Afrique: L'agriculture biologique | Samia Maamar, directrice générale du Dgab - 'Un modèle de développement économique au niveau des régions'

"L'agriculture biologique est un secteur qui ne cesse de se développer et d'évoluer partout dans le monde, alors que de l'autre côté, on a besoin d'une certification biologique qui doit être crédible avec un produit conforme aux exigences".

Rencontrée en marge de la "BIO DAY Edition 2023", Samia Maâmar, directrice générale du département de l'agriculture biologique (Dgab) au ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, a indiqué qu'au niveau national, la vision future de la Tunisie est de transformer le secteur agricole biologique en un modèle mondial à l'horizon de 2030, en établissant une bonne gouvernance et mettant l'édifice d'une diversification des produits biologiques, mais le défi n'est pas si facile à relever, avec une situation économique mondiale fragile et qui ne cesse de se dégrader.

"Il y a toujours un avenir pour ce secteur"

D'après la responsable, le nombre des opérateurs dans l'agriculture biologique a augmenté durant ces dernières années pour atteindre les 9.000 aujourd'hui. Quant aux superficies agricoles biologiques en Tunisie, elles s'étalent sur environ 300.000 ha, d'autant plus que ce secteur génère actuellement pas moins de 7.500 emplois.

"Contrairement à ce qui est souvent répété (qu'en Tunisie, la bio était une mode et qu'il n'y a plus de consommateurs...), la tendance est toujours là et il y a toujours un avenir pour ce secteur... Le marché est toujours demandeur, mais le plus important, c'est qu'il existe un potentiel en Tunisie pour pouvoir répondre à une demande aussi bien nationale qu'internationale. C'est le défi auquel nous devons faire face aujourd'hui. Ainsi, qu'on le veuille ou non, ce secteur ne cesse de se développer et d'évoluer partout dans le monde, alors que de l'autre côté, on a besoin d'une certification biologique qui doit être crédible avec un produit conforme aux exigences ", a-t-elle souligné, dans une déclaration accordée à La Presse.

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Face à ce constat et à ces défis, Samia Maâmar a annoncé que son département, en tant qu'autorité compétente, porte une double casquette entre la gouvernance et le développement de ce secteur. En effet, la Dgab a mis en place un système de contrôle officiel et un système d'appui aux opérateurs. L'ensemble est accompagné par un système de veille qui les pilote par rapport à ce qui se passe en Tunisie et à l'international.

Le système de veille porte sur la réglementation, sur les tendances du marché, sur l'environnement..., alors que pour le système d'appui, il est tenu à mettre en oeuvre les programmes d'appui pour le développement des filières.

Cinq programmes d'appui

En expliquant la fonctionnalité des deux systèmes, MmeMaâmar a indiqué que le système d'appui est composé de cinq programmes. Le premier est celui de l'information qui se focalise sur la diffusion d'informations, l'organisation des manifestations, séminaires... Le deuxième s'intéresse à la formation tout en mettant en place un plan national annuel de formation au profit des opérateurs bios, une formation adaptée aux besoins qui émanent d'une demande régionale qui touche toutes les filières, ses maillons et toutes les chaînes de valeur....

Il existe également un programme d'encadrement durant lequel on offre l'accompagnement technique aux opérateurs et qui englobe les visites techniques, les visites organisées, la mise en place des projets pilotes, l'expérimentation... Pour la promotion des produits bios, la Dgab propose l'organisation de manifestations promotionnelles, des participations aux salons et foires nationaux et internationaux... Finalement et non moins important, le programme d'incitation financière en agriculture bio.

Le contrôle, une autre paire de manches

Pour le système de contrôle officiel et de certification de produits biologiques, Mme Maâmar a affirmé que ce système, mis en place depuis quelques années, est propre à la Tunisie, pour avoir plus de crédibilité et plus d'assurance.

"Le contrôle tierce partie de la certification est assuré par les organismes de contrôle certifiés (4 internationaux et 1 national) et on a mis aussi en place un système d'évaluation de conformité pour ces organismes de contrôle... Dans le cas où on constate une non-conformité, les organismes ont recours à une grille de sanctions et quand il y a une conformité aux exigences, on passe directement à un certificat de conformité...", a-t-elle souligné.

Et d'ajouter : " Mais l'application de la grille sanction est un problème en soi, car dès qu'on constate une sanction, tout le monde ne perçoit pas les choses de la même manière. Sanctionner, c'est toujours un peu difficile, mais en vue d'assurer la conformité, il faut que les opérateurs comprennent ce qu'on est en train de faire parce que c'est un moyen de sécurité pour eux et pour tout le secteur ainsi que son image".

Samia Maâmar a également souligné que cette mesure vise aussi à minimiser les infractions, préserver l'impartialité, l'objection de l'opérateur, la réticence de l'opérateur et le risque du déclin du secteur dans le cas où on n'utilise pas ces sanctions...

"C'est une démarche obligatoire, si on veut respecter ce secteur et si on veut avoir de l'avenir pour ce secteur, à l'heure où les autorités européennes et américaines ne cessent d'exercer une pression pour avoir un produit crédible. Donc, notre objectif n'est pas de sanctionner, mais de mettre en place des procédures et un système d'appui pour aider les gens à aller vers la certification", a-t-elle expliqué.

Une vision claire et une mission...

La responsable a affirmé que pour être une autorité compétente égale par rapport aux organismes et aux opérateurs, on doit avoir une vision claire pour ne pas adopter deux poids deux mesures et pour se concerter avec les autres intervenants. On doit aussi avoir des références solides à travers une assise juridique établie et des procédures de mise en place. Idem pour les mécanismes d'interventions qui sont capables de renforcer l'encadrement et l'assistance auprès des opérateurs et d'évaluer les décisions prises par les organismes de contrôle certification.

En ce qui concerne la stratégie nationale mise en place, Mme Maâmar a précisé qu'elle est prête depuis 2016 pour confirmer, encore une fois, que l'agriculture biologique peut être un modèle de développement économique au niveau des régions et des territoires.

En effet, en se basant sur une vision nationale du développement de l'agriculture bio en Tunisie, qui consiste à faire de l'agriculture biologique tunisienne un modèle international soutenu par une meilleure gouvernance du secteur, la stratégie nationale prévoit entre autres le développement de bio-territoires et un agritourisme dans les régions comme un nouveau modèle de dynamisation et de diversification de l'économie régionale et nationale basé sur l'agriculture biologique. De plus, la stratégie nationale du tourisme a pour objectif la diversification de l'offre et des marchés, notamment le développement du tourisme durable.

"Les filières et les chaînes de valeur ne font qu'une partie de cette stratégie. On est parti sur un projet "Bioted"--Bio tourisme équitable et durable--pour changer la mentalité au niveau de l'arrière-pays et au niveau des institutions qui vont travailler avec deux secteurs (tourisme et agriculture). On veut les mettre ensemble, alors que ce n'est pas évident... Et pour développer les territoires, on est parti aussi sur un projet de développement des bio-territoires sur des sites pilotes, c'est un travail de 18 mois qui a commencé il y a 5 mois. C'est aussi un travail de gouvernance territoriale", a-t-elle indiqué.

Quant au troisième volet de cette stratégie, il se focalise sur le changement climatique. En effet, le secteur de l'agriculture biologique offre une opportunité importante pour répondre à ce défi environnemental. La résilience des systèmes de production agricole biologique sera renforcée face au changement climatique et les ressources naturelles seront utilisées de manière plus efficace et durable.

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