Madagascar: Justice - Les défis des Pôles anti-corruption

Les nouveaux magistrats du 1er degré du PAC d'Antananarivo ont prêté serment, hier, et ceux de Fianarantsoa sont en cours de recrutement. Un nouveau départ pour la juridiction anti-corruption qui doit relever de grands défis.

Crédibilité et indépendance. Ces deux mots résument les défis que doivent relever les Pôles anti-corruption (PAC). Des mots lourds de sens après les péripéties qui ont agité cette juridiction spécialisée dans la lutte contre la corruption ces deux dernières années. Cette entité qui, en principe, est le sabre qui traduit en acte la répression de la corruption et des délits connexes, dans le Système de lutte contre la corruption (SAC).

Jusqu'ici, deux PAC sont opérationnels. Celui d'Antananarivo et celui de Mahajanga. La mise en place du PAC de Fianarantsoa est en cours. La procédure de recrutement des magistrats qui vont y siéger est également en cours. Pour en revenir au PAC d'Antananarivo, le premier à avoir été mis en place, le processus de renouvellement de ses membres, après cinq ans d'existence, bât son plein. L'installation officielle d'une partie de ses nouveaux magistrats, à savoir ceux qui composent sa première instance ou 1er degré, s'est tenue hier, aux 67 hectares.

"Il est question ici de lutte contre la corruption. Et cette lutte, nous allons la faire. Il s'agit de rétablir la confiance de la population envers la Justice. Puisque ce manque de confiance favorise la corruption. Il s'agit de démontrer l'égalité de tous devant la Justice, devant la loi", a déclaré Baovola Rahetlah, procureure du premier 1er du PAC d'Antananraivo, durant l'audience solennelle d'installation d'hier.

Des mots dits à point nommé. Les six femmes qui ont prêté serment hier, et ceux qui vont suivre ont l'obligation de défendre cette crédibilité et cette indépendance. Comme le soulignent diverses voix au sein du SAC, ce renouvellement d'effectif au PAC d'Antananarivo, notamment, marque un tournant. Il vient clore la période régie par la loi initiale régissant les PAC. Un texte qui date de 2016. Et une nouvelle ère sous le régime de la loi Idéalson. Du nom du député d'Ampanihy qui a porté la loi devant le Parlement, en 2021.

Aucune excuse

Les polémiques et débats autour des PAC, surtout de leur indépendance, ont justement débuté avec cette nouvelle loi qui modifie celle de 2016. Dans la mêlée, la société civile a démissionné du Comité de suivi et évaluation (CSE), des PAC, en mars dernier. Elle estime que la loi Idealson est un recul sur l'indépendance des PAC, acquise avec la loi de 2016.

Landy Mbolatiana Randriamanantenasoa, ministre de la Justice, atteste toutefois que le représentant de la société civile au sein du CSE-PAC a bel et bien pris part au processus de recrutement des nouveaux membres du PAC d'Antananarivo. Bien que des rumeurs ont soudainement été martelées sur une des nouveaux membres du PAC d'Antananarivo, les différentes sources assurent que celles qui ont prêté serment hier, "remplissent parfaitement les critères de probité et de compétence requis".

Comme l'affirme un cador du Système anti-corruption, "l'attente est grande sur les nouveaux membres du PAC d'Antananarivo. Ils devront confirmer et démontrer leur intégrité, leur compétence et leur indépendance. Il devront faire mieux que leur prédécesseur, malgré les limites et les obstacles". Le PAC d'Antananarivo constitue la vitrine de cette juridiction spécialisée dans la lutte contre la corruption. Tant bien que mal, ses anciens membres se sont appliqués à traduire en acte la tolérance zéro contre ce fléau et les délits connexes.

Par rapport à leurs prédécesseurs, les nouveaux membres des PAC ont moins de marge de manoeuvre, selon l'avis de la société civile et des détracteurs de la loi Idéalson. La réduction de la durée du mandat de quatre ans à trois ans renouvelable une fois, en serait une des causes. Ils sont inamovibles durant la durée de leur mandat, "mais trois ans est trop court, surtout que l'instruction d'un dossier peut prendre plus d'un an", explique une source.

En cas de non-reconduction, cette courte durée du mandat des magistrats du PAC peut rendre obsolète le principe d'inamovibilité, par ailleurs. La loi de 2021 réduit à la corruption et délits assimilés, ainsi qu'au blanchiment d'argent et financement du terrorisme, les infractions économiques ainsi que les infractions qui leur sont connexes le champ de compétence des PAC. Lorsque la loi de 2016, elle prévoit une compétence transversale, en précisant vingt-et-une autres infractions qui peuvent couver des faits de corruption et de délits financiers.

Tel que l'a reconnu un des orateurs à l'audience solennelle d'hier, aux yeux de l'opinion publique, toutefois, "les PAC n'ont aucune excuse". Les citoyens, justement, sont les principaux évaluateurs de l'efficience de cette juridiction spécialisée dans la lutte contre la corruption. Un des grands défis de ses nouveaux membres sera aussi de rassurer l'opinion publique.

De faire mentir les rumeurs, les préjugés et les appréhensions. Il faudra aussi surpasser les résistances politiques, systémiques, ou même réglementaires et légales. Il y a l'exemple des autorisations de poursuites qui ne sont pas données, les éventuelles interventions, ou encore la tendance des politiciens à mener les poursuites judiciaires sur le terrain politique, voire ethnique pour s'en servir comme bouclier. Autant de défis à relever afin que les efforts de mettre en place une stratégie de lutte contre la corruption crédible et efficiente engagée depuis 2016 ne tombe pas à l'eau.

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