Sénégal: Affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr - Les avocats de la défense boudent la salle d'audience

Dakar — La bouderie des avocats de la défense a dominé la première audience du procès pour viol de l'opposant Ousmane Sonko contre Adji Sarr, qui accuse le maire de Ziguinchor (sud) de l'avoir violée plusieurs fois et de l'avoir menacée de mort, a constaté l'APS, mardi, à Dakar.

Les débats ont commencé ce 23 mai devant la chambre criminelle du tribunal de Dakar, après