Haythem El Mekki et Elyès Gharbi, deux grands noms du journalisme tunisien, étaient convoqués, ce lundi 22 mai, par la brigade anti-criminalité de Tunis. En cause, des propos tenus sur les ondes de la radio Mosaïque FM qui ont fortement déplu aux forces de l'ordre tunisiennes.
C'est sous les applaudissements et les youyous de confrères que Haythem El Mekki et Elyès Gharbi sont sortis des locaux de la brigade anti-criminalité de Tunis, une audition qui fait suite à une émission dans laquelle ils ont soulevé la question du recrutement des policiers tunisiens après l'attaque de Jerba.
Parce qu'il a soutenu que certains candidats postulent pour jouer aux caïds et non par vocation, Haythem El Mekki s'est attiré les foudres de l'appareil sécuritaire. Pour Yassine Jelassi, président du syndicat des journalistes tunisiens, la convocation est politique.
« La Tunisie vit au rythme des délits d'opinion. C'est le cas des journalistes, mais aussi des syndicalistes, des militants, des avocats, des politiciens et des citoyens lambda qui peuvent même finir en prison pour un simple post sur les réseaux sociaux », souligne Yassine Jelassi, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).
Dans la foule, se trouve Youssef Seddik, philosophe tunisien respecté de 80 ans. Lui qui a analysé, tour à tour, l'ère Bourguiba, Ben Ali, puis post-révolutionnaire, ne cache pas son incrédulité face à l'actualité de ces derniers jours. Il en appelle au président tunisien pour calmer les choses.
« C'est la première fois de ma vie que je ne comprends pas mon pays. Je ne comprends pas ce qu'il se passe dans mon pays. Les convoquer aujourd'hui devant le procureur de la République, cela me paraît d'une aberration inouïe. S'il ne tient pas et son ministère de l'Intérieur et son ministère de la Justice, qu'est-ce qu'il est en train de faire à la tête de la République ? », questionne Youssef Seddik, penseur et philosophe tunisien.
Les deux journalistes sont ressortis libres, mais les investigations les concernant se poursuivent.
À noter que le directeur général de radio Mosaïque FM est, quant à lui, emprisonné depuis trois mois pour des suspicions de blanchiment d'argent. Cependant, pour les observateurs de la vie politique tunisienne, c'est bien la ligne éditoriale de la radio qui lui vaut toutes ces poursuites.