Quelles sont les retombées de la première rencontre publique à Roches-Noires le mois dernier ?
Ce fut une expérience fructueuse et enrichissante au cours de laquelle nous avons rencontré des personnes passionnées par leur village et leur environnement. Bien que nous ayons eu des opinions divergentes sur le projet, les échanges ont été éclairés et constructifs. Plus de 150 personnes étaient présentes, venues principalement de la région, mais aussi d'autres localités comme Rose-Hill et Baie-du-Tombeau.
Les contestataires ont envoyé une lettre à l'Economic Development Board (EDB), l'organisme qui vous a octroyé la «letter of comfort». Pourquoi n'avoir pas soumis une demande de permis pour l'ensemble du projet ? L'organisme ne vous l'a-t-il pas demandé lors de la présentation du projet ?
La première demande d'Environment Impact Assessment (EIA), soumise par PR Capital (Mauritius) Ltd, en mars 2022, concernait uniquement la phase 1 du projet, la construction d'un hôtel de 90 villas. À la suite de deux courriers du ministère de l'Environnement, en date des 11 et 23 mai 2022, les autorités ont décidé de set aside la demande d'EIA pour l'hôtel.
Étant donné que le développement de l'hôtel faisait partie de la smart city de Roches-Noires, une demande d'EIA aurait dû inclure toutes les composantes de la smart city, dont l'hôtel, nous obligeant à soumettre une nouvelle EIA pour toutes les composantes du développement. De ce fait, les conditions de la letter of comfort n'ont pu être remplies. Par conséquent, nous soumettons un rapport détaillé de l'ensemble du projet pour effectuer une demande de Smart City Certificate, conformément aux exigences de l'EDB.
Quid du statut financier du groupe ?
Selon la presse française, une filiale du groupe City aurait déclaré faillite, abandonnant plusieurs chantiers. PR Capital (Mauritius) Ltd et City GC Hervé sont peut-être des compagnies indépendantes mais qu'est-ce qui garantit que le projet de Roches-Noires ne sera pas confronté au même sort financier ? Le groupe dans son ensemble ne fait face à aucune difficulté financière. Il s'agit plutôt d'une de nos filiales rachetée juste avant le début du Covid-19, une filiale déjà en difficulté financière, qui s'est retrouvée à la barre en 2020.
Au vu de la situation socio-économique qui a prévalu ces dernières années, notamment la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les autres crises dans la construction, dont les difficultés à recruter du personnel et la forte hausse du coût des matériaux, malheureusement, cette entreprise du pôle construction de City Group n'a pu être sauvée. Je tiens cependant à rassurer sur la solidité et la bonne santé financière du groupe, qui continue ses projets à travers le monde.
Comprenez-vous les craintes et appréhensions des écologistes face à ce méga projet dans un lieu aussi sensible ?
Comme notre expert qualifié en hydrologie et en géologie l'a souligné, il faut se baser sur les faits et non sur la peur. Bien sûr, il est naturel de craindre l'inconnu. Les habitants de la région sont très attachés à leur territoire et comprennent le besoin de le préserver. Il est vrai que les constructions se font de manière irréfléchie dans de nombreuses régions et pays, entraînant des impacts sur l'environnement.
Avec le changement climatique, ces impacts sont encore plus visibles. C'est pour cette raison que nous avons pris le temps nécessaire pour étudier les caractéristiques du site, acquérir une vision globale et déterminer les actions appropriées.
Aujourd'hui, pour que les villes intelligentes se développent de manière durable, il est nécessaire de respecter le cahier des charges du Masterplan et le plan urbain qui garantissent un développement en phase avec l'environnement pour une approche concertée avec les différentes parties prenantes. Je tiens à souligner que les promoteurs peuvent construire sur 40 % du terrain, selon la loi.
Cependant, il est dans l'ADN de notre groupe d'être à l'écoute de la région et de ses habitants, en tenant compte du caractère écologique de la région. C'est pourquoi nous avons décidé de construire sur seulement 10,5 % du terrain alors que d'autres promoteurs avaient soumis des projets qui auraient été néfastes à l'environnement.
