Tunisie: Entre colère et tristesse - Les défenseurs des droits des animaux en appellent au Président de la République

Dans cette lettre adressée au Président de la République, les défenseurs des droits des animaux et les membres de la société civile soulignent la nécessité urgente d'adopter des lois pour prévenir et punir la cruauté.

C'est le énième cri d'alarme qui a été lancé par le Collectif Tunisia Animals Voice et les différents défenseurs des droits des animaux ainsi que la société civile pour mettre l'accent sur la situation animale en Tunisie. Mais à chaque fois que le sujet de la cause animale est abordé de près ou de loin, ces derniers bougent rapidement et continuent de marquer des points contre la maltraitance et l'injustice envers les animaux, pour leur protection.

Une cinquantaine de chats caillassés

Dans une lettre adressée au Président de la République, les défenseurs de ces créatures sans voix indiquent que, cette fois-ci, les faits remontent au mois du Ramadan, mais ils sont toujours d'actualité.

Il s'agit, en fait, des atrocités commises durant le mois sacré du Ramadan, période de grande importance spirituelle pour les musulmans du monde entier. Ce moment où les gens se rassemblent pour faire l'aumône, jeûner le jour et prier la nuit, a été gâché et entaché par des actes odieux et innommables en terme de cruauté.

Le dernier en date est ce drame survenu dans un refuge de Sousse, où près d'une cinquantaine de chats et chatons ont été caillassés à mort par des individus.

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Suite à cet incident, les réseaux sociaux ont été secoués par de nombreuses autres publications dénonçant des horreurs. On cite tout d'abord Kairouan (quartier Al Manshiya), le 29 mars 2023, où des délinquants, voulant voler un âne attelé à une charrette, ont fini par le tuer à coups de battes de fer et de pierres, parce que l'âne n'a pas accepté de les suivre. A Djerba, à la date du 19 avril 2023, une résidente étrangère, alertée par les pleurs d'un chiot, s'est retrouvée face à un homme tenant une machette d'une main et le chiot par une patte de l'autre, s'apprêtant à aller l'égorger.

Par ailleurs, des animaux, chats et chiens de rue ont été empoisonnés par des citoyens. Ceci, sans oublier les abattages de chiens errants qui ont été commis dans quelques municipalités, laissant des enfants et des adultes traumatisés.

Des témoignages et des revendications

Ces témoignages se comptent par centaines. Et, malgré l'accent mis sur les actes de charité et de bonté que chaque croyant doit accomplir durant le Ramadan, cette trêve n'a pas eu lieu...

Amina A., témoigne de ce que ses enfants ont subi à Ksar Elal (zone appelée Al-Ghiran) : «Pendant le Ramadan, ils ne nous ont pas épargnés... Je n'étais pas chez moi, au moment où ça s'est passé, et je n'ai pas pu intervenir, mais mes enfants qui étaient à la maison, m'ont rapporté les faits, en tremblant et en pleurs. Ils ont entendu les tirs et les gémissements des chiens abattus».

Sur les réseaux sociaux, les militants expriment régulièrement leur souffrance de vivre ces situations au quotidien et appellent le Président à prendre toutes les mesures nécessaires.

Jihen M. : «SOS animaux, urgent, prouvez Monsieur le Président que nous sommes des musulmans civilisés et non des barbares terroristes».

Ramla D. : «Les animaux, en Tunisie, souffrent énormément. Sans abris, ils sont exposés à tous les dangers de la rue... Nous voyons tous les jours un spectacle désolant à faire fondre le coeur, celui de les voir affamés, la peau sur les os, en train de fouiller nos restes dans les poubelles pour se nourrir... C'est indigne et inadmissible. L'été, par une chaleur torride, ils peinent à trouver une goutte d'eau et meurent souvent de déshydratation. Nos animaux, nous les aimons comme nos enfants. C'est donc une expérience très dure à vivre».

Des touristes parlent également de ne plus revenir, tellement ils ont été frappés par certaines scènes durant leur séjour. Pour Birgit N. : «Beaucoup de touristes allemands ne veulent plus venir, moi aussi, je suis l'un d'entre eux... J'aime ce pays, mais avec ces tueries brutales d'animaux, je ne reviendrais plus et je connais beaucoup de personnes qui sont dans mon cas. Je demande au Président de promulguer des lois et j'espère que cette situation va vite changer».

