À Madagascar, la levée effective du prix plancher à l'exportation pour le kilo de vanille inquiète des acteurs de la filière. Cette mesure, censée donner un second souffle à un secteur en difficulté face à des acheteurs internationaux très frileux, soulève encore de nombreuses interrogations parmi ses acteurs.
Le chef de l'État l'avait annoncé il y a un mois. Voilà qui est désormais acté, en partie du moins : à Madagascar, un décret interministériel daté du 5 mai 2023, annonce la levée du prix plancher de 250 dollars le kilo de vanille à l'exportation pour la campagne en cours (2022-2023). Une mesure pour donner un second souffle à une filière en proie à de grosses difficultés face à des acheteurs internationaux très frileux.
La note officielle a été largement diffusée il y a quelques jours sur les réseaux sociaux, permettant aux exportateurs, les premiers concernés, d'être mis au courant de la nouvelle réglementation en vigueur dans leur secteur. Une réglementation qui a été accueillie avec plus ou moins d'enthousiasme et qui soulève encore de nombreuses interrogations.
« Ce que nous voulons, c'est la libéralisation totale sans condition »
« Je ne peux pas dire que je suis déçu, mais ce que nous voulons, c'est la libéralisation totale sans condition, pour être compétitifs ! » Nirina Ratsimbaholison, membre du Syndicat des exportateurs de la vanille de Madagascar, était l'un des pourfendeurs de la libéralisation. Face au président de la République, à Sambava, le 13 avril dernier, il avait argumenté pour que le prix plancher et les autres réglementations en vigueur soient levés.
Un mois après, l'article 2 de l'arrêté stipulant « qu'il est interdit de vendre la vanille à un prix inférieur à son prix de revient effectif » l'agace. En d'autres termes, il est interdit de vendre à perte : une mesure pour tenter de dissuader de blanchir de l'argent avec la vente de l'épice. « C'est la loi de l'offre et de la demande, lance Nirina Ratsimbaholison. Laissons les exportateurs avoir le champ libre à propos des prix de ventes, des prix d'achat. Le rôle de l'État, c'est de faciliter le travail des opérateurs. Or, le problème, à Madagascar, c'est que l'État s'immisce dans la partie business. Et pourquoi la distribution d'agréments n'a-t-elle pas elle aussi été libéralisée ? »
Si la mesure va « dans le bon sens », l'exportateur craint néanmoins que ce ne soit pas suffisant pour arriver à écouler les stocks importants. Pour lui, une erreur stratégique a été commise : « Ça fait déjà une semaine que l'arrêté a été prononcé. Je vois un ralentissement des ventes de vanille. Pourquoi ? Parce que les importateurs savent qu'il y a une libéralisation et donc il y a une compétition des prix : ils veulent acheter à des prix plus bas, alors que nous avons déjà acheté la vanille, au prix de 500 000 ariary [104 euros environ, Ndlr] le kilo de vanille préparée. On aurait préféré que le décret soit appliqué à partir de la campagne prochaine, et non à celle en cours ».
« J'espère que l'on va garder le prix minimum garanti aux paysans »
Une attitude attentiste des acheteurs internationaux que confirme également Georges Geeraerts, le Président du Groupement des exportateurs de vanille. Lui est inquiet quant à l'absence d'information sur le prix minimum d'achat qui était jusqu'à présent garanti aux paysans. « J'espère que l'on va garder le prix minimum aux paysans, glisse-t-il. Au minimum 75 000 ariary par kilo de verte en session locale entre le paysan et son client, qu'il soit préparateur ou collecteur. Parce que c'est là-dessus qu'on a basé toute notre discours RSE [Responsabilité sociétale des entreprises, Ndlr]. Il faut conserver absolument ces revenus décents du paysannat. Pour moi, ce n'est absolument pas à remettre en question. Là-dessus, il faudra être clair ».
Contactée par RFI, la direction du commerce, du même ministère assure que « l'arrêté a abrogé la disposition concernant le prix à l'exportation uniquement, ce qui induit que les autres dispositions, telle que celle fixant notamment le prix d'achat aux planteurs à 75 000 ariary [15,6 euros, environ, Ndlr] le kilo de verte ou le prix de la vanille préparée à 500 000 ariary le kilo, restent en vigueur ».