Les associations et syndicats de médias se mobilisent pour leur liberté d'exercer, et ont décidé de couper leur signal radio et télé. Les autorités de transition sont au centre des critiques depuis la semaine dernière à cause de restrictions de navigation sur internet toujours en cours, notamment pour accéder aux réseaux sociaux et aux services de messageries. Fait plus rare : plusieurs sites d'information guinéens sont également concernés et des radios affirment que leur signal FM a délibérément été brouillé.
Ces perturbations interviennent dans un contexte de protestations socio-politiques et d'appels à manifester cette semaine contre la junte du colonel-président Mamadi Doumbouya. Les représentants de la presse annoncent également boycotter toutes les activités du gouvernement. Ils visent particulièrement le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo. Les médias le qualifient désormais d'« ennemi de la presse » depuis qu'il a menacé la semaine dernière de fermer « tout média tenant des propos de nature à saper l'unité nationale ».
« En tant que ministre de Télécommunications, c'est lui qui est à la tutelle de l'entité qui a brouillé les ondes, qui a fait des restrictions sur les réseaux sociaux et qui a limité l'accès aux sites internet guinéens, estime Amadou Tham Camara, président de l'Association guinénne de la presse en ligne (Aguipel). Il nous a dit qu'il s'agissait d'une panne, mais ce n'est pas une panne parce que si c'était une panne, on ne pourrait pas accéder aux autres sites internet, notamment les sites étrangers. Ce sont les sites guinéens et les médias sociaux les plus populaires qui nous sont inaccessibles. Ça veut dire simplement que c'est une restriction qui a été faite et cela veut dire que ces activités ne seront pas couvertes. Nous avons bon espoir que le gouvernement qui, dans un premier temps avait bien collaboré avec la presse, va revenir à de meilleurs sentiments parce que ces mesures liberticides qui ont été prises sont très rétrogrades. C'est vraiment en déphasage avec toutes les promesses qui avaient été faites lors du coup d'État en septembre 2021. Donc, nous sommes quelque peu déçus et c'est vraiment en contradiction avec toutes les actions qui avaient été prises jusqu'ici. »
En coupant totalement les signaux de la radio et de la télévision, les professionnels de la presse espèrent alerter l'opinion publique sur la menace qui pèse sur ce secteur, explique Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du Syndicat des professionnels de presse en Guinée.
« À la radio, on éteint carrément, vous ne captez pas de signal. À la télé, vous voyez des images, mais c'est un logo qu'on affiche là où c'est écrit "presse en danger" et au niveau des sites aussi, on va faire passer des bannières sur lesquelles aussi c'est écrit "presse sans danger". Ça, c'est dire à l'opinion publique que vous voyez le danger dans lequel le gouvernement veut vous plonger puisque le gouvernement s'apprête à fermer toutes les radios. Donc, il faut que les citoyens sachent que quand on ferme les radios, ils seront plongés dans le noir. Qu'ils sachent que vous avez un gouvernement qui n'a pas de pitié, qui ne veut pas vous apporter - comme c'est prévu par nos textes de loi - le droit d'accès à l'information. Maintenant, le gouvernement veut vous priver de ce droit-là. Peut-être ça pourrait secouer la conscience de nos dirigeants, qu'on sache que, une fois que les radios sont coupés, c'est un danger. Donc nous, on va le faire pour dire aux citoyens : voici là où le gouvernement veut vous envoyer, éteindre toutes les radios de télévision du pays. »