Afrique de l'Ouest: Abou Kane, Prof d'Économie, sur les 1150 Milliards de FCfa du FMI au Sénégal - «Une bouffée d'oxygène dans un contexte de raréfaction des ressources

Le Sénégal a obtenu auprès du Fmi un emprunt de 1150 milliards de FCfa sur trois ans dans le cadre du programme de Facilité élargie de crédit et la Facilité pour la résilience et la durabilité. Le Professeur titulaire agrégé d'Économie Abou Kane, Assesseur (Vice-doyen) de la Faculté des Sciences économiques et de gestion (Faseg) de l'Ucad, revient sur les implications.

Le Fmi a annoncé, le 11 mai dernier, une enveloppe de 1150 milliards de FCfa sur trois ans en faveur du Sénégal dans le cadre du programme de Facilité élargie de crédit et la Facilité pour la résilience et la durabilité. Est-ce un bon endettement dans un contexte de raréfaction des ressources ?

Il est important de souligner que la Facilité élargie de crédit (Fec) et le Mécanisme élargi de crédit (Medc) sont des prêts à moyen terme que le Fmi réserve aux pays qui ont un besoin de financement prolongé de la balance des paiements, c'est-à-dire confrontés à une insuffisance des réserves de change pour assurer leurs importations ou ayant des difficultés pour s'acquitter correctement du service de la dette. Quant à la Facilité pour la résilience et la durabilité (Frd), c'est un mécanisme de financement qui vise à permettre aux pays de lutter contre les effets des changements climatiques. Pour le Sénégal, c'est un endettement à des conditions avantageuses, car le taux d'intérêt est de 0 % et il y a une période de grâce avant le début du remboursement. Il est vrai que c'est une bouffée d'oxygène dans un contexte de raréfaction des ressources, mais cela n'en fait pas un bon endettement, car la bonne dette est celle qui est payée. Il faudra donc attendre l'échéance pour savoir si le prêt est remboursé sans difficulté et s'il a permis de régler les problèmes qu'il est censé résoudre.

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Beaucoup de pays font face à une crise de la dette. Pensez-vous, comme le soutient le Ministre des Finances, que la dette du Sénégal est toujours viable ?

Il y a des critères de viabilité de la dette qui prennent en considération des ratios de solvabilité comme celui de la dette rapportée au Pib et des ratios de liquidité comme celui du service de la dette sur les exportations, du service de la dette sur les recettes budgétaires ou celui des charges d'intérêts sur les recettes fiscales, entre autres. En 2022, l'analyse de viabilité de la dette du Sénégal, réalisée par le Fmi, a montré qu'elle est viable, mais avec un risque modéré de surendettement. Au rythme actuel, l'endettement du Sénégal pourrait poser problème si notre pays n'améliore pas considérablement la mobilisation de ressources internes à travers de meilleures performances de l'administration fiscale. D'ailleurs, en 2021 déjà, du fait du remboursement des eurobonds, les ratios de liquidités s'étaient fortement dégradés.

Ce financement du Fmi sera sans doute adossé à des conditionnalités. Quelle marge de manoeuvre laisse-t-il au Gouvernement du Sénégal ?

Les conditionnalités de ce type de prêt sont toutes liées au programme proposé par le Sénégal pour assurer une croissance soutenue et durable, en préservant les acquis sociaux. Toutefois, le Fmi tient, d'une part, à ce que les subventions à l'énergie soient progressivement supprimées pour se rapprocher de la vérité des prix et, d'autre part, que les dépenses fiscales (exonérations) soient réduites. À part les mesures sur la rationalisation des dépenses publiques, il n'y a pas de risques à ce que le Fmi impose à notre pays des mesures non conformes à la trajectoire économique choisie par les autorités, même si le volet social est affecté par les conditionnalités.

Après avoir longtemps résisté sur la question des subventions, le Gouvernement a décidé en s'engageant à les supprimer progressivement. Peut-on dire que c'est la bonne option ?

Ce n'est pas forcément la bonne option si l'État en avait les moyens. Les populations sont vulnérables et l'inflation avoisine les 9 % depuis plus d'un an. Mais, puisque le déficit budgétaire dépasse les 6 % pour un objectif de 5 %, avant d'en arriver aux 3 % qui constituent la norme communautaire en la matière, le Gouvernement a cédé. Une autre solution aurait été de réduire les dépenses non essentielles relatives au fonctionnement de certaines institutions et structures publiques pour maintenir une partie des subventions supprimées.

Propos recueillis par Seydou KA

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