Les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (Bad) ont démarré, hier, à Charm el-Cheikh, en Égypte, autour du thème : « Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique ». Lors d'un déjeuner de presse, le Président de la Bad, Dr Akinwumi Adesina, a donné le ton en réaffirmant le rôle moteur qu'entend jouer l'institution financière panafricaine dans la mobilisation des financements.
Le constat est largement partagé. L'Afrique est le continent qui pollue le moins, mais subit le plus les effets du changement climatique. Les chiffres sont éloquents. D'après les données de la Banque africaine de développement (Bad), l'Afrique a perdu, chaque année, quelque 5 % à 15 % de la croissance de son Pib entre 1986 et 2015, en raison des risques liés au changement climatique. Et en l'absence de politiques solides en matière de changement climatique, les projections montrent que le continent pourrait perdre entre 2 % et 12 % de son Pib à l'horizon 2100, selon le scénario de réchauffement climatique, contre moins de 1 % pour les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni, et 1 % à 5 % pour la Chine.
Toutefois, la transition vers une économie verte nécessitera la mobilisation de ressources importantes. En effet, selon le dernier rapport de la Bad sur les perspectives économiques, entre 1300 et 1600 milliards de dollars sont nécessaires, sur la période 2020-2030, pour mettre en oeuvre l'action climatique de l'Afrique telle qu'exprimée dans les Contributions déterminées au niveau national (Cdn) des pays. Partant des flux de financement climatique actuels, il subsistera, jusqu'en 2030, un déficit de financement estimé à 172,2 milliards de dollars par an.
Face à cette situation, le Président de la Bad souligne le besoin urgent de mobiliser d'autres sources de financement pour le changement climatique et la croissance verte en Afrique.
À l'ouverture des Assemblées annuelles de la Bad, hier, à Charm el-Cheikh, en Égypte, Dr Akinwumi Adesina a indiqué que l'Afrique a besoin d'être accompagnée pour s'adapter au changement climatique et le maître-mot, c'est la mobilisation des financements. « Nous avons besoin de tous les capitaux, que la provenance soit locale ou étrangère. Le défi est de préparer des projets bancables, de réduire les risques et d'avoir un cadre réglementaire favorable aux investisseurs. Et la Bad veut jouer un rôle de catalyseur », a-t-il dit.
Évoquant les différentes crises qui secouent plusieurs pays africains, notamment le Sahel, Adesina voit un point commun qu'est le changement climatique. À cet effet, il annonce la restauration du bassin du lac Tchad, une façon d'attaquer à la racine la crise sécuritaire qui y sévit.
Pour une approche différenciée dans la transition énergétique
La question de l'exploitation des énergies fossiles est également revenue dans les discussions. « La transition énergétique s'impose à tous ; ce n'est pas négociable », admet Adesina. Toutefois, à l'image de beaucoup de dirigeants africains, il milite pour une approche « pragmatique et différenciée ». À son avis, les pays riches qui ont une plus grande responsabilité dans le réchauffement climatique doivent montrer l'exemple et s'engager, dès à présent, dans cette transition. L'Afrique quant à elle a besoin de plus de temps, dit-il.
« Ce que les autres considèrent comme un luxe ne l'est pas pour nous », souligne M. Adesina, rappelant que « 600 millions d'Africains n'ont pas encore accès à l'électricité et que, chaque année, 600 000 décès sont enregistrés dans le continent à cause de l'insuffisance d'énergie de qualité, notamment pour la cuisson ». C'est pourquoi il dit être contre l'injonction faite aux Africains de renoncer à l'exploitation de leurs énergies fossiles au nom de la protection de l'environnement. « Le gaz est fondamental pour la croissance en Afrique », explique-t-il. Ce, en dépit du fait que 87 % des financements de la Bad dans le secteur de l'énergie vont dans des projets d'énergies renouvelables. En plus de la production de l'électricité, l'exploitation du gaz naturel permettra de produire des engrais.
Envoyé spécial à Charm el-Cheikh (Égypte)