Burkina Faso: Prévisions saisonnières - « Il est prévu un démarrage moyen de la saison, avec une tendance tardive...», Baki Grégoire, ingénieur météo à l'ANAM

interview

Dans cette interview accordée au journal de tous les Burkinabè, Sidwaya, l'ingénieur météo à la direction de l'exploitation météorologique de l'Agence nationale de la météorologie (ANAM), Grégoire Baki, présente les prévisions météorologiques sur les quantités de pluies, les débuts et fins de saison, les périodes sèches, ainsi que les principaux risques et opportunités hydro climatiques attendus au cours de la saison des pluies qui s'annonce. Il donne également des conseils pour une meilleure gestion de ces prévisions saisonnières.

Le 28 avril dernier à Niamey, au Niger, il y a eu la présentation des résultats des prévisions saisonnières pour les pays ouest-africains de la zone soudano-sahélienne. Il ressort qu'une saison des pluies 2023 globalement moyenne à humide est attendue au Sahel. Concrètement, qu'est-ce qui va se passer dans la région en termes de prévisions pluviométriques pour la saison à venir ?

Les résultats des prévisions saisonnières ont été élaborés du 24 au 28 avril 2023, à Niamey, au Niger. La normale est une moyenne qui est calculée avec des cumuls pluviométriques annuels d'au moins trente (30) ans. La normale pluviométrique varie d'une localité à une autre, puisqu'elle est fonction du volume des précipitations de chaque localité ; la normale de Ouagadougou est différente de la normale de Bobo-Dioulasso, qui est aussi distincte de la normale de Dori !

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Quand on dit que Ouagadougou va avoir une pluviométrie qui serait excédentaire, cela signifie que cette ville a la chance d'avoir un cumul pluviométrique qui pourrait dépasser la moyenne (normale) qu'elle a l'habitude d'avoir.

Il faut noter que les prévisions pluviométriques sont faites sur deux périodes : juin-juillet-août et juillet-août-septembre. Pour la première période, pour ce qui concerne la région ouest-africaine, il est prévu sur le centre du Sahel, notamment le Burkina Faso, le Mali et le sud de la Mauritanie, une situation pluviométrique excédentaire à tendance normale, c'est-à-dire que la quantité de pluies que cette partie de la région va recevoir sera supérieure à la normale (moyenne) ou tout au moins égale à celle-ci.

Pour ce qui concerne la façade ouest du Sahel, il est prévu une situation pluviométrique normale à tendance excédentaire ; il en est de même pour la partie est du Sahel, c'est-à-dire, le Niger et le Nord du Nigéria.

En ce qui concerne la période juillet-août-septembre, il est toujours prévu des quantités de pluies qui pourraient être excédentaires à tendance normale sur le centre du Sahel, notamment le Burkina Faso, le Mali, le sud de la Mauritanie, et sur le Niger, le Sénégal, la Sierra Léone.

Pour ce qui est du Burkina Faso spécifiquement, quelle sont les quantités de pluies attendues au cours de la saison pluvieuse qui s'annonce ?

Au niveau du Burkina Faso et sur la période juin-juillet-août, il est attendu une situation pluviométrique qui serait excédentaire à tendance normale notamment sur les régions du Sahel, du Centre-Nord, du Nord, du Centre, de la Boucle du Mouhoun, la moitié nord des Hauts-Bassins, ainsi que la moitié nord du Centre-Ouest et la moitié nord du Plateau Central.

Pour ce qui concerne les régions de l'Est, des Cascades, la moitié nord de la région du Centre-Est, du Sud-Ouest, du Centre-Sud, les moitiés sud des régions du Plateau Central, du Centre-Ouest et des Hauts-Bassins, il est prévu une situation pluviométrique qui pourrait être proche de la normale.

Au niveau de la moitié sud de la région du Sud-Ouest, l'extrême sud-est des régions de l'Est, du Centre-Est, il est prévu une situation pluviométrique déficitaire à tendance normale.

Pour la période juillet-août-septembre, il est prévu des cumuls pluviométriques excédentaires à tendance normales pour les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de la Boucle du Mouhoun, du Centre, du Plateau-Central, les moitiés nord des régions des Hauts-Bassins, du Centre-Ouest, du Centre-Sud, du Centre-Est et de la région de l'Est.

