Ile Maurice: Consommation - La «greedflation» menace le porte-monnaie ?

Si au niveau mondial le prix de certains produits agricoles affiche une tendance à la baisse, l'inflation frappe d'autres denrées alimentaires et leur prix reste élevé dans plusieurs pays, y compris à Maurice. Or, dans certains cas, comme au Royaume-Uni, il y a des inquiétudes quant à la possible intervention des grandes entreprises privées, en particulier celles opérant dans le secteur alimentaire et de la logistique maritime, dans le maintien artificiel d'un taux d'inflation élevé. Enter la «greedflation» dans le champ lexical du monde économique.

Selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur la sécurité alimentaire, en avril, l'inflation alimentaire à Maurice était de 7,4 % en glissement annuel. Bien que cet indice soit en déclin par rapport au pourcentage de 11,4 % en mars dernier, il reste élevé. Évidemment, étant donné que Maurice est un pays importateur net, l'évolution des prix des denrées alimentaires et des engrais au niveau mondial a un impact sur les prix de vente localement. Voyons cela de plus près.

Dans l'édition d'avril 2023 du Global Commodity Market Outlook, la Banque mondiale indique qu'en 2023, les prix des produits agricoles devraient baisser de 7 %, les prix alimentaires de 8 % et les prix des engrais de 37 %. Il est à noter qu'en 2022, l'indice des prix des engrais de la Banque mondiale a chuté de 18 %, bien qu'il reste nettement supérieur à la moyenne pour la période 2015-2019.

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La même tendance est observée pour 2023. Malgré les baisses, les prix des engrais devraient rester à des niveaux historiquement élevés. De plus, l'indice FAO (Food and Agricultural Organization) des prix des produits alimentaires s'est établi en moyenne à 127,2 points en avril 2023, enregistrant une hausse de 0,8 point par rapport à mars et une baisse de 31,2 points par rapport à la même période l'année précédente.

Cette légère augmentation en avril est due à une forte hausse de l'indice des prix du sucre et à une augmentation de l'indice des prix de la viande, tandis que les indices des prix des céréales, des produits laitiers et des huiles végétales ont continué de baisser.

Retour au contexte mauricien

L'inflation se chiffrait à 8,3 % en glissement annuel en avril, en baisse en comparaison à 11 % en avril 2022. Il est également intéressant de noter que la valeur de notre CORE2 inflation, qui exclut les produits alimentaires, les boissons et le tabac, les intérêts hypothécaires sur les prêts au logement, l'électricité, le gaz, les autres carburants et les articles dont les prix sont contrôlés, par rapport à la headline inflation, passe à 6,3 % en avril en glissement annuel contre 7,0 % en avril 2022. Même si elle est en baisse, on parle donc d'une inflation locale persistante.

Cependant, si le prix élevé de l'énergie est un facteur important contribuant à ce coût élevé de l'alimentaire, il ne faut pas oublier l'impact de l'augmentation du dollar index faisant suite aux multiples interventions de la Federal Reserve aux États-Unis, qui, en augmentant les taux d'intérêt, rend le dollar plus fort. Cela s'ajoute à notre roupie plus faible, ce qui rend le coût de l'importation des produits alimentaires et de l'engrais plus cher.

Ceci étant dit, il nous faut néanmoins faire attention. Selon un article de The Guardian, les grandes entreprises auraient alimenté l'inflation par des augmentations de prix allant au-delà de la hausse des coûts des matières premières et des salaires, poussant les factures d'achats à des niveaux record au Royaume-Uni. En effet, les Anglais s'interrogent de plus en plus sur le phénomène de greedflation. Si certains prix avaient augmenté à cause de la forte inflation, ils sont restés élevés malgré l'amélioration de l'indice et cela au profit des commerçants.

À Maurice, le système de maximum mark-up du ministère du Commerce peut éviter ce phénomène par rapport à certains produits. Dans notre cas, le challenge principal pour restaurer le pouvoir d'achat des Mauriciens et réduire le coût des produits alimentaires est de maîtriser le niveau de l'inflation locale.

Dans ce contexte, il serait intéressant de voir l'impact des mesures de politique monétaire sur le taux d'inflation. Une mise à jour de la Banque centrale sur ce sujet serait donc opportune. On devrait aussi pouvoir voir les résultats des mesures prises pour éponger l'excès de liquidité sur le marché avant de parler d'une augmentation de salaire minimum.

À l'approche du Budget, il est essentiel de cibler les aides sociales de manière à ne pas risquer d'aggraver la situation inflationniste. De plus, des mesures visant à ralentir l'augmentation du déficit commercial sont également importantes. Du point de vue du consommateur, maîtriser l'inflation doit être la priorité pour redonner de la valeur à notre roupie !

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