Le Directeur général de l'OMS transmet le rapport de la cinquième réunion du Comité d'urgence du Règlement sanitaire international (2005) (RSI) concernant la flambée épidémique de variole simienne touchant plusieurs pays, laquelle s'est tenue le mercredi 10 mai 2023, de 12 heures à 17 heures (HEC).
Le Comité d'urgence a pris acte des progrès accomplis dans la riposte mondiale à la flambée de variole simienne touchant plusieurs pays et de la nouvelle baisse du nombre de cas notifiés depuis la dernière réunion. Le Comité a noté une baisse significative du nombre de cas notifiés par rapport à la période de référence précédente et n'a constaté aucun changement dans la gravité et la manifestation clinique de la maladie. Le Comité a reconnu que des incertitudes subsistaient au sujet de la maladie, concernant les modes de transmission dans certains pays, la mauvaise qualité de certaines données communiquées, et l'absence persistante de contre-mesures efficaces dans les pays africains, où la variole simienne est régulièrement présente. Le Comité a toutefois estimé qu'il s'agissait là de défis à long terme qui seraient relevés plus efficacement moyennant des efforts soutenus dans le cadre d'une transition vers une stratégie à long terme de gestion des risques pour la santé publique posés par la variole simienne, plutôt que par les mesures d'urgence inhérentes à une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI).
Le Comité a souligné la nécessité de partenariats à long terme pour mobiliser le soutien financier et technique nécessaire au maintien de la surveillance, des mesures de lutte et de la recherche en vue de l'élimination à long terme de la transmission interhumaine, ainsi que de l'atténuation des transmissions zoonotiques, dans la mesure du possible. L'intégration de la prévention, de la préparation et de la riposte à la variole simienne dans les programmes nationaux de surveillance et de lutte, notamment contre le VIH et d'autres infections sexuellement transmissibles, a été réaffirmée comme un élément important de cette transition à long terme. En particulier, le Comité a noté que les progrès réalisés dans la lutte contre la flambée de variole simienne touchant plusieurs pays l'ont été en grande partie en l'absence d'un soutien financier extérieur et qu'à long terme, la lutte et l'élimination sont peu probables sans un tel soutien. Ces investissements soutenus permettront, à long terme, d'économiser de l'argent et de sauver des vies, et de réduire le risque d'une résurgence mondiale de la variole simienne, ainsi que le risque de zoonose inverse aboutissant à de nouvelles zones où le virus pourrait circuler.
Le Directeur général de l'OMS exprime sa gratitude au Président, aux membres et aux conseillers pour leurs conseils, et souscrit à l'avis selon lequel l'événement ne constitue plus une USPPI pour les raisons détaillées dans le compte rendu de la réunion ci-dessous. Il émet, pour la période de transition, des recommandations temporaires révisées qui sont présentées à la fin du présent document.
Compte rendu de la cinquième réunion du Comité d'urgence du RSI
La cinquième réunion du Comité d'urgence du Règlement sanitaire international (RSI) concernant la flambée épidémique de variole simienne touchant plusieurs pays, a été organisée par visioconférence, le Président et la Vice-Présidente étant présents en personne dans les locaux du Siège de l'OMS, à Genève (Suisse). Onze des 15 membres et 6 des 9 conseillers du Comité ont participé à la réunion.
Dans son allocution d'ouverture (en anglais), le Directeur général de l'OMS a souhaité la bienvenue au Comité, et a noté une baisse soutenue du nombre de cas dans le monde, avec près de 90 % de cas signalés en moins au cours des trois derniers mois, par rapport aux trois mois précédents. Le Directeur général a également noté que, bien qu'il y ait une tendance à la baisse à l'échelle mondiale, le virus continue de se transmettre dans certaines communautés. Il a en outre souligné l'importance pour les pays de maintenir leurs capacités de surveillance et de riposte, et de continuer à intégrer la prévention et les soins de la variole simienne dans les programmes de santé nationaux existants pour faire face aux futures flambées.
