La filière sel, l'une des principales activités économiques de la région de Fatick (centre) en termes d'emplois et de revenus, est confrontée à plusieurs difficultés, notamment la baisse de la production, les aléas climatiques, la faible mécanisation et la hausse des coûts de production, a appris l'APS de ses principaux acteurs.
La production de sel génère d'importants revenus pour les acteurs de cette filière : les groupements d'intérêt économique (GIE), les opérateurs économiques, les employés et les transporteurs. Les agents chargés de l'iodation du sel, de son conditionnement et de l'entretien des unités de production en tirent également profit.
Mais la filière sel connaît des difficultés, selon plusieurs acteurs.
"Aujourd'hui, la demande est supérieure à l'offre, car la mer a perdu toute sa salinité", observe le président de la Coopérative des producteurs de sel de la région de Fatick, Adama Sall.
Les GIE et les opérateurs économiques intervenant dans la filière emploient une main-d'oeuvre majoritairement féminine d'environ 6.000 personnes, selon lui. La quasi-totalité de la main-d'oeuvre des marais salants est rémunérée à la journée.
Ni les employés ni leurs employeurs n'échappent aux "sérieux problèmes" de l'économie du sel, selon M. Sall.
"Nous avons perdu 40.000 tonnes de sel cette année, ce qui a ralenti nos activités et a engendré une pénurie à cause de laquelle le prix de la tonne de sel est passé de 10.000 à 60.000 francs CFA", déclare le président de la Coopérative des producteurs de sel de la région de Fatick.
Adama Sall espère que les fortes températures survenant au cours de la saison sèche vont augmenter la production de cette année. Confrontée aux aléas de la nature, la filière a besoin du soutien de l'Etat et de ses partenaires économiques, selon lui.
La Coopérative des acteurs du sel de la région de Fatick réunit plus de 30 GIE et producteurs individuels. Elle souhaite la hausse du prix du sel pour atténuer les charges liées au transport de la denrée entre les sites de production et les marchés, selon Jean-Marie Kène Ndiaye.
Le président-directeur général du complexe industriel Sels Sine, Baboucar Bop, s'inquiète, lui, de la qualité des unités de production. Les espaces aménagés pour la saturation des marais sont faiblement élevés, ce qui engendre une maigre capacité de conservation de l'eau salée, explique M. Bop.
Les changements climatiques réduisent fortement la capacité de production de la région de Fatick depuis quelques années, constate cet opérateur économique intervenant dans la filière depuis 1984.
"La réponse aux changements climatiques va consister à créer des zones de saturation très élevées, qui pourront conserver l'eau pendant un an", dit-il.
Cette mesure aura l'avantage d'atténuer l'impact de la pluviométrie sur la production de sel. "Le soleil est un facteur de production que nous ne maîtrisons pas encore. Avec 45 degrés à l'ombre, vous pouvez produire beaucoup de sel. Mais le soir, à cause de l'humidité, tout le sel se dissout. Il faut reprendre à zéro", s'inquiète Baboucar Bop, l'un des plus grands producteurs et exportateurs de cette denrée alimentaire au Sénégal.
M. Bop, acteur de la filière depuis quatre décennies, déplore la faible production de cette année. "A cette période de l'année, je n'ai même pas récolté un seul kilo de sel. A pareil moment de l'année dernière, j'en étais à quelque 2.000 tonnes", s'alarme-t-il.
L'opérateur économique évoque les aléas d'une production dépendant de plusieurs facteurs, dans cette zone où le sel est obtenu essentiellement par des techniques d'évaporation de l'eau de mer.
L'industrie du sel attire de plus en plus d'acteurs, malgré ses difficultés
Il existe actuellement une pénurie de sel, résultat d'une faible production de la denrée, selon le patron de Sels Sine. La tonne de sel, vendue habituellement par les petits producteurs à 8.000 francs CFA, voire 10.000, coûte maintenant 60.000 en raison de la faible production de cette année, souligne M. Bop, également président de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Fatick.
L'industrie du sel attire de plus en plus d'acteurs, malgré ses difficultés. En septembre 2021, une nouvelle unité de production s'est implantée à Fatick. Sel d'Afrique espère générer 200 emplois directs et quelque 1.500 emplois indirects, selon son président-directeur général, Abou Emile Diouf.
La nouvelle usine se fixe un objectif de production de 30.000 tonnes dans les deux prochaines années, qu'elle compte faire progresser à 150.000 tonnes par an dans le long terme, déclare M. Diouf.
Abou Emile Diouf rêve d'accroître la plus-value de la filière et de faire en sorte qu'elle contribue activement aux efforts visant à augmenter les exportations sénégalaises, d'autant plus que le produit sortant des marais de la région de Fatick est vendu dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest.
"Le sel que nous produisons est destiné à la consommation des ménages du pays et à la satisfaction de la demande des industries", souligne-t-il.
Les difficultés n'épargnent pas le lac Rose, un important site de production de sel situé dans la région de Dakar. La production de cette zone, de 200.000 à 250.000 tonnes par an, a connu une forte baisse, signale le président-directeur général de Sels Sine, laissant entendre que tous les sites de production du pays sont confrontés aux mêmes écueils.
Il en va de même pour la région de Kaolack (centre), selon Baboucar Bop. Plus grand producteur de sel du pays, cette région a connu un retard de production d'environ trois mois cette année, relève-t-il.
"Les salins de Kaolack ont entamé la récolte le 13 mars dernier, une étape qui démarrait habituellement en décembre. La baisse est estimée à 80.000 tonnes par rapport à la quantité produite en 2022", déclare le président de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Fatick.
Boubacar Bop croit encore à l'essor de la filière sel, malgré ses difficultés. Les investissements qu'il a réalisés à Fatick ont tellement d'ampleur que le patron de Sels Sine s'attend à d'importants rendements dans deux ou trois ans.
"Aujourd'hui, avec la mécanisation de l'activité, nous employons beaucoup moins de main-d'oeuvre, seulement 25 personnes par journée en moyenne. Les machines assurent l'essentiel de l'activité, avec plus de rapidité", dit-il.
L'opérateur économique déplore par ailleurs les conditions fixées par les pouvoirs publics pour l'iodation du sel, l'une des normes de production requises. "L'Etat nous oblige à ioder le sel pour éliminer les risques d'hypertension artérielle qu'engendre la consommation de sel non iodé."
Cette obligation accroît les coûts de production dans la mesure où le kilo d'iode, vendu à 8.000 francs CFA il y a dix ans, coûte maintenant 45.000, selon Baboucar Bop.