Sénégal: Procès « Sweet Beauty » - Retour sur une affaire qui tient en haleine le pays depuis trois ans

Ousmane Sonko, président du parti Pastef, opposition sénégalaise

Renvoyé le 16 mai dernier, le procès du présumé viol opposant la masseuse Adji Sarr à Ousmane Sonko, actuel maire de Ziguinchor et non moins leader du parti Pastef-Les Patriotes, s'ouvre finalement, ce mardi 23 mai, la barre de la chambre criminelle de Dakar. Un rappel des faits entre les différents protagonistes de cette affaire, en attendant le débat au fond qui démarre ce matin, probablement sans la présence de Sonko déjà absent l'autre semaine à l'audience...

Tout a démarré le 3 février 2020. Ce jour-là, Adji Sarr, masseuse, âgée de 20 ans, saisit la section de recherches de la gendarmerie d'une plainte contre Ousmane Sonko qui l'aurait menacée et violée lors de séances de massage dans un salon dénommé « Sweet Beauté » où elle travaillait. Ce dernier, dit-elle, aurait abusé d'elle à plusieurs reprises dont la plus récente remonte à la nuit du 2 au 3 février 2020. Á l'époque, le Sénégal était en plein couvre-feu à cause des mesures prises par les autorités sénégalaises pour éviter la propagation de la maladie à coronavirus (Covid-19). Adji Sarr a été aidée dans ses démarches par Sidy Ahmeth Mbaye qui, dans la même nuit, grâce à l'aide d'un avocat qui l'avait mis en rapport avec un médecin, est parti la chercher au salon avant de la conduire à l'hôpital Idrissa Pouye de Grand Yoff.

La machine judiciaire a ainsi été déclenchée et les éléments enquêteurs ont démarré les auditions. La propriétaire du salon, Ndèye Khady Ndiaye, a été entendue. Cette dernière a, dans sa déposition, reconnu que Ousmane Sonko fréquente son établissement depuis des années et il s'est toujours bien comporté. Le 8 février 2021, de la même année, Ousmane Sonko a été convoqué. Mais, il a refusé de déférer à la convocation des éléments enquêteurs en évoquant son immunité parlementaire. Il avait, auparavant, fait une déclaration de presse pour nier les faits qui lui sont reprochés. Il indiquait que cette affaire était un complot ourdi contre sa personne par le régime en place qui veut l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle prévue en février 2024.

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Son immunité parlementaire a été levée le vendredi 26 février 2021. La séance plénière s'était déroulée à huis clos et 98 parlementaires avaient voté en faveur de la levée du statut parlementaire qui protégeait Ousmane Sonko. La vieille, le juge Seck avait entendu Adji Sarr pour confirmer sa plainte. Au même moment, le parquet avait requis le mandat de dépôt contre Ndèye Khady Ndiaye, la propriétaire du salon. Le 3 mars 2021, Mamadou Seck, juge du huitième cabinet d'instruction, en charge du dossier, ne suit pas le maître des poursuites. Il place sous contrôle judiciaire la dame qui venait d'accoucher, ce, après l'avoir inculpée des faits d'incitation à la débauche, diffusion d'images contraires aux bonnes moeurs et complicité de viol.

Convoqué le même jour, Ousmane Sonko est arrêté en cours de route à la suite de troubles. Une arrestation qui a provoqué, pendant des jours, des affrontements entre les forces de l'ordre et les partisans de l'édile de la ville de Ziguinchor. Le bilan a été lourd. On a dénombré 14 morts et plusieurs blessés en plus des dégâts matériels. Le dimanche 7 mars, le procureur d'alors, Serigne Bassirou Guèye ordonne la levée de la mesure de garde-à-vue dont le patriote en chef faisait l'objet. Toutefois, Ousmane Sonko est convoqué le lendemain 8 mars par le Doyen des juges d'instruction d'alors, Feu Samba Sall. Ce dernier, avait hérité du dossier de son collègue Mamadou Seck qui s'était dessaisi, après avoir été aussi récusé par Ousmane Sonko. Il inculpe le maire de Ziguinchor des faits de viol et de menace de mort, mais le place sous contrôle judiciaire.

Adji Sarr, la masseuse, a été placée sous contrôle policière après que ses deux avocats ont adressé au ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Diome, une demande de protection de leur cliente. Cette dernière, d'après les robes noires, n'était plus en sécurité depuis qu'elle a déposé la plainte contre le leader du parti Pastef-Les Patriotes. Elle est, à en croire ses avocats, sous pression et reçoit des menaces de mort tous les jours. Ainsi, le ministre de l'Intérieur avait-il accédé à la requête des avocats commis pour assurer la défense de la plus célèbre masseuse du Sénégal. Pendant ce temps, le dossier dormait dans le premier cabinet resté sans juge jusqu'au 22 décembre 2021 avec la nomination de Oumar Makham Diallo qui succède à Feu Samba Sall. Ce n'est que le 22 mars 2022 que le nouveau Doyen des juges a entamé les auditions au fond avec la convocation de Ndèye Khady Ndiaye. Quelques jours après, le 15 avril, celle-ci est confrontée à Adji Sarr.

Le 7 décembre 2022, les deux protagonistes de cette affaire se rencontrent pour la première fois dans le bureau du juge Maham Diallo, successeur du défunt doyen des juges d'instruction Samba Sall. Á leur sortie, les deux parties se renvoient la balle. Adji sarr, devant les caméras, exprime sa déception causée par le comportement de son présumé violeur qui a, selon elle, refusé de répondre aux questions qui lui sont posées. Ces propos sont battus en brèche par ce dernier qui dit avoir répondu à toutes les questions. Le 17 janvier 2023, le doyen des juges d'instruction prend une ordonnance de renvoi et de mise en accusation devant la chambre criminelle de Dakar contre Ousmane Sonko et Ndèye Khady Ndiaye. Les avocats de Ousmane Sonko avaient introduit un recours en cassation pour attaquer cette décision. Mais, ils n'ont pas eu gain de cause.

Le dossier avait été enrôlé pour être jugé le mardi 16 avant d'être renvoyé ce 23 mai. Mais l'accusé Ousmane Sonko avait déclaré dans un premier temps, qu'il n'allait pas comparaître devant la chambre criminelle; avant d'exiger lors d'une récente interview le respect de ses droits comme conditions de sa venue au procès.

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