De ce fait, je tiens à rassurer les contestataires qu'il n'a jamais été question d'enlever les mangroves et les palétuviers, qui donnent leur charme et leur authenticité au site. Bien au contraire, ils feront partie de l'aménagement et nous veillerons à leur stricte préservation, y compris le barachois et les zones humides, sous la supervision des autorités compétentes.
Dans les régions où nous travaillons, notamment en Polynésie française, les promoteurs hôteliers ou immobiliers ont la responsabilité de protéger l'environnement avoisinant. Aujourd'hui, la tendance mondiale veut que des investisseurs recherchent des projets respectueux de l'environnement, ce qui est notre cas, pour soutenir un héritage à forte valeur patrimoniale et écologique.
Pourquoi ce site en particulier et pas une autre région non controversée ?
C'est un site en pleine propriété, rare à Maurice, qui plus est, doté d'une telle envergure et d'un fort cachet naturel. Situé à bonne distance du Parc national de Bras-d'Eau, il est triste de constater qu'il soit négligé et laissé à l'abandon. Lorsqu'on nous a proposé de développer ce magnifique foncier dans cette belle région du Nord-Est, nous avons été conquis par son caractère unique, qui nous a poussés, en tant que ré-aménageur de territoire expérimenté, à développer un projet ambitieux avec l'appui d'experts qualifiés et crédibles.
Il faut aussi savoir que ce site appartient aux banques, après avoir été mis en liquidation judiciaire. Ainsi, il aurait pu accueillir un autre type de développement foncier sans nécessiter un EIA. En optant pour la création d'une smart city, nous avons eu l'opportunité de soumettre un EIA en bonne et due forme. Nous sommes allés au-delà de ce que nécessitent les Smart Cities Guidelines, vu la complexité du site et sa forte histoire avec les Mauriciens.
Notre volonté a toujours été de créer des lieux de vie uniques. Pour ce projet, nous nous sommes entourés d'experts mauriciens qui ont une connaissance approfondie de leur pays, de sa topologie et de sa biodiversité.
Malgré vos explications que la partie constructible soit de 10,5 %, que vous n'allez pas toucher aux «wetlands», etc., les opposants campent toujours sur leurs positions. Ils ne veulent pas de ce projet. Pourquoi n'arrivez-vous pas à les convaincre ?
Nous nous sommes engagés à préserver les atouts naturels du site tels que le barachois, les mangroves luxuriantes et les zones humides. Le projet respectera scrupuleusement un Ecological Management Plan, qui suivra la séquence d'évitement, de réduction et de compensation. Nous avons choisi d'éviter les endroits sensibles susmentionnés et de concentrer le développement sur les espaces les plus impactés par les espèces envahissantes.
Je trouve regrettable que les organisations non gouvernementales que notre équipe a sollicitées ne se soient jamais manifestées lorsque nous les avons invitées à participer au projet. D'autres, qui étaient initialement plus sceptiques, sont venus vers nous pour finalement nous apporter leur soutien après avoir vu le projet dans son intégralité durant notre présentation.
Par ailleurs, j'aimerais souligner un point : nous nous concentrons énormément sur l'aspect environnemental mais il faut retenir que c'est aussi un projet qui impactera le côté social de manière positive. À titre d'exemple, on aurait aimé faire part des nombreux atouts socio-économiques que ce projet engendrera. Là aussi, quand on parle de création d'emplois, certains viennent dire que nous faisons de fausses promesses.
Quand on dit qu'il y aura une école publique, un marché couvert, une piste d'athlétisme accessible à tous, certains disent qu'on est en train de berner les habitants. Alors que nous avons décidé d'inclure ces développements à la suite des demandes que nous avons reçues des habitants de Roches-Noires eux-mêmes !
À un moment donné, on s'est demandé quel est l'agenda de ces opposants. Je suis d'accord pour un débat ouvert, basé sur les faits. Cependant, il est dommage que plusieurs allégations aient été faites sans fondement et sans base factuelle.
