans. En réaction, elle dit s'être juste contentée de lui répondre par oui tout court. Mais elle s'est gardée de révéler l'existence de deux de ses enfants absents en ce moment. Pourtant, ce n'était pas un simple refus de révéler la taille de sa famille, mais plutôt pour des raisons de superstition, compte tenu de l'étonnement manifesté par le pré-recenseur par rapport au nombre de mômes qu'elle a mis au monde.

Réticences chez certains

« J'aurai pu lui faire part du nombre d'enfants exact que j'ai, mais comme il a l'air étonné, par ce qu'il a vu, j'ai gardé le secret sur le nombre de gosses que j'ai », précise la dame Fatou Sène. Rencontrée à Bountou Pikine, Adja Dieynaba Samb, elle, est plutôt disposée à jouer franc jeu avec les recenseurs. A condition qu'elle soit convaincue qu'elle a en face d'elle un agent de l'Ansd (Agence nationale de la statistique et de la démographie). Interrogée sur le sort qui attend le recenseur qui frappera à sa porte, elle affirme qu'elle va lui faciliter le travail en lui donnant les bonnes réponses. « Si je suis sûre que j'ai en face de moi un recenseur et non un escroc, je n'hésiterais pas à répondre avec franchise », soutient-elle.

Pendant ce temps, Awa Ndoye, vendeuse de poissons, croisée au même endroit qu'Adja Dieynaba Samb, a quant à elle, du mal à révéler le nombre de ses enfants. Avec un sourire malicieux, elle confie qu'elle a du mal à le dévoiler à un inconnu. « Je n'ai jamais reçu un recenseur là où je loge en ce moment. A la maison familiale, je me souviens que mon époux avait une fois reçu la visite de recenseurs. Cela date de très longtemps. Je lui en voulais pour n'avoir pas hésité à dévoiler le nombre de personnes qui dormaient dans la maison familiale », se rappelle-t-elle. « En tous cas, il y en aura toujours au moins un membre de la famille de moins, au cas où je déciderais de parler. Parce que tout simplement, ce n'est pas bon de permettre à quelqu'un d'autre de compter sa progéniture », réagit Awa Ndoye.

Chauffeur d'un taxi particulier, habitant à Pikine Tally Bou Bess, propriétaire également d'un magasin de vente de produits alimentaires, Moustapha Fam n'est même pas encore au courant de l'imminence de l'opération de dénombrement de la population. Lorsque nous l'y avons interpellé, il s'est montré un peu surpris non sans souligner qu'il compte collaborer, même s'il a décidé de s'y mettre avec circonspection.

Disposés à collaborer

« Ces gens-là ne sont pas totalement saisissables. Ils y ajoutent toujours une dose de politique politicienne », commente-t-il. Moustapha Fam explique que, ces derniers jours, ses enfants, qui étudient dans un établissement scolaire, franco-arabe, étaient venus avec une fiche qu'il devait remplir en tant que parent d'élève. En effet, ce qui a fait douter Moustapha Fam, c'est la partie où le parent d'élève devait obligatoirement mentionner son numéro d'identification nationale. « C'est à cause d'exemples similaires que j'hésite à donner des réponses correctes aux recenseurs », Mais, il promet : « je vais dire la vérité en cas de recensement général de la population ».

La peur du fisc explique-t-elle en partie cette posture de Moustapha Fam ? A cette question, ce dernier est formel. « Impôt ? Du tout, quel est le lien ? s'interroge-t-il. Rencontré à Thiaroye Gare, Sakhir Diong, vendeur de légumes, a vécu plusieurs recensements généraux de la population. Avant, il était tout à fait hostile à cette opération. Il est maintenant disposé à coopérer. « Chaque pays connaît le nombre d'habitants qui le composent. C'est la raison pour laquelle, je comprends aisément que cette opération soit mise en oeuvre », avance-t-il.

Ressortissant guinéen établi à Thiaroye, Mountaga Diallo assure qu'il est prêt à tout dire au cas où sa conscience le lui dictera. « Je ne sais même pas quelle attitude je vais adopter. Si je me sens en confiance, je parlerais. Au cas contraire, je m'abstiendrais. Tout dépendra de l'état d'esprit dans lequel, je me trouverais quand je serais en face des recenseurs », sert-il.

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