Sénégal: Dr Pascal Oudiane sur le dialogue politique - « Il faut l'inscrire dans le planning de gouvernance de la République »

Depuis quelques temps, l'appel du président de la République au dialogue avec les leaders politiques alimente les débats. Le climat social est devenu délétère avec les manifestations pour barrer la route au chef de l'Etat pour un troisième mandat.

Pour l'apaisement du climat social, l'enseignant chercheur à l'université Gaston Berger de Saint Louis, Dr Pascal Oudiane, sociologue préconise d'institutionnaliser le dialogue socio-politique et l'inscrire dans le planning de gouvernance de la République au même titre que les élections municipales, législatives et présidentielle.

A quelques mois de l'élection présidentielle, la tension monte dans le pays. Des morts, des blessés sont dénombrés lors des manifestations, des menaces de partisans en situation d'adversité sont notées, des arrestations de manifestants arbitraires ou justifiées se multiplient. Selon le sociologue Pascal Oudiane, enseignant chercheur à l'Université Gaston Berger de Saint Louis, il faut apprendre de la violence préélectorale et post-électorale qu' a connue le Sénégal depuis 2012, en passant par février 2021 et à venir pour ce qui reste de 2024 et de toute autre élection à tenir au Sénégal.

Pour un apaisement du climat social, le sociologue est d'avis qu'au-delà des divergences, il y a toujours un point de convergence entre la tendance majoritaire et celle minoritaire. « Ce qui par contre est commun à tout ce qui fait le consensus, c'est la conscience de la normalité et sa coercition socio politique. C'est cette normalité qui est supposée incarner la source du bien pour tous », a fait savoir Dr Oudiane. Selon le chercheur, l'enjeu de la valorisation de la normalité doit être la motivation à la protection des minorités. Mieux, cette protection va vers leur dédommagement à propos de la non-considération de leurs aspirations et besoins par la volonté majoritaire érigée en volonté générale.

« Au terme du procès électoral, la majorité gagnante gouverne mais la minorité perdante pour ne pas compromettre son droit social doit être dédommagée par son association à la gouvernance majoritaire. A ce niveau, la codification est inévitable, il faut que les deux parties s'entendent sur des règles de base pour parfaire leur collaboration », a-t-il fait savoir.

Réussir le dialogue

Pour le Dr Oudiane, la valeur du dialogue politique se trouve dans le sens que l'on donne au dédommagement de la minorité politique. A cet effet, il a avancé que la fraction par voie électorale de l'ensemble des aspirations nationales en un pôle majoritaire et de petits pôles minoritaires impose le dialogue social pour regrouper, systématiser et mutualiser les différents ressentis en accord. De ce point de vue, il a déclaré : « la partie majoritaire sera chargée de satisfaire autant les aspirations qu'elle porte que celles des parties minoritaires. Elle devra gouverner impérativement avec les tendances minoritaires. De cette manière, l'ensemble citoyen ne sera lésé. Le dialogue est nécessaire dans toutes les démocraties en construction. La démocratie étant un idéal le dialogue devrait par conséquent être permanent pour n'importe quel pays ».

La recette pour l'apaisement du climat social

Face à ce climat social délétère, le sociologue préconise que le dialogue socio-politique doit être une instance institutionnalisée dans le planning de gouvernance de la République au même titre que les élections municipales, législatives et présidentielle. «Souvent, on invite au dialogue à l'approche des joutes électorales surtout quand l'opposition gagne en popularité.

Le dialogue post-électoral est rare chez nous. On trouve tous les arguments pour ne pas s'y plier surtout quand on est du pouvoir ou qu'on vient de remporter les élections», a soutenu Dr Oudiane. Et d'attester : « le dialogue politique doit être une opportunité de convergence de tous les acteurs politiques du pays sans exclusion. C'est le lieu de discussion de tous les désaccords qui existent.

Le camp de l'opposition, pour sa part, ne devra pas écarter d'entrer en dialogue avec les politiques de la majorité qui siègent au pouvoir ». Face à l'appel du chef de l'Etat, l'universitaire laisse entendre que le dialogue est un dieu à côté du dieu de la paix et du dieu de la guerre. Il a une fonction constructive. Il ne peut mener autre part ailleurs qu'à la guerre ou à la paix. Il représente une condition à la paix ou à la guerre. « Nul ne peut faire la guerre sans au préalable avoir dialogué. La guerre, elle se prépare.

Nul ne peut aussi entrer dans une paix durable sans être au préalable passé par le dialogue. La paix, elle se prépare. Le dialogue est un dieu social car il fait société. Les perdants seront les absents et les présents seront les gagnants. Rappelons encore une fois que ceux qui se mettent à la table du dialogue ne sont pas forcément des amis», a-t-il souligné.

Avant d'avancer : « la société civile ayant pris position pour le régime en place ou pour l'opposition devrait être disqualifiée d'avance. S'enfermer dans une approche binaire témoigne de leurs limites face à la complexité de l'environnement politique. Attention, nous sommes dans une complexité systémique. Les acteurs politiques doivent également faire des efforts dans les propositions et programmes. Le niveau est bien bas. Dans ce pays qui est le nôtre, on ne réfléchit plus, on se défend. Ceci est bien regrettable ».

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