Au coeur de la capitale de l'Alsace, en France, se trouve le siège du Parlement européen. Seule institution européenne élue au suffrage universel, il participe à l'adoption des actes législatifs aux côtés du Conseil européen et dispose d'importants pouvoirs en matières budgétaire et de contrôle de surveillance démocratique. Visite guidée au coeur de ce joyau architectural qui accueille douze semaines par an les séances plénières des eurodéputés.
Dans le quartier européen de Strasbourg, le joyau architectural contemporain ne laisse pas indifférents les passants. D'un côté, un édifice en verre en forme d'arc longe les rives de l'Ill et du canal de la Marne au Rhin. Il est coiffé d'un dôme sous lequel se trouve un hémicycle monumental, le plus vaste d'Europe où siègent les 705 eurodéputés issus des 27 pays membres. Nous sommes au Parlement européen. De l'autre côté, à l'entrée principale où flottent les drapeaux des pays membres de l'Union européenne (UE), se dresse un bâtiment imposant de 60 mètres de haut fait de verre, de métal et de bois : c'est la tour Louise Weiss du nom de la journaliste et ancienne députée européenne décédée en 1983. Son sommet, qui semble inachevé, traduit l'idée d'une Europe toujours en construction...
Liberté de circulation et transparence
Ce vendredi 5 mai, dix journalistes sénégalais, «stagiaires» de la plateforme franco-africaine « Médias & Démocratie », arpentent les couloirs du siège de l'organe parlementaire européen. Ils sont là pour découvrir le rôle et les pouvoirs de la seule institution européenne élue au suffrage universel direct tous les cinq ans. « C'est dans ce lieu que se tiennent une semaine par mois les sessions plénières, y compris la session budgétaire. Les votes et les débats se passent ici», nous confie notre guide Johanna. Elle précise que « les commissions parlementaires qui préparent le travail législatif du Parlement, se réunissent, elles, à Bruxelles ». Revenant sur l'architecture du bâtiment du Parlement européen inauguré en 1999, Johanna souligne qu'elle entend symboliser la « démocratie », en favorisant en son antre la « liberté de circulation » et la « transparence ».
Né en 1957, sous la forme d'une assemblée parlementaire européenne, le Parlement européen est devenu incontournable dans le processus de décision de l'Union européenne. En Europe, aucune des grandes orientations n'est prise sans son aval. Grand reporter et correspondante à Strasbourg pour France Télévisions depuis plusieurs années, en charge des questions européennes, Christine Boos par ailleurs marraine de la promotion 2023 de « Média & Démocratie» détaille le fonctionnement des instances européennes, assez complexe : «Vous avez la Commission européenne qui a l'apanage de proposer les textes de lois. Le Parlement européen ne bénéficie pas, comme une Assemblée nationale, de cette initiative. C'est un petit peu curieux mais c'est quelque chose qui va certainement être réformé dans les prochains temps. Ces propositions de loi arrivent ensuite au Parlement européen dont les commissions vont s'en saisir et éventuellement les amender. Ensuite, il y aura un premier vote au Parlement européen et là, il faut trouver une majorité parce qu'il n'y a pas de groupes politiques détenant la majorité absolue. Donc, il faut négocier entre groupes politiques pour y parvenir.»
Poursuivant son propos, Christine Boos, qui est également présidente du Club de la presse Strasbourg Europe, ajoute qu'après l'adoption du texte en première lecture, il est ensuite examiné par le Conseil européen qui est composé des Chefs d'État et de gouvernement.
Le poids des réflexes nationaux
« Généralement, ils ne sont pas d'accord, d'autant plus que le Parlement européen est assez progressiste dans ses décisions. Au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement, ça devient un peu plus compliqué. Des réflexes nationaux entrent en ligne de compte. Sur des thématiques économiques par exemple, chacun va essayer de favoriser sa propre économie, d'où la difficulté à parvenir à une majorité.» Mais s'empresse-t-elle d'ajouter, « heureusement, la plupart des textes ne nécessitent plus l'unanimité ».
Au final, la prise de décision au sein de l'Union européenne fait donc intervenir la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen. « Il faut que chacune de ces institutions, formant ce qu'on appelle le triangle institutionnel, se soit exprimée pour parvenir à une position commune, conclut Christine Boos. Ensuite, cette position commune revient au Parlement européen où elle est généralement adoptée sous forme de directive ou de règlement. »
Le pouvoir du Parlement renforcé au fil des ans
Au fil des années, le pouvoir du Parlement européen s'est renforcé à travers des mutations, des traités, des crises, des compromis. Le traité de Lisbonne de 2009 a consacré la procédure dite de «codécision». D'une simple assemblée consultative, le Parlement est devenu un véritable co-législateur. C'est lui, en collaboration avec le Conseil européen, qui établit le budget annuel de l'Union européenne. Il élit aussi le président de la Commission européenne, sur proposition du Conseil européen, et peut aussi mettre en place des commissions d'enquête pour examiner d'éventuelles infractions ou une mauvaise application du droit communautaire par les États membres.
Cependant, les prérogatives du Parlement européen ne s'étendent pas à tous les domaines. Par exemple, sur la politique étrangère, de sécurité et de défense des pays, ou encore la fiscalité, il est seulement consulté, sans aucun pouvoir décisionnaire.