Ile Maurice: Logements sociaux - «L'avance de 25 %, un dangereux précédent !», dit Osman Mahomed

Mardi dernier, à l'Assemblée nationale, le ministre Obeegadoo a donné l'impression, en répondant à votre question sur le projet de 8 000 logements sociaux, qu'il ne décide de rien. Est-ce normal pour un projet de Rs 21,6 milliards provenant de l'État ?

Non, ce n'est pas normal. Soit on est ministre et on assume soit on ne l'est pas. La question était : faut-il débourser 25 % au lieu de 10 % d'avance pour les 14 constructeurs présélectionnés ? Je vous rappelle qu'il n'y a pas eu d'appel d'offres, ce qui est déjà très grave. Souvenez-vous, j'avais déjà mis en garde dans vos colonnes même, le 22 avril 2021, que la New Social Living Development Ltd (NSLD) sera un festival de contrats.

Donc, je ne comprends pas pourquoi ne pas allouer une avance de 10 %, et puis payer au fur et à mesure de l'avancement des travaux, comme c'est la pratique dans l'industrie de la construction après la certification des Quantity Surveyors, et tel que recommandé par la Fédération internationale des ingénieurs conseils. En tout cas, cette avance de 25 % est un dangereux précédent.

Pour justifier une avance supplémentaire de 25 % (Rs 5,4 milliards au total) aux 14 constructeurs, le ministre a renvoyé la balle au conseil d'administration de la NSLD qui, à son tour, a-t-il dit, s'est basé sur les avis d'experts financiers et techniques. Ce n'est pas flou tout ça ?

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Oui. Qui a décidé et qui a émis les lettres d'intention aux constructeurs incluant ces 25 %? Personne ne le sait. En tout cas, le ministre responsable de ce projet s'en est dédouané. Dois-je lui rappeler que la pratique est qu'un ministre doit présider un Management Meeting régulièrement, avec tous les responsables de ses départements afin de bien saisir tout ce qui se passe dans son ministère ?

D'ailleurs, il l'a lui-même si bien dit en répondant à mes questions supplémentaires:«I understand the question and the concern is legitimate. As I have always said, we are talking of large amounts and we are talking of public funds.»

Steven Obeegadoo a cependant aussi parlé du Covid et de la guerre en Ukraine pour justifier cette avance...

Ce sont là des prétextes qu'il utilise régulièrement pour expliquer cette perte de trois ans avec le recrutement inutile de consultants et dont le coût - comme je l'ai déjà dit -, avec les frais administratifs faramineux de la NSLD, ont entraîné des sunk costs d'un demimilliard de roupies des fonds publics, sans qu'un coup de pioche ne soit donné pour ce projet annoncé en grande pompe de 12 000 logements, maintenant réduit à 8 000 unités.

Comment expliquez-vous que tous les autres projets gouvernementaux comme la construction des autoroutes et du métro et même dans le secteur privé aient progressé pendant les trois dernières années malgré le Covid et pas les 8 000 logements sociaux ?

Le ministre Obeegadoo a parlé de garantie bancaire ou d'assurances à exiger contre ces avances...

Je reviens mardi (NdlR, aujourd'hui) avec une question pour lui demander où en est-on de cette exigence. Je ne pense pas que certaines firmes sélectionnées soient en mesure d'obtenir ces garanties. Il y en a une qui éprouve tellement de difficultés de cashflow et a tellement d'impayés envers des fournisseurs de matériaux que ces derniers refusent de lui livrer les commandes. Un des clients de cette firme a dû régler lui-même les matériaux pour «aider» le constructeur.

Est-ce avec ce genre de constructeurs que la NSLD envisage de travailler ? Et si oui, quels sont les risques ? En tout cas, après la session parlementaire de mardi dernier, j'ai soumis à qui de droit une liste de sept de ces constructeurs sélectionnés qui ne sont pas en règle avec le Registry of Companies, étant en retard de presque un an pour la soumission de leur bilan financier. Pourquoi ne l'ont-ils pas fait ?

Le «Deputy Prime Minister» a affirmé que «these matters have been handled by the NSLD with appropriate support and advice from the Ministry of Finance». Les avis d'expertise financière que la NSLD a suivis proviennent-ils donc du ministère des Finances ?

Il semble que oui parce que, régulièrement, le ministre du Logement se réfère au ministère des Finances. Et qui décide au ministère des Finances ? Le pays est-il dirigé par des experts inconnus et qui ne rendent pas de comptes à la population ?

En tout cas, le ministre Obeegadoo a donné l'impression qu'il n'est pas maître du jeu et que c'est le ministère des Finances qui contrôle tout concernant ce projet de 8 000 logements. Est-ce aussi votre impression ?

Pas pour moi seulement, mais pour beaucoup d'autres personnes qui suivent ce dossier. Je concède que ministère des Finances a son mot à dire dans ce projet, mais de là à presque tout décider... Dois-je désormais adresser les questions sur ces logements au ministre des Finances directement ? Cependant, c'est le ministre du Logement qui aura à répondre de ce projet à la population à la fin et pas le ministre des Finances.

À part cette question sur qui contrôle le projet, construit-on 8 000 logements sans un plan d'ensemble ?

Je dirai qu'il n'y a pas une politique cohérente pour le logement social.

Que proposez-vous ?

De bien comprendre à quoi les futurs bénéficiaires aspirent. Il faut aussi prendre la culture mauricienne en considération. Une question importante à mon avis est : est-ce que tous les futurs bénéficiaires de logements sociaux préfèrent de petits appartements de la NSLD ou certains auraient-ils préféré des lopins de terre, dits «sites and services» dans de bonnes régions, qui, avec un accompagnement éventuel pour le coulage de la dalle, leur donneront des maisons qui répondront à leurs besoins et goûts, et qui par conséquent coûteront beaucoup moins au contribuable en termes de subsides ? Est-ce que le ministre a déjà pensé dans cette direction ?

Un autre sujet. Êtes-vous satisfait de la réponse du speaker à votre question sur ses missions à l'étranger ? Selon Paul Bérenger, c'est le speaker lui-même qui a le plus voyagé. Bref, il se serait auto-octroyé des voyages...

Vous savez que ma question était initialement adressée au Premier ministre et a même été référencée après l'exercice du tirage au sort au bureau du clerk de l'Assemblée nationale. C'est au dernier moment que la question a été enlevée par le speaker, pour que le speaker lui-même y réponde deux semaines après, sans qu'il ne me donne les informations demandées. Pourquoi ne pas jouer la transparence ? Toutes ses missions sont payées des fonds publics. Est-ce qu'il y a eu abus ? C'est là où je rejoins l'observation faite par Paul Bérenger.

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