Afrique de l'Ouest: Procès d'Ousmane Sonko sur fond de tensions socio-politiques - C'est le peuple sénégalais qui trinque !

analyse

Convoqué par la Justice sénégalaise pour répondre des faits d'accusations de viols que lui reproche Adji Sarr, l'opposant Ousmane Sonko, leader du parti Pastef qui s'est retiré dans sa ville natale de Ziguinchor, sise à plus de 400 km de la capitale Dakar, a refusé de se rendre au tribunal. L'homme est donc dans la posture de l'appel à la désobéissance civile et à la résistance qu'il avait lancé plus tôt avant de rallier la ville dont il est par ailleurs le maire.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les autorités sénégalaises, échaudées par les précédentes manifestations, ont pris très au sérieux les risques de débordements que pourrait entrainer cette nouvelle évolution de l'affaire qui semble prendre en otage le pays de la Téranga. En effet, pour parer à toute éventualité, elles ont décidé de la fermeture des écoles et de l'interdiction de circuler des motos dans la capitale, Dakar.

On peut déplorer que les ennuis judiciaires d'un seul individu causent autant de préjudices aux Sénégalais

Il faut d'ailleurs saluer ces mesures qui ont permis d'anticiper sur le cours des évènements. Car, l'Etat est bien dans son rôle de garant de l'ordre public, surtout quand on sait que les développements de cette brûlante actualité au Sénégal, ont déjà coûté la vie à une quinzaine de personnes. Cela dit, l'on peut tout de même déplorer que les ennuis judiciaires d'un seul individu, fût-il présidentiable, causent autant de préjudices aux Sénégalais.

Tout cela donne le sentiment que le leader du Pastef qui, visiblement, se plait à défier les institutions de son pays, n'est certainement pas le défenseur de la cause du peuple comme il le prétend. Bien au contraire, il est prêt à marcher sur les cadavres de ses concitoyens pour accéder au pouvoir. L'on peut, de ce fait, le soupçonner d'entretenir les tensions politiques autour de l'affaire pour augmenter son capital de sympathie auprès d'une certaine frange de la société afin d'y puiser des dividendes politiques.

En tout cas, les résultats de l'opposition aux dernières élections législatives, le prouvent à souhait. Et sans doute, l'ambition est d'user de la même stratégie pour remporter la prochaine présidentielle. Mais il faut bien craindre qu'Ousmane Sonko ne se retrouve pris à son propre piège et ne soit, de fait, finalement la principale victime de cette affaire qui tient en haleine le Sénégal. Et pour cause. En refusant de répondre à la convocation du juge, il pourrait être condamné par contumace. Dans ce cas de figure, il ne pourrait pas faire appel, et d'après le Code électoral, « les individus en état de contumace ne peuvent pas être inscrits sur les listes électorales ».

C'est donc dire qu'il pourrait bien être victime de ce qu'il redoute le plus et cela en conséquence de ses propres actes. Et à supposer même que malgré toutes les menaces qui planent sur sa tête, Ousmane Sonko parvienne à se faire élire président du Sénégal, l'on se demande comment il pourrait gouverner ce pays où il aurait appris, par son comportement, à ses concitoyens, à défier les institutions.

On comprend qu'Ousmane Sonko ne veuille pas se laisser conduire à l'abattoir comme un mouton de Tabaski

Or, l'on aurait pu éviter d'assombrir le ciel sénégalais et de noircir l'exception démocratique du pays sur le continent. Il aurait suffi tout simplement pour cela, que l'opposant aille répondre de ses actes et lave son honneur si tant est que les accusations portées contre lui soient fausses. Mieux, il aurait pu, comme l'avait fait à l'époque le président américain, Bill Clinton dans l'affaire Monica Lewinsky, faire amende honorable et présenter ses excuses publiques à Adji Sarr.

Dans une Afrique où les liens sociaux et culturels sont encore forts et vivaces, cela aurait certainement grandi l'opposant. Cela dit, si l'on peut avoir bien des choses à reprocher à Ousmane Sonko, l'on peut tout aussi comprendre sa méfiance vis-à-vis de la Justice et du pouvoir de Macky Sall qu'il accuse d'avoir ourdi une cabale contre lui. L'histoire récente du Sénégal a montré, en effet, que tous les opposants qui constituaient de réelles menaces contre les régimes en place, ont eu des démêlés judiciaires qui visaient à les écarter de la course au pouvoir, à commencer par Macky Sall aujourd'hui au pouvoir. Dans le même registre, on peut citer Karim Wade, Khalifa Sall, Barthélémy Dias, etc.

Le pire est qu'après les enjeux électoraux, ces affaires judiciaires se sont le plus souvent soldées par des arrangements politiques. De quoi faire croire que dans le fond, l'on n'avait véritablement pas grand-chose à reprocher aux accusés qui, en réalité, paient pour leurs ambitions politiques. L'on comprend donc qu'Ousmane Sonko ne veuille pas se laisser conduire tranquillement à l'abattoir comme un mouton de Tabaski. Et c'est précisément en cela que le régime de Macky Sall doit prendre très au sérieux cette affaire qui pourrait l'emporter.

Surtout que ces tensions politico-judiciaires interviennent dans un contexte global de vie chère au Sénégal et d'intérêts géostratégiques et économiques des puissances étrangères qui se livrent une concurrence féroce sur le continent. Sinon, l'on comprendrait difficilement pourquoi des Sénégalais se mettraient vent debout pour défendre un homme en délicatesse avec les moeurs.

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