« La situation des droits de l'homme au Sénégal, peut être présentée de façon mitigée » : c'est la conviction exprimée par le professeur titulaire de classe exceptionnelle à l'université Cheikh Anta Diop. Samba Thiam qui était l'invité hier, dimanche 21 mai 2023, de l'émission Objection de la radio Sud Fm (privé). Selon l'universitaire, ce qui fait défaut malgré qu'il y ait des règles et institutions, c'est non seulement le fait de ne pas mettre l'Etat en avant, mais également le fait de ne pas prendre de la distance vis-à-vis des institutions de la République.
Invité de l'émission Objection du dimanche 21 mai 2023, sur Sud Fm (privé), Samba Thiam, professeur titulaire de classe exceptionnelle à l'Université Cheikh Anta Diop a qualifié de mitigée la situation des droits de l'homme au Sénégal. « La situation des droits de l'homme au Sénégal peut être présentée de façon mitigée. On peut dire que les principes sont là : les mécanismes juridiques, des instruments internationaux que nous avons adoptés. Le Sénégal, un bon moment, a montré un bon exemple, a montré au monde qu'on peut évoluer énormément, qu'on peut mener une belle quête de l'idéal des droits de l'homme. Nous sommes admirés, nous sommes regardés, nous avons ouvert, nous avons créé les chemins. Il nous faut aller préserver ces acquis », a-t-il soutenu. Et le président de l'Organisation nationale des droits de l'homme (ONDH) d'alerter dans la foulée: « Aujourd'hui, nous sommes très inquiets, au point de craindre que ces principes, ces acquis soient bafoués davantage. Il faut que, dans notre pays, on continue la même trajectoire. Qu'il y ait de plus en plus un cadre de libre expression. Qu'il y ait la possibilité de s'opposer dans ce pays. C'est la contradiction qui donne un sens à la démocratie ».
A la question de savoir comment on en est arrivé à un stade d'inquiétude dans un pays jadis considéré comme un pays de démocratie, il répondra : « Je pense que je peux me tromper, s'il y a des jeux qui sont incarnés par d'autres personnes qui se laissent emporter par des intérêts d'ordre privé, d'ordre personnel. S'il y a un rapport de forces, s'il y a un camp et un autre, si nous sommes entre des hommes politiques qui s'expriment et qui jouent leur comédie, nous, le peuple, nous n'allons pas nous retrouver, le jeu démocratique ne peut pas être organisé ».
A cet égard, l'ancien directeur de l'Institut des droits de l'homme et de la paix pointe du doigt un certain nombre de gaps : « Ce qui fait défaut, c'est le fait de ne pas mettre l'Etat en avant, c'est le fait de ne pas prendre de la distance vis-à-vis des institutions de la République, c'est le fait de ne pas se soumettre au droit. Il faut que le droit soit mis en avant. Il faut que le politique se soumette au droit. Il ne faut pas que le droit soit au service du politique. Que ceux qui respectent le peuple, que ceux qui s'opposent respectent les institutions de la République. »
Concernant cependant la question des arrestations dont les chiffres auraient fait état de plus de cinq cent détenus, l'agrégé en droit parle d'anormalité pour un pays qui se dit Etat de droit : « Le fait qu'il y ait un grand nombre d'arrestations à priori, on dit que ce n'est pas normal. Que d'un seul coup, on arrête beaucoup de personnes, qu'il y ait une cascade, ce n'est pas normal. Dans un pays qui se dit démocratique, dans un pays qui se dit Etat de droit, on ne doit pas être arrêté parce qu'on a exprimé son opinion. Nous avons épousé, nous avons adopté ces valeurs », fulmine l'avocat à la Cour, en précisant toutefois qu' «il faut faire attention, il faut se dire que l'opinion qu'on émet doit aussi se soumettre aux lois, doit se soumettre à la réglementation. Il faut faire attention. Il y a des délits de droit commun. Si vous dérapez, si vous portez atteinte à ces règles que nous avons fixées, vous ne pouvez pas vous retrancher derrière votre casquette politique pour dire voilà je suis arrêté, ce n'est pas normal».