C'est en train de devenir une habitude ; des résultats d'analyses et/ou d'expertises médicales commanditées, dans le cadre de meurtres ou de morts suspectes, par la justice et/ou à la demande des familles de victimes se retrouvent sur la place publique, avant même que les destinataires (de ces résultats) n'en soient informés. Un phénomène tendant à devenir banal et qui suscite des questionnements. C'est le cas, tout dernièrement, des résultats d'autopsie faits après des morts suspectes lors de manifestations ou quand une Force publique est «indexée» dans la survenue du décès.
Une autopsie est un examen approfondi de l'extérieur mais aussi de l'intérieur du corps d'une victime. Elle peut être faite dans le cadre d'une enquête judiciaire ou à la suite d'une mort naturelle. L'autopsie peut être aussi demandée par la famille de la victime. Seulement, son intérêt initial semble de plus en plus dévoyé. En effet, il est assez fréquent, de nos jours, que les résultats d'une autopsie se retrouvent sur la place publique, avant même que l'une des parties destinataires ne reçoive l'information. La cause étant une diffusion dans les médias, suivie d'un large partage sur les réseaux sociaux.
Les résultats d'une autopsie requise par la justice, après le décès lors d'un accident, d'un meurtre/assassinat, d'un incendie, et surtout lors d'une manifestation ou dans une situation qui impliquerait un démembrement de l'Etat, qui se retrouvent banalement dans les médias agacent plus d'un. Il s'agit du dévoilement d'un secret médical qui, pourtant est envoyé à un destinataire/commanditaire sous pli fermé, pour des besoins précis (éclairage de la circonstance de la mort, enquête ou procédure judiciaire...). La dernière en date est la publication, avant même que la famille de la victime n'entre en possession, des résultats de l'autopsie de la fille morte ces derniers jours lors des manifestations à Ngor.
Auparavant, d'autres cas ont choqué. Exposer les résultats d'expertises post mortem dans les médias ou dans les réseaux sociaux, il en a eu plusieurs fois. C'est le cas après le décès d'Idrissa Goudiaby, à Ziguinchor, lors des manifestations politiques. Et on se rappelle du différend entre le magistrat instructeur et le Parquet sur le motif du décès. Entre demande de contre-expertise, refus et rejet des premiers résultats de l'autopsie, la famille du défunt a dû attendre plus d'un mois avant de disposer du corps pour son enterrement et faire le deuil. Sans que la famille n'obtienne la contre-expertise demandée, quoique les différentes thèses sur cette mort aient été largement discutées et relayées dans les médias.
Autre cas, source de confusion, l'immigré Cheikh Niasse est mort suite à son interpellation par la Police de Guédiawaye. Après son décès, la famille a écarté la version officielle, selon laquelle «Cheikh Niasse est décédé des suites d'une combinaison de pathologies infectieuses». Le défunt ne souffrait d'aucune maladie au moment de son arrestation, avait rétorqué la famille.
Il en est de même pour la mort de Abdou Faye, compagnon de Baye Modou Fall, allias Boy Djinné, suite à sa cavale, en juin 2021. Il est mort en détention au Commissariat central de Dakar où il est gardé à vue, après son interpellation. L'autopsie avait établi un suicide, ce que la famille de la victime avait contesté. Et la liste est loin d'être exhaustives. Comme si, à travers ce procédé, l'on cherche à faire accepter d'avance des hypothèses par le grand public, sachant qu'elles seront sujettes à questions...