Par contre, pour les moitiés sud des régions de l'Est, du Centre-Est, du Centre-Sud, des Hauts-Bassins et l'ensemble des régions des Cascades et du Sud-ouest, il est prévu des cumuls pluviométriques qui pourraient être proches de la normale.

S : S'agissant du début et de la fin de la saison des pluies, qu'est-ce qui est prévu pour le Burkina Faso, seront-ils normaux ou précoces ?

G.B : En ce qui concerne l'installation de la saison, il est prévu un démarrage moyen avec une tendance tardive sur l'ensemble du pays. Ce qui veut dire que pour la zone soudanienne du pays, comprenant la région des Cascades, le Sud-ouest, les Hauts-bassins, la partie sud du Centre-ouest, du Centre-sud, du Centre-Est et l'extrême sud de la région de l'Est, pourrait connaitre un démarrage de la saison entre le 6 et le 25 mai 2023.

Pour ce qui est de la zone soudano-sahélienne du pays, à savoir la Boucle du Mouhoun, la moitié nord du Centre-Ouest, les moitiés nord du Centre-Sud, du Centre-Est, ainsi que l'ensemble de la région de l'Est, le Plateau-Central, la partie sud et centre du Centre-Nord et la moitié sud de la région du Nord, la saison pourrait commencer entre le 26 mai et le 20 juin.

Et cette période est considérée comme étant celle du démarrage normal de la saison. Pour la partie sahélienne du pays, à savoir la région du Sahel, les extrêmes nord des régions du Nord et du Centre-Nord, ce démarrage normal se situe entre le 21 juin et le 10 juillet.

S : Quid de la fin de la saison ?

G.B : Pour la fin de la saison, il est attendu une fin normale à tendance tardive pour les zones sahélienne et soudano-sahélienne et une normale avec une tendance précoce dans la partie soudanienne du territoire comprenant respectivement les différentes localités ci-dessus citées.

En termes de valeurs, la fin normale de la saison dans la zone sahélienne est entre le 11 et le 20 septembre 2023, entre le 21 septembre et le 10 octobre pour la partie soudano-sahélienne et entre le 11 octobre et le 25 octobre dans la zone soudanienne du pays.

S : Pour la saison des pluies à venir, notre pays va-t-il connaitre des périodes sèches, des poches de sécheresse ?

G.B : La prévision indique que l'on pourrait assister à l'avènement de séquences sèches dont la durée serait normale avec une tendance plus longue que la normale, aussi bien pendant la période d'installation des cultures que pendant la période épiaison-floraison des cultures.

En termes de valeur, la durée moyenne des séquences sèches pendant la période de démarrage de la saison est de 7 jours dans la zone soudanienne, 11 jours dans la zone soudano-sahélienne et 13 jours dans la zone sahélienne. Pendant la période épiaison-floraison des cultures, cette durée est en moyenne de 11 jours au sud, 14 jours au centre et au nord.

Il faut préciser que le début de saison va de la période des semis à 50 jours après les semis ; la fin de saison va du 51e jour après les semis à la fin de la saison.

S : Quels sont les éventuels risques ou opportunités hydro-climatiques auxquels les agriculteurs burkinabè doivent-ils s'attendre au cours de cette saison pluvieuse ?

G.B : Les principaux risques climatiques sont surtout les séquences sèches moyennes à tendance longues prévues, qui pourraient impacter les semis et retarder la saison et favoriser aussi les ennemis des cultures et leur prolifération, de même que certaines maladies.

Il y a aussi les risques d'inondations qui ne sont pas à exclure du fait du caractère globalement humide prévu sur le pays.

Pour ce qui concerne les opportunités, on peut conseiller de :

  • renforcer les dispositifs d'information, d'encadrement et d'assistance agro-hydrométéorologiques des producteurs ;
  • soutenir le déploiement de techniques climato-intelligentes d'augmentation des rendements des cultures et des fourrages, face aux risques climatiques, notamment ceux liés aux excès d'eau de pluies et à la sècheresse;
  • mettre en place des dispositifs de collecte et de conservation des eaux de ruissellement pour des usages agricoles et domestiques en saison sèche;
  • sécuriser les revenus et alléger les pertes agricoles à travers la promotion et la souscription à des assurances agricoles indicielles, etc.

