Afrique: Erosion côtière en Afrique de l'Ouest - «Il y a des solutions en travaillant davantage avec la nature»

interview

Les côtes ouest-africaines, faibles en altitude, sont particulièrement vulnérables au changement climatique, avec l'élévation mondiale du niveau des océans. Mais ce sont les activités humaines qui devraient occasionner le plus de risques d'inondations du littoral, estiment les scientifiques de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), dont un rapport sur le sujet paru mi-mai 2023. Entretien avec l'un de ses auteurs, Rafael Almar, chercheur au Laboratoire d'études géophysiques et océano-spatiales, le Légos, à Toulouse.

RFI : Rafael Almar, quelles sont les activités humaines qui risquent d'entraîner davantage d'inondations sur le littoral ouest-africain que le réchauffement climatique lui-même ?

Rafael Almar : Qu'est-ce qui fait que les activités humaines endommagent les côtes et les rendent à risques pour leurs activités elles-mêmes ? Ça va par exemple être la construction de barrages sur des rivières, qui va limiter les apports sédimentaires sur les côtes. Le sable des belles plages africaines vient des rivières. Donc, si on bloque les apports, au bout de quelques années, on va avoir de l'érosion.

Ensuite, les infrastructures liées au développement portuaire, c'est-à-dire les grands ports, avec des digues qui vont bloquer la dérive littorale, qui transporte le sable le long des côtes, ça va générer de l'érosion en aval des ports, comme on peut le voir à Cotonou par exemple avec les quartiers à l'Est qui ont une érosion de plus de 10 mètres par an.

Et ensuite, on va construire sur la dune. La dune, c'est une espèce de tampon naturel, lors des tempêtes, avec du sable qui peut être pris au large et qui va revenir ensuite. Donc, si on bétonne la dune pour construire des hôtels ou autre, on va figer les choses et donc accentuer l'érosion plutôt que le potentiel de résilience naturelle de la côte.

Le rapport évoque un autre péril pour la côte ouest-africaine : la « subsidence ». Qu'est-ce que c'est ?

La subsidence, l'affaissement du sol, est liée à l'extraction de l'eau douce dans les nappes, quand on urbanise ou quand on pompe des eaux douces pour l'agriculture par exemple. Et ce phénomène qu'on retrouve dans les grands deltas de la Volta, du Niger, ça peut être du même ordre de grandeur que la hausse du niveau des mers. Donc, ça peut doubler cet effet-là.

Vous dites que ce rapport est finalement une bonne nouvelle parce que les décideurs africains, s'ils ne peuvent pas agir sur le climat, ils ont des cartes en mains, localement.

Le bon côté de tout ça, c'est que comme c'est régional ou local, on va avoir des leviers pour remédier à ces effets. C'est-à-dire que l'on peut avoir une gestion du sable qui soit coordonnée. L'observateur ouest-africain du littoral est en train de mettre en place des études à ce niveau-là : au niveau régional, en Afrique de l'Ouest. Et, après, on parle beaucoup des services écosystémiques, c'est-à-dire replanter de la mangrove qui va freiner la submersion marine, revégétaliser les dunes, comme ce qui est fait sur la Langue de Barbarie [au Sénégal, Ndlr] pour la fixer. Il y a des solutions en travaillant davantage avec la nature, en fait, pour redonner leur force aux écosystèmes.

Erosion côtière en Afrique de l'Ouest: les activités humaines plus nuisibles que le climat Les chercheurs ont simulé sur une carte l'avancée de la mer en fonction des scénarios climatiques et des perspectives de développement d'ici 2100. À l'échelle de l'Afrique de l'Ouest, si la tendance se poursuit, ce sont les facteurs socio-économiques qui exposeront le plus les populations et les biens aux inondations côtières.

Le littoral abrite déjà un tiers de la population ouest-africaine et produit plus de la moitié du PIB de la région. Cette section côtière est celle qui s'urbanise le plus vite au monde, avec bientôt, une mégalopole ininterrompue de la Côte d'Ivoire au Nigeria... Et toujours plus d'activités : barrages, ports en eau profonde, bétonisation du littoral, forages - d'eau, de pétrole et de gaz -, qui favoriseront l'érosion de la côte ou son affaissement. Selon l'IRD, ces pratiques multiplieront par 20 les risques d'inondation liés au climat.

La menace est particulièrement grande dans cinq pays : Nigeria, Sénégal, Bénin, et désormais Côte d'Ivoire et Ghana. Ils concentrent plus de 80% des populations et des biens ouest-africains en péril. Ce rapport est un outil pour les dirigeants africains appelés à mieux préserver certaines aires côtières et à restreindre le développement des zones à risque.

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