C'est un Dakar sous forte tension, qui attendait, le 16 mai dernier, l'ouverture du procès de l'opposant Ousmane Sonko poursuivi pour viols répétés et menaces de mort sur une employée d'un salon de massage. A peine ouverte, l'audience a été renvoyée au 23 mai prochain, en l'absence du prévenu. Mais la veille déjà, des heurts avaient opposé à Dakar, la capitale, comme à Ziguinchor, grande ville de la Casamance dont Ousmane Sonko est le maire, les forces de l'ordre aux partisans du leader du PASTEF, fortement mobilisés pour apporter leur soutien à leur mentor.
L'homme politique est dans une logique de désobéissance civile contre la Justice de son pays, qu'il accuse d'être à la solde du pouvoir pour contrarier ses ambitions présidentielles. Au bilan des affrontements du 15 mai dernier, des blessés, de nombreux dégâts matériels et la mort d'un policier.
Des scènes de violences dont le Sénégal est malheureusement devenu coutumier et qui tiennent le pays en haleine depuis deux ans, chaque fois que le jeune opposant est appelé à comparaître devant la Justice.
Le Sénégal a une image à préserver
C'est dire combien l'atmosphère sociopolitique reste fortement polluée au pays de la Teranga par ces convocations en justice de Ousmane Sonko. Lesquelles convocations avaient déjà causé des émeutes meurtrières en mars 2021, au cours desquelles pas moins de quatorze personnes avaient perdu la vie.
Toujours est-il que plus l'échéance de la présidentielle de février 2024 approche, plus les tensions sont fortes en raison de la forte connotation politique que l'affaire a prise, notamment en raison des arguments de l'opposant et ses partisans qui accusent le président Macky Sall de velléités de troisième mandat, lesquelles fonderaient cette « cabale politique » visant à écarter un « sérieux » prétendant.
Et pour ne pas calmer la tempête encore moins les ardeurs belliqueuses de ses contempteurs, le locataire du palais de la République continue d'entretenir le flou sur ses intentions. Un silence qui, en plus de renforcer les suspicions, contribue à dégrader l'atmosphère sociopolitique dans un pays où la Justice se retrouve à la croisée des chemins, avec une affaire aussi brûlante que délicate, au regard des lourdes menaces et du péril qu'elle fait planer sur la paix sociale. Le Sénégal n'a pas besoin de ça.
C'est pourquoi il est temps d'en finir avec cette affaire qui, en plus d'affecter la quiétude et la paix sociales au Sénégal, ne donne pas une bonne image d'un pays qui passait encore très récemment, pour l'une des vitrines de la démocratie dans la sous-région ouest-africaine. C'est dire si le Sénégal a une image à préserver. Et il est du devoir de tous les Sénégalais, de travailler à préserver cela.
A commencer par le président Macky Sall qui a été de tous les combats contre le troisième mandat de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, et qui se retrouve aujourd'hui au coeur d'une vive polémique qu'il a tous les moyens d'éteindre, en clarifiant purement et simplement sa position dans le sens d'une renonciation.
Que ce soit Macky Sall ou Ousmane Sonko, il appartient au peuple sénégalais de se montrer vigilant, pour éviter d'être le dindon de la farce
Au nom de la paix sociale, ce n'est pas un sacrifice, mais un devoir de reconnaissance à ce peuple qui a su lui traduire sa confiance pour deux mandats, et qui ne mérite pas aujourd'hui que Macky Sall lui dresse le bûcher en s'engageant sur le chemin tortueux de la tentation du troisième mandat qui a causé la perte de bien de ses prédécesseurs sous d'autres cieux, quand d'autres y ont laissé...beaucoup du sang de leurs compatriotes.
Au contraire, Macky Sall gagnerait à tirer leçon de l'histoire en s'inspirant de l'exemple de certains de ses anciens pairs, à l'image de l'ex-président nigérien, Mahamadou Issoufou, dont le nom restera gravé dans le marbre pour avoir su résister à la tentation du troisième mandat. Et ce, au moment où le phénomène semblait faire effet de mode sur le continent africain.
Quant à Ousmane Sonko qui n'a de cesse de clamer son innocence, sa meilleure ligne de défense serait de faire courageusement face à la Justice au lieu de donner l'impression de chercher à s'y soustraire par des moyens détournés, notamment à travers la mobilisation de la rue. C'est une stratégie qui ne le grandit pas, en plus de mettre fortement en péril, la paix sociale.
En tout état de cause, que ce soit Macky Sall ou Ousmane Sonko, il appartient au peuple sénégalais de se montrer vigilant sur toute la ligne, pour éviter d'être le dindon de la farce de politiciens dont les intérêts ne répondent très souvent qu'a leurs ambitions personnelles et qui trouveront toujours des compromis pour s'entendre sur leurs différends. Ne dit-on pas que mourir pour un politicien, c'est mourir « cadeau » ?