Comme il est prévu des écoulements globalement normaux à tendance excédentaire sur les principaux bassins fluviaux du pays, ce serait une opportunité pour faire de l'irrigation et investir dans les cultures à haut rendement qui sont tolérants vis à vis des conditions humides. Ce qui veut dire que les producteurs seraient amenés à cultiver beaucoup le riz et les tubercules. Ils pourraient aussi mettre en place des bassins de collecte des eaux de ruissellement par exemple pour pratiquer le maraichage en période de saison sèche ou pour des usages domestiques.

Quelles seraient les localités qui seraient touchées par les inondations ?

Il est difficile aujourd'hui de donner des précisions sur ces localités qui pourraient être touchées par ce phénomène d'inondations. Mais ce qu'il y a lieu de faire, c'est d'inviter nos concitoyens à suivre les prévisions météorologiques de façon quotidienne et ainsi que les mises à jour des prévisions saisonnières.

Pour ce qui est des autres risques, en début de saison, on pourrait s'attendre surtout à des grands vents sur toute l'étendue du territoire. Il y a également des risques de maladies liées à la forte humidité qui risque de prévaloir dans certaines localités. Comme il est prévu une situation globalement humide qui pourrait être normale à tendance excédentaire, ces conditions d'humidité pourraient être aussi favorables à la prolifération de certaines maladies tels que le choléra, le paludisme la dingue ainsi que les maladies des animaux qu'on appelle les épizooties.

Je profite rebondir sur la question des prévisions en matière de niveau d'écoulement des eaux de pluies vers les bassins fluviaux au cours de la saison qui s'annonce.

Des écoulements équivalents à supérieurs aux moyennes de la période de référence (1991-2020) pourraient concerner le bassin du Mouhoun, la Comoé et la majeure partie du Nakambé.

Des écoulements supérieurs à équivalents aux moyennes de la période de référence (1991-2020) sont attendus pour le bassin du Niger. Pour le bassin du Pendjari, un sous bassin de celui du Nakambé partagé entre le Burkina Faso, le Bénin, le Togo et le Ghana, des écoulements inférieurs à équivalents aux moyennes de la période de référence (1991-2020) sont attendus.

Ces différentes prévisions saisonnières sont-elles définitives ou pourraient-elles évoluer ?

Ces prévisions saisonnières pourraient connaître une mise à jour au cours du mois de juin pour ainsi les confirmer ou les infirmer.

En un mot, ces prévisions ne sont pas définitives. Mais cela n'enlève en rien, leur caractère scientifique ?

Tout à fait !

Face à ces prévisions agro-hydro-climatiques, quelles précautions les producteurs doivent-ils prendre ?

En termes de conseils agrométéorologiques, il s'agit de demander aux producteurs d'éviter l'occupation anarchique des zones inondables par des habitations, les animaux et les cultures.

Il y a surtout certains types de cultures comme le maïs, le sorgho, le niébé qui n'aiment pas avoir leurs pieds dans l'eau. Il est donc déconseillé de mettre ces genres de culture dans les bas-fonds.

Ils peuvent par contre exploiter les bas-fonds pour la pratique de la riziculture. J'invite aussi les populations à s'atteler au curage des caniveaux pour faciliter l'évacuation des eaux de pluie.

Il faudrait aussi prévoir des sites d'accueil pour les populations qui pourraient être affectées par les risques d'inondations.

Les producteurs doivent aussi veiller sur les animaux pour les préserver des risques de noyade. Il leur est conseillé de choisir des variétés de culture qui résistent aux poches de sécheresse et qui sont tolérants au déficit hydrique dans les régions exposées ; d'adopter des techniques culturales de conservation des eaux et des sols comme le Zaï, les demi-lunes, les cordons pierreux, de diversifier les techniques agricoles (irrigation, maraichage...) pour pallier aux aléas climatiques. Et pour éviter les ressemis, nous invitons les agriculteurs à respecter les dates de début de saison indiquées plus haut.

Quelles mesures les pouvoirs publics doivent-ils prendre pour une meilleure gestion de ces prévisions saisonnières ?

Nous demandons aux autorités de renforcer les dispositifs d'informations, d'encadrement des producteurs, de soutenir les communicateurs dans le sens du renforcement de la communication sur les prévisions saisonnières et de leur mise à jour afin que ces informations hydro climatiques parviennent aux principaux destinataires que sont les producteurs.

Il convient également de renforcer les capacités des systèmes nationaux d'alerte précoce, des agences de réductions des risques de catastrophes, de suivi des inondations et d'aide humanitaire comme le CONASUR, les ONG.

 

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