Certains villageois accueillent à bras ouverts ce projet de «smart city» car, pour eux, c'est un moyen de valoriser leur village. Pensez-vous qu'en faisant cela, ils sont en train de minimiser l'importance de ce site écologiquement sensible ?
Pas du tout ! Je pense qu'ils ont été clairs. Tout développement doit être en harmonie avec l'environnement. Alors qu'il y avait des gens en faveur et d'autres contre ce projet, après la réunion du mois dernier, j'ai échangé avec quelqu'un qui m'a confié que ce projet a besoin de temps pour être compris. De la même manière, ceux en faveur du projet ont fait ressortir qu'ils vont surveiller de très près la situation afin qu'il n'y ait pas d'impact négatif sur l'environnement.
Ils nous ont aussi fait part de nombreuses requêtes pour que ce projet de développement soit réussi et intégré. Une initiative citoyenne que je tiens d'ailleurs à saluer : malgré leurs points de vue différents sur la préservation de l'environnement naturel de Roches-Noires, les nombreux habitants du village viennent quand même de l'avant avec des propositions concrètes et d'autres solutions pour un projet de développement tant attendu.
En effet, notre rapport Social Impact Assessment démontre qu'il existe beaucoup de demandes des habitants pour redynamiser la région. Nous allons travailler avec eux pour y répondre.
Une réunion avec des écologistes et experts environnementaux prévue fin mai
Les contestations se poursuivent contre le projet de PR Capital (Mauritius) Ltd, sur une superficie de 359 arpents, à Roches-Noires. Après une première réunion d'explications, le 24 avril, où étaient conviés des habitants du village, des écologistes ainsi que les promoteurs, une seconde rencontre est en préparation pour fin mai.
«Nous avons prévu une deuxième réunion pour le mardi 30 mai avec les militants écologistes et les experts environnementaux. Lors de la première partie, ils devront en cinq-six minutes faire un exposé sur ce qu'ils pensent sur la smart city et quels sont les impacts environnementaux d'un tel projet», explique Lenine Aukhajan, conseiller de district et président des Forces Vives de Roches-Noires, à l'express, lundi. Selon lui, plusieurs experts ont signifié leur intention de participer à cette réunion. En seconde partie, une session de questions/réponses est prévue avec les deux promoteurs français de PR Capital, Christophe Petit et Julien Ridon.
Le conseiller explique avoir fait une demande pour une salle plus spacieuse, qui pourra accueillir 300 personnes afin d'éviter les inconvénients d'une salle trop petite survenus lors de la première réunion publique. Pour Lenine Aukhajan, les avis divergent toujours dans le village.
«Ceux qui sont pour veulent du développement et demandent une intégration avec le village. Ceux qui sont contre le projet ne veulent pas du béton et ne veulent pas d'un développement dans cette zone sensible. Mais nous ne pouvons pas laisser Roches-Noires comme il est.»
Vérifications
De leur côté, les militants écologistes continuent à s'opposer au projet smart city. Un collectif d'écologistes composé du groupe Protégeons l'écosystème de Roches-Noires d'Eco-Sud, de la Platform Moris Lanvironnman, de la Sea Users Association et de mru2025 ont envoyé une lettre à l'EDB afin d'obtenir des réponses à leurs interrogations vu que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, avait affirmé au Parlement mardi que l'EDB «a un fonctionnement indépendant».
Les contestataires demandent que l'EDB fasse les vérifications nécessaires pour savoir si les promoteurs sont fiables avant d'émettre une letter of comfort pour aller de l'avant avec le projet. «(...) We have strong additional concerns about the financial sustainability of the project and of its promoters, henceour appeal to the EDB (...).
The EDB has the means to monitor the feasibility of projects and reliability of their promoters along three steps of the process - by establishing the promoters' due diligence prior to emitting a letter of comfort, by delivering a letter of intent after layout and financial plans are submitted and, by the granting of a Smart City certificate once all permits and licences have been obtained/produced.» Le collectif veut également que l'EDB demande des garanties complémentaires auprès des promoteurs, ainsi que d'avoir un contrôle constant de la faisabilité du projet jusqu'à son achèvement.