En Éthiopie, les combats ont repris dans l'Oromia, la plus grande région du pays, depuis une semaine. Depuis trois ans, cette région est en proie à un conflit entre les forces gouvernementales et la rébellion de l'Armée de libération oromo (OLA). Un round de pourparlers en vue d'un accord de paix a réuni les deux parties début mai, sans avancée notable. Alors que des discussions continueront lors d'un second round, les combats continuent. Des nombreux observateurs appellent à la communauté internationale pour faire pression auprès des belligérants.
Face aux affrontements épars signalés dans la région, les rebelles de l'OLA ont accusé mercredi 17 mai le gouvernement fédéral éthiopien d'avoir lancé une offensive contraire à la « désescalade espérée » après les premiers pourparlers.
Le gouvernement éthiopien et OLA - classée organisation terroriste par Addis Abeba depuis 2021 - avaient entamé le 25 avril à Zanzibar, île semi-autonome de Tanzanie, des discussions qualifiées par la rébellion de « préliminaires à des négociations plus approfondies ».
Après la fin de ce premier cycle de discussions, conclu le 3 mai sans avancée, « nous avons vu le régime lancer une offensive tous azimuts (...) ce qui est contraire à l'esprit de désescalade que nous espérions », a affirmé mercredi à l'AFP Odaa Tarbii, porte-parole de l'OLA. « Même s'il n'y a pas eu de cessez-le-feu formel, il était communément admis qu'une désescalade serait privilégiée durant le processus de négociations », a-t-il expliqué.
Active dans la région de l'Oromia, la plus vaste et peuplée d'Éthiopie qui enserre la capitale Addis Abeba, l'OLA combat les autorités éthiopiennes depuis sa scission en 2018 avec l'historique Front de libération Oromo (OLF). Celui-ci avait renoncé cette année-là à la lutte armée, à l'arrivée au pouvoir de l'actuel Premier ministre Abiy Ahmed.
« Sans la paix dans la région, l'Éthiopie ne sera jamais en paix non plus »
Face à ce regain de violence, Tsedale Lemma, journaliste et fondatrice du média Addis Standard, estime que la communauté internationale doit rappeler les belligérants à la table des négociations, au plus tôt :
Les premiers pourparlers ont été respectueux et se sont déroulés dans un environnement très constructif. Cela n'aurait pas dû conduire à une reprise des combats. Il est donc crucial qu'un second cycle de pourparlers suive le plus rapidement possible, en vue de conclure un cessez le feu, au moins préliminaire. La communauté internationale doit faire pression dans ce sens, avant que la reprise des combats ne s'étende dans la région, aux zones urbaines en particulier. Cela risque d'arriver. Il s'agit selon moi des combats les plus intenses de ces derniers mois. Il faut que cela cesse : sans la paix dans la région, l'Éthiopie ne sera jamais en paix non plus. L'Oromia se trouve en plein centre du pays. Il n'est pas supportable pour elle de subir plus de combats qu'elle n'en a déjà subi
Tsedale Lemma, journaliste et fondatrice du média « Addis Standard », appelle à le communauté internationale pour pousser Addis Abeba et la rébellion oromo à la table de négociations
Rébellion, luttes politiques, litiges territoriaux, animosités entre communautés, banditisme armé
Région du peuple oromo, l'Oromia est minée par des violences aux multiples facettes, qui rendent la situation extrêmement confuse : s'y mêlent luttes politiques internes à la région, litiges territoriaux et animosités entre communautés, auxquels s'ajoute le développement récent d'un banditisme armé.
Elle a été ces dernières années le théâtre de massacres ethniques, dont les auteurs n'ont pas été clairement identifiés. Cela particulièrement dans les Wollegas, zone reculée de l'extrême ouest de la région : les Amharas auraient été visés, deuxième peuple le plus nombreux d'Éthiopie mais très minoritaire en Oromia.
L'OLA a été à maintes reprises accusée par le gouvernement d'Abiy Ahmed d'être responsable de ces massacres, ce qu'elle réfute systématiquement. Le gouvernement à Addis-Abeba est de son côté accusé de mener une répression aveugle qui alimente le ressentiment des Oromos contre le pouvoir fédéral.