Burkina Faso: Responsabilité pénale des dirigeants - le syndicat des avocats lance le débat

Le Syndicat des avocats du Faso (SYNAF) a animé, le vendredi 12 mai 2023, une conférence publique à Ouagadougou sur la « mise en oeuvre de la responsabilité pénale des dirigeants politiques ».

De plus en plus, les tribunaux burkinabè connaissent des affaires pénales qui impliquent les dirigeants politiques. Selon le Secrétaire général (SG) du Syndicat des avocats du Faso (SYNAF), Me Olivier Yelkouni, la mise en oeuvre de la responsabilité pénale des dirigeants politiques suscite toujours des controverses vives quant à la compétence des juridictions et à la procédure applicable.

C'est pourquoi, le SYNAF a animé, le vendredi 12 mai 2023, à Ouagadougou, une conférence publique sur le thème « Mise en oeuvre de la responsabilité pénale des dirigeants politiques ». L'objectif est d'examiner la mise en oeuvre de la responsabilité pénale à l'aune du droit positif structurel. Le thème a été présenté par Pr Médard Kienou, agrégé en droit public et enseignant à l'université Nazi-Boni de Bobo-Dioulasso.

Avant d'entamer sa communication, le conférencier est revenu sur la conférence de presse du Mouvement pour la démocratie et le vivre-ensemble, de Faiçal Nanema, tenue la veille. Une rencontre au cours de laquelle, M. Nanema a demandé la mise en accusation de l'ancien Président Roch Marc Christian Kaboré pour avoir négocié avec des groupes terroristes lors des campagnes électorales de 2020. « Avec cette conférence de presse, nous sommes déjà au coeur de notre conférence publique.

Peut-on mettre en accusation le président du Faso pour avoir fait ce qu'il a fait ? », s'est-il interrogé. Comme réaction, il a indiqué que s'agissant des dirigeants politiques, comme le président du Faso, les ministres et les députés, la question de la responsabilité pénale se pose parallèlement à celle de la responsabilité politique. A cet effet, il n'est pas toujours évident de faire la part des choses, c'est-à-dire entre leur responsabilité politique et pénale.

Cette question de responsabilité pénale des dirigeants a dû se poser véritablement dans l'histoire du Burkina, avec la mise en accusation du gouvernement Blaise Compaoré après l'insurrection populaire de 2014, devant la Haute cour de justice. A l'époque, Pr Médard Kienou a rappelé qu'il y a un certain nombre de questions qui n'avaient pas eu de réponses. Mais, il a expliqué que la récente décision du Conseil constitutionnel a permis de lever l'ambigüité sur certains aspects qui se posaient du point de vue de la responsabilité pénale.

Il s'agit ,notamment de la répartition des compétences entre la Haute cour de justice et les autres juridictions de droit commun. Et avec la récente décision du Conseil constitutionnel, il est clair que la Haute cour de justice n'a compétence que pour poursuivre les crimes commis dans le cadre des fonctions des dirigeants politiques.

A ce sujet, le communicateur a expliqué que par exemple, si un ministre de la Culture commet des infractions dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, cela relève de la Haute cour de justice et les autres infractions relèvent des juridictions de droit commun. Pour le président du Faso, il ne peut être poursuivi que par la Haute cour de justice que dans les trois infractions suivantes : la haute trahison, le détournement de deniers publics et attentat à la Constitution.

Il a précisé que le droit burkinabè recèle des zones d'ombre par rapport à la mise en oeuvre de la responsabilité pénale des dirigeants politiques. « Pour l'instant, on n'a pas tranché la question de savoir si le chef de l'Etat ou les ministres peuvent être poursuivis pendant qu'ils sont toujours en fonction ou s'il faut attendre la fin de leur mandat », a-t-il fait savoir. Aussi, il a souligné qu'il n'y a aucune idée claire sur le fait que le Parlement puisse mettre en accusation le président du Faso alors qu'il est encore en fonction. Et, à l'entendre, la destitution n'est pas encore été prévue dans la Constitution.

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