Mali: Le pastoralisme, un mode de vie ancestral en danger

communiqué de presse

L'élevage constitue une des principales sources de revenus des habitants du centre et du nord du Mali. Mais la persistance du conflit armé et l'impact grandissant du changement climatique mettent au défi les efforts de tous les éleveurs pour garder leurs animaux en vie et en bonne santé.

Sous une tente de fortune qui le protège à peine du soleil, Arrab Ag Yehia, éleveur et responsable d'un site de déplacés dans les environs de Gao, évoque l'avenir sans cacher ses craintes : « Tout le monde est éleveur chez nous, c'est une pratique ancestrale. Mais je ne sais pas si nous ferons encore la même chose dans dix ans », dit-il.

Aujourd'hui, les communautés comme celle d'Arrab subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique. Aux pluies de plus en plus rares succèdent des inondations aussi soudaines que violentes. Les températures s'élèvent à un niveau inégalé, imposant des sécheresses longues et intenses, qui se sont répétées depuis 2010, en 2015, 2016 et 2021.

Au Mali, la transhumance se fait majoritairement sur un axe nord-sud, mais certains éleveurs se dirigent vers des lieux spécifiques comme le delta intérieur du Niger ou l'Adrar des Ifoghas. Cette pratique permet aux pasteurs et agropasteurs de gérer les variabilités climatiques, de trouver des zones de repli en cas de sécheresse et d'accéder aux marchés.

Mais faute de précipitations suffisantes, les pâturages et les terres arables disparaissent dans toute la région du Sahel à un rythme accéléré.

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Inflation et sécurité alimentaire

Avec la diminution des surfaces cultivées dans certaines régions, les denrées alimentaires comme le mil et le sorgho deviennent plus rares et leur prix s'envole. Pour manger, les éleveurs sont contraints de vendre plus d'animaux qu'avant et les troupeaux diminuent. Les bêtes, sous-alimentées, sont plus sensibles aux maladies. Dans un contexte d'insécurité accrue, les services vétérinaires ont du mal à fonctionner.

Oumar Ballo, vétérinaire au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Mali, explique : « Le prix des aliments pour le bétail a également augmenté. Les animaux n'ont plus suffisamment de nourriture, surtout en période de soudure. » L'élevage est une activité de plus en plus menacée au Mali alors que le pays est l'un des plus grands producteurs de bétail en Afrique de l'Ouest. « En termes de sécurité alimentaire, on ne peut que s'inquiéter », poursuit-il.

Arrab et sa communauté d'éleveurs recherchent depuis des décennies les pâturages nécessaires à la survie du bétail. Ils se sont installés au Burkina Faso dans les années 1990, espérant y trouver un meilleur cadre de vie. En raison de l'insécurité et des conséquences du changement climatique, ils ont été obligés de revenir au Mali en 2019.

« Avec la sécheresse, les pâturages se raréfiaient, nos troupeaux mourraient de faim. Ils n'avaient pas à manger et nous non plus », déclare Arrab.

Ils survivent tant bien que mal dans la région du Liptako-Gourma, côté malien, avec les quelques animaux qu'ils leur restent. Les conditions de sécurité se dégradent rapidement. « Nous n'avons pas été attaqués mais il y avait des affrontements dans des villages proches du nôtre. Nous vivions dans l'angoisse. On a préféré fuir pour nous rapprocher de la ville de Gao. Et dans la hâte, nous avons dû tout laisser derrière nous, nos biens et le peu de bétail qui nous restait », explique Arrab.

Les routes de transhumance dans la région transfrontalière du Liptako-Gourma, sont particulièrement dangereuses pour les éleveurs, exposés au vol de leur bétail.

Et maintenant, que faire ?

Aujourd'hui, Arrab vit dans un camp de fortune et n'a plus de troupeau. Lui et ses compagnons d'infortune dépendent de l'aide humanitaire et de la générosité de quelques personnes du voisinage qui offrent parfois des sacs de riz. C'est loin d'être suffisant. Il lâche : « Je dois prendre soin des gens ma communauté alors que je n'ai plus rien. Je me suis couvert de dettes pour leur donner de quoi à manger. »

Beaucoup doivent exercer de petits travaux, à la demande, pour les hôtes. Certains éleveurs, privés d'une grande partie ou de l'entièreté de leur bétail, sont devenus des bergers salariés, élevant les troupeaux des autres. Ceux qui n'ont pas cette chance s'endettent auprès des commerçants.

« On est conscients que l'aide humanitaire ne peut durer toute une vie. À défaut d'avoir de nouveau des animaux, nous devons pratiquer une autre activité pour vivre dignement. Pour l'instant, je ne sais pas si en rentrant chez moi je vais trouver à manger », conclut Arrab en soupirant.

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