Le représentant du Bureau du Conseiller juridique a informé les membres et les conseillers du Comité de leurs rôles, responsabilités et mandats en vertu des articles pertinents du RSI. Le responsable des questions d'éthique du Département Conformité, gestion des risques et éthique a rappelé aux membres et aux conseillers qu'ils étaient tenus à la confidentialité quant aux débats et aux travaux du Comité et qu'il leur incombait individuellement de signaler à l'OMS, aussi rapidement que possible, tout intérêt de nature personnelle, professionnelle, financière, intellectuelle ou commerciale pouvant donner lieu à un conflit d'intérêts direct ou apparent.
La conduite de la réunion a été confiée au Président du Comité d'urgence, le Dr. Jean-Marie Okwo-Bele, qui en a présenté les objectifs : donner des avis au Directeur général de l'OMS sur la question de savoir si la flambée épidémique de variole simienne touchant plusieurs pays constituait toujours une urgence de santé publique de portée internationale et, dans l'affirmative, examiner les recommandations temporaires proposées à l'intention des États Parties.
Exposés
Les représentants du Japon, du Nigéria et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont fait le point sur la situation épidémiologique actuelle dans leur pays et sur les mesures de santé publique mises en oeuvre.
Le Secrétariat a présenté un bilan actualisé complet de la situation épidémiologique et des efforts de riposte en cours. La Région OMS de l'Afrique a présenté en outre un bilan régional et indiqué que plus de 1500 cas ont été confirmés depuis janvier 2022 dans 13 pays, la majorité de ces cas ayant été signalés au Nigéria et en République démocratique du Congo. Les informations sur les modes de transmission étaient rares et les données communiquées par les systèmes de surveillance de qualité inégale dans la Région africaine.
Le Secrétariat a indiqué que le risque mondial actuel lié à la flambée de variole simienne touchant plusieurs pays était évalué comme demeurant modéré à l'échelle mondiale et dans quatre des Régions de l'OMS, et faible dans les Régions de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental. De plus amples détails sont disponibles dans le 22e rapport de situation externe (en anglais). On trouvera toutes les données disponibles et le nombre de cas mis à jour chaque semaine sous ce lien : 2022-23 Mpox (Monkeypox) Outbreak : Global Trends (en anglais).
Le Secrétariat a en outre informé le Comité que le plan stratégique OMS pour la préparation, la capacité d'intervention et la riposte face à la variole simienne prendra fin en juin 2023, et qu'il est prévu d'élaborer une stratégie à long terme pour maîtriser et finalement éliminer la transmission interhumaine, et atténuer la transmission zoonotique là où elle se produit, ainsi qu'un guide de planification à l'intention des pays pour soutenir la mise en oeuvre de cette stratégie.
Au terme de ces exposés, les membres et les conseillers du Comité ont invité le Secrétariat et les pays qui ont présenté leur situation à participer à une séance de questions-réponses.
Délibérations
Le Comité s'est réuni à nouveau en séance privée pour examiner les questions relatives au fait de savoir si l'événement demeure ou non une urgence de santé publique de portée internationale, et pour étudier les recommandations temporaires proposées, conformément aux dispositions du Règlement sanitaire international.
Le Comité a pris note des progrès continus accomplis depuis la dernière réunion dans la réduction du nombre de cas et de décès, ainsi que de l'absence de changements significatifs dans les données démographiques et la gravité des manifestations cliniques, les principaux facteurs contribuant aux décès et à la gravité continuant d'être liés aux infections à VIH non traitées et à l'immunodépression. Le Comité a toutefois reconnu que certaines préoccupations subsistaient, concernant notamment la durée de l'immunité après l'infection ou la vaccination, compte tenu de nouvelles infections chez des personnes complètement vaccinées et de cas de réinfection ; l'insuffisance des données probantes sur l'efficacité du vaccin ; et la mauvaise qualité des données comme le manque de cohérence dans la notification des cas à l'OMS, en particulier dans les pays où la maladie survient régulièrement.
Le Comité n'a également noté aucun changement dans l'évaluation des risques depuis la dernière réunion. Certaines interrogations ont été soulevées quant à l'impact potentiel des grands rassemblements sociaux à venir parmi les groupes à haut risque, bien qu'il ait été constaté que l'organisation de tels rassemblements dans certains pays au cours de l'année écoulée et récemment n'ont pas entraîné de montée en flèche du nombre de cas. De plus, certaines régions ont commencé à élaborer des plans post-urgence et à intégrer la riposte dans les programmes de lutte contre les infections sexuellement transmissibles.
Le Comité s'est déclaré préoccupé par les lacunes persistantes dans les connaissances relatives à la variole simienne en Afrique, le manque d'accès aux vaccins, aux médicaments et aux capacités de test de diagnostic dans de nombreux pays à faible revenu ; la transmission zoonotique récurrente en Afrique ; et le fait que tous les pays ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin ou ne disposent pas de structures ou de systèmes pour faire face à la variole simienne, avec notamment un soutien insuffisant aux groupes marginalisés.
En conclusion, compte tenu de la baisse significative de la propagation mondiale de la variole simienne et des progrès réalisés dans la lutte contre la flambée dans de nombreux pays, le Comité a émis l'avis selon lequel il convenait de passer, pour cet événement, d'une USPPI à un programme de riposte et de lutte contre la variole simienne robuste, proactif et durable, qui empêche la résurgence de la propagation mondiale, vise à éliminer la transmission interhumaine, et atténue l'impact des répercussions au niveau local. Le Comité a souligné la nécessité d'une attention et d'un soutien à long terme, y compris financier, en particulier pour les pays où la variole simienne est régulièrement présente, et a indiqué que les recommandations permanentes au titre du RSI constitueraient désormais un outil plus approprié pour gérer les risques immédiats, à court et à long terme pour la santé publique posés par la variole simienne.
Le Comité a souligné la nécessité de mobiliser des partenaires et des ressources en faveur d'une stratégie soutenue dirigée par l'OMS pour améliorer les mesures de surveillance, de recherche et de lutte, et pour donner la priorité à l'investissement dans les pays africains et d'autres communautés mal desservies où les efforts de préparation et de riposte à la variole simienne restent encore insuffisants. Ces investissements devraient cibler la surveillance, les tests de laboratoire, la qualité des données, l'accès aux vaccins et aux traitements, la communication sur les risques et la mobilisation communautaire, ainsi que la recherche, entre autres lacunes identifiées.
Le Comité a donné son avis sur le projet de recommandations temporaires, étant entendu que ces recommandations temporaires pourraient continuer d'être émises par le Directeur général de l'OMS si nécessaire après la fin de l'USPPI. Le Comité a également souligné la nécessité pour les États Parties au RSI de renforcer leurs engagements et leur responsabilité dans la mise en oeuvre des recommandations temporaires. De plus, le Comité a recommandé la vigilance à l'égard de tout nouvel événement important ou de l'émergence de nouvelles connaissances qui pourraient nécessiter de reconsidérer la variole simienne en tant qu'USPPI.
Recommandations temporaires émises par le Directeur général de l'OMS concernant la flambée épidémique de variole simienne touchant plusieurs pays
Ces recommandations temporaires continuent d'appuyer le but du plan stratégique de l'OMS pour la préparation, la capacité d'intervention et la riposte face à la variole simienne 2022-2032, et les lignes directrices de l'OMS pour la planification des opérations en vue de mettre fin à la flambée épidémique et d'atteindre les objectifs consistant à interrompre la transmission interhumaine du virus, protéger les personnes vulnérables et réduire au minimum la transmission zoonotique du virus.
Nul État Partie n'est à l'abri de l'importation ou de la transmission locale de la variole simienne et certains États Parties peuvent également connaître une transmission zoonotique. Ces recommandations temporaires s'appliquent à tous les États Parties quel que soit le stade de préparation ou de riposte à la variole simienne, comme indiqué dans les précédentes séries de recommandations temporaires, afin de continuer à soutenir la lutte contre la variole simienne et l'élimination définitive de la transmission interhumaine. Il convient que les États Parties en mesure de soutenir une intensification de l'accès aux contre-mesures médicales dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire continuent de le faire.
Lors de la mise en oeuvre de ces recommandations temporaires, les États Parties doivent agir dans le plein respect de la dignité des personnes, des droits humains et des libertés fondamentales, conformément aux principes énoncés à l'article 3 du Règlement sanitaire international. L'OMS conseille aux États Parties de maintenir leur capacité de préparation et de riposte en collaboration avec les communautés, les partenaires et les autres parties prenantes clés dans le cadre d'une approche « Une seule santé ».
Pour atteindre les objectifs ci-dessus, les États Parties devraient :
- Soutenir et promouvoir les éléments clés de la stratégie de riposte face à la variole simienne et tirer parti de leur expérience pour orienter les politiques, les programmes et les mesures de santé publique.
- Élaborer et mettre en oeuvre des plans intégrés de lutte contre la variole simienne et une stratégie d'élimination dans le but de prévenir et d'interrompre la transmission interhumaine et/ou d'atténuer les transmissions zoonotiques, selon le cas.
- Maintenir la surveillance épidémiologique de la variole simienne, en mettant tout en oeuvre pour assurer la confirmation en laboratoire des cas suspects et en notifiant à l'OMS les cas confirmés et probables, en fonction des variables définies dans le formulaire OMS de notification des cas.
- Signaler immédiatement à l'OMS, par les voies établies en vertu des dispositions du RSI, tous les cas confirmés de variole simienne liés aux voyages.
- Intégrer la détection, la prévention, les soins de la variole simienne et la recherche concernant la maladie aux programmes existants et novateurs de prévention et de lutte contre le VIH et les maladies sexuellement transmissibles, ainsi qu'à d'autres services de santé, le cas échéant.
- Soutenir et investir dans la communication sur les risques et le soutien et la mobilisation communautaires à l'intention des communautés touchées et des groupes à risque, y compris par l'intermédiaire des autorités sanitaires et de la société civile.
- Continuer de mettre en oeuvre des interventions pour éviter la stigmatisation et la discrimination contre toute personne ou tout groupe susceptible d'être touché par la variole simienne.
- Soutenir et améliorer l'accès aux produits de diagnostic, aux vaccins et aux traitements pour faire progresser l'équité en santé mondiale, en particulier pour les communautés les plus touchées dans le monde, y compris les hommes homosexuels, bisexuels et les autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, en accordant une attention particulière aux personnes les plus marginalisées au sein de ces groupes, et dans les pays aux ressources limitées où la variole simienne est endémique.
- Continuer de renforcer la capacité de diagnostic, l'accès décentralisé aux tests et le séquençage génomique, y compris le partage des données de séquençage génétique par l'intermédiaire de bases de données publiques.
- Continuer de mettre à disposition des vaccins pour la primovaccination préventive (préexposition) et la vaccination post-exposition, pour les personnes et les communautés à risque élevé de contracter la variole simienne.
- Assurer la prestation de soins cliniques optimaux moyennant la mise en place de mesures de lutte anti-infectieuse pour les cas présumés ou confirmés de variole simienne dans tous les établissements cliniques. Assurer la formation des prestataires de soins de santé en conséquence.
- Renforcer les capacités dans les zones rurales aux ressources limitées où la variole simienne continue de survenir, afin de mieux comprendre les modes de transmission, de quantifier les besoins en ressources et de riposter aux flambées et aux chaînes de transmission qui perdurent.
- Mettre en oeuvre un programme de recherche coordonné pour générer et diffuser rapidement des données probantes sur les principaux aspects scientifiques, sociaux, cliniques et de santé publique de la prévention et de la lutte contre la variole simienne. Poursuivre les essais cliniques de contre-mesures médicales, y compris les vaccins, les traitements et les produits de diagnostic, dans différentes populations, en plus de surveiller l'innocuité des vaccins, leur efficacité et la durée de la protection contre l'infection et la vaccination.
- Les pays d'Afrique de l'Ouest, du Centre et de l'Est où la variole simienne est endémique devraient déployer des efforts supplémentaires pour mieux connaître les risques, la vulnérabilité et l'impact liés à la variole simienne et pour étudier, comprendre et maîtriser la variole simienne dans leurs contextes respectifs, y compris en prenant en compte les modes de transmission zoonotiques, sexuels et autres dans différents groupes démographiques.
Les recommandations temporaires détaillées publiées le 15 février 2023 à l'issue de la quatrième réunion du Comité d'urgence du RSI restent techniquement valables pour tous les États Parties. Toutes les orientations techniques provisoires actuelles et lignes directrices pour la planification des opérations publiées par l'OMS sont disponibles sur le site Web de l'Organisation. Dans le prolongement du Plan stratégique existant pour la préparation, la capacité d'intervention et la riposte face à la variole simienne, l'OMS publiera une stratégie mondiale globale et un nouveau guide de planification nationale pour l'élimination de la variole simienne et la lutte contre la maladie.