Un traitement qui suscite de sérieuses inquiétudes

Dans cette lettre, on a aussi précisé que ces pratiques sont courantes pour de nombreuses personnes.

Or, le lien entre la violence envers les animaux et les comportements violents envers les humains est aujourd'hui largement reconnu. De nombreux scientifiques et chercheurs ont étudié comment ces agissements peuvent conduire vers une société plus agressive.

Mais, malheureusement, la Tunisie n'a pas mis en place de législation répressive. Ce manque de protection a entraîné, de fait, une augmentation des cas de cruauté et de négligence. Se sachant dans leur droit, certains usent et abusent de ce vide juridique.

Pourtant, il est dit que lorsque des personnes sont régulièrement exposées à cette violence, elles peuvent devenir insensibles à la souffrance d'autrui et la considérer comme un élément acceptable de la vie.

Il existe un lien étroit entre la maltraitance des animaux et d'autres crimes graves, tels que la violence domestique, la maltraitance des enfants et même, parfois, certains meurtres en série. Ce lien peut être dû au fait que les personnes enclines à commettre des actes violents peuvent commencer par faire des animaux leurs premières victimes, avant de passer à l'acte sur des humains.

De l'urgence de briser cette spirale infernale

Syrine Ayadi (Avocate et professeure de Droit international) souligne cette urgence. «Nous avons désespérément besoin d'un cadre juridique qui protège les droits des animaux en Tunisie..., avec des peines sévères pour les contrevenants, par de la prison, des amendes et par sensibiliser le public à l'importance de protéger les animaux et leur fournir les traitements et les soins nécessaires».

En effet, l'éducation est la clé de la résolution de ce problème. Il est important que le public soit conscient des conséquences et que nous enseignions les valeurs de compassion et de respect envers tous les êtres vivants. Il est de notre responsabilité de les inculquer à nos enfants, afin qu'ils deviennent des adultes responsables et compatissants. Ce faisant, nous pouvons créer une société plus humaine et plus juste».

Une violence qui n'épargne pas les enfants

Ce mois de mai, des abattages ont eu lieu, en plein jour, devant des adolescents à Hammamet et devant une école primaire à Kerkhennah suscitant colère et incompréhension.

«Ces scènes choquantes et traumatisantes ne devraient pas être vécues par des enfants. Nous, adultes, mais surtout vous, en tant que Président de la République, devons mettre tout en oeuvre pour les protéger», indiquent les défenseurs des droits des animaux et les membres de la société civile, dans la lettre adressée au Président de la République.

Ils rappellent, également, qu'en mai 2021, la délégation tunisienne a répondu au Comité des droits de l'enfant à l'ONU sur les traumatismes subis par les jeunes enfants, concernant la vision de la maltraitance animale et celui des abattages. La délégation a assuré au Comité que tout était mis en oeuvre pour aller dans ce sens, or, il n'en est rien. Le Comité est régulièrement informé et la Tunisie ne peut continuer à ignorer les recommandations émises.

«Cette lettre ouverte a pour but d'informer de l'urgence de promulguer des lois strictes pour mettre un terme à ces crimes odieux et d'envoyer un message clair aux tortionnaires, selon lequel la maltraitance des animaux n'est pas tolérée. Il est temps que les législateurs agissent, car c'est une demande très forte émanant d'un grand nombre de Tunisiens, et le Président ne peut occulter cette préoccupation récurrente de son peuple», soulignent-ils encore.

Une mobilisation qui ne faiblit pas

Le Collectif Tunisia Animals Voice mobilise de nouveau, sur tous ses réseaux, pour relancer le débat et par l'envoi de cette nouvelle lettre au Président de la République, accompagnée des deux pétitions, toujours actives et signées massivement.

Par ailleurs, la Protection animale et les citoyens tunisiens espèrent que le message sera reçu et que la Présidence prendra au sérieux cette requête qui n'émane pas d'individus larmoyants, mais de personnes responsables qui alertent sur le naufrage de notre société.

Et comme l'a déjà indiqué David Starr Jordan : «Notre traitement à l'encontre des animaux sera un jour considéré comme barbare. Il ne peut pas y avoir de civilisation parfaite tant que l'homme ne se rend pas compte que les droits de chaque créature vivante sont aussi sacrés que les siens».

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