Ile Maurice: Marie Maunick, fondatrice d'Oziles - «Avoir un enfant handicapé est un beau diamant brut juste un peu ébréché à la naissance»

interview

Et de deux pour Oziles. Après avoir fait don aux enfants handicapés mauriciens de 150 fauteuils roulants, offerts par l'organisation australienne Wheel Chair for Kids en 2019, cette organisation fondée par la Mauricienne Marie Maunick, établie en Australie depuis 55 ans, récidive aujourd'hui dans la cour de Radio 1.

En sus de distribuer 60 fauteuils roulants similaires aux petits handicapés, six adultes handicapés ou à mobilité réduite repartiront sur des fauteuils roulants de seconde main, remis en état et tous recevront des «goodies». On fait le point avec Marie Maunick.

Peut-on qualifier l'évènement d'aujourd'hui de deuxième phase du projet d'Oziles ?

Oui et cette deuxième phase s'intitule 'Pour que la roue tourne'. Cela signifie que lorsqu'on donne une chaise, on donne des ailes et pas une ancre.

Avez-vous rencontré des problèmes avec les autorités par rapport à votre conteneur comme c'était le cas la première fois ?

En comparaison à cette fois, la dernière fois c'était du petit lait. Cette fois, c'était nettement plus compliqué. Nous avons reçu, toujours de Wheel Chair for Kids, 60 fauteuils roulants en kit, qui doivent être montés selon les complications de santé de l'enfant et qui doivent grandir avec lui/elle. Nous avons aussi mis dans le conteneur dix fauteuils roulants de seconde main, remis en état, pour adultes handicapés ou à mobilité réduite, des déambulateurs, des cannes, des accessoires pour améliorer la vie de ces personnes à domicile, de même que des accessoires pour distraire ces bénéficiaires.

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Le conteneur est arrivé en mars dernier. Avant d'arriver en décembre, j'ai envoyé un mél aux quatre directeurs de la santé pour leur expliquer qu'en sus des fauteuils roulants pour enfants et adultes, approuvés par l'Organisation mondiale de la santé, le conteneur comprendrait aussi les accessoires susmentionnés, des vêtements et des produits alimentaires et j'ai demandé s'il y avait un protocole particulier à suivre et à qui s'adresser. Je n'ai eu aucune réponse jusqu'ici.

Tout comme en 2019, j'avais fait un appel à toutes les cliniques de l'île pour qu'elles nous donnent un fauteuil roulant usagé, à charge pour nous de le faire retaper. À part le Dr Mukhesh Sooknundun de la Clinique du Nord, qui nous a offert un fauteuil roulant neuf et que je remercie, aucune autre clinique n'a réagi. J'ai également dû changer de transitaire car le premier était d'une lenteur extrême. Ce que j'ignorais, c'était qu'il fallait qu'Oziles soit enregistrée auprès du Mauritius Council for Social Service (MACOSS). C'est fait et je dois dire que les personnes à MACOSS ont été extrêmement gentilles. Gilbert Deville, du Rotary Club de Port-Louis, a été très coopératif aussi.

Il y aura combien de bénéficiaires aujourd'hui ?

Après l'appel d'Anabelle Savabaddy sur les ondes de Radio 1, il y a eu 43 demandes pour les fauteuils roulants pour enfants et je pense qu'une cinquantaine d'enfants en bénéficieront. Ces fauteuils s'accompagnent d'un plaid (knee warmer) pour les genoux et d'un ourson en peluche. Six adultes handicapés recevront un fauteuil roulant. On a demandé aux parents d'emmener leurs enfants.

Un fauteuil en kit sera monté sous leurs yeux. Cela prend deux heures pour le faire. Chaque parent repartira avec son kit. Un physiothérapeute leur rendra ensuite visite, montera le fauteuil roulant pour eux et leur montrera comment faire grandir le fauteuil avec leur enfant. Je dois remercier le Frère Ollie Pickett et Don Kidson de Wheel Chair for Kids en Australie pour leur soutien continu, de même que Jenny Dee, ancienne haut-commissaire de l'Australie à Maurice

Qu'est-ce qui a changé par rapport à votre opération de solidarité en 2019 ?

En 2019, Oziles a distribué des fauteuils roulants à l'APRIM, l'APEIM, la Muscular Distrophy Association et à la Global Rainbow Foundation, chacun ayant reçu 30 fauteuils. Cette année, la distribution est directe. En 2019, grâce au billet offert par Air Mauritius, j'avais pu faire venir un physiothérapeute de l'Australie pour former les physiothérapeutes rattachés à ces associations mais cette année, Air Mauritius n'a rien pu offrir.

Le Covid-19 ne nous a pas permis de faire des levées de fonds et c'est ce qui explique que nous n'ayons pas encore de site web. Mais à Oziles, nous faisons tout ce que nous pouvons avec le peu que l'on a, peu importe où chacun des membres en est dans sa vie personnelle.

«Je demande qu'on voit l'être humain avant de voir son handicap, de voir au-delà des apparences, d'avoir la patience et d'aider cette personne et non pas faire comme si elle est invisible.»

Votre message aux Mauriciens ?

Je voudrais demander à chaque personne qui rencontre une personne handicapée ou à mobilité réduite de ne pas penser qu'il s'agit d'un drogué simplement parce que cette personne titube. Je demande qu'on voit l'être humain avant de voir son handicap, de voir au-delà des apparences, d'avoir la patience et d'aider cette personne et non pas faire comme si elle est invisible. Vous ne savez pas ce que l'avenir vous réserve au cours de votre vieillesse. Les parents des enfants handicapés sont dans un trou noir. Mais ils ne doivent pas se blâmer car un enfant handicapé est un beau diamant brut juste un peu ébréché à la naissance.

D'où tirez-vous votre fibre sociale ?

Cela vient de mes parents qui ont toujours été portés pour le social. Nous étions neuf enfants et chacun a suivi leurs traces en matière de social. Je n'oublierai jamais les paroles de mon père alors que je n'avais que sept ans et que j'avais ramené un objet appartenant à une amie à la maison. Il m'a dit : 'Chez les Maunick, on donne, on ne prend pas.' Je ne l'ai jamais oublié. Quand j'ai été admise au Lorette de Rose-Hill, je ne connaissais personne. Une fille, Ghislaine Berthelot, qui souffrait de poliomyélite, est venue vers moi. Elle était dans ma classe. Un jour, elle est tombée sur l'escalier et a été la risée d'autres filles. Je voyais ses larmes. Je me suis précipitée pour l'aider à se relever. Depuis, nous sommes devenues amies. Elle a été la marraine de mon fils aîné et est morte d'un cancer six semaines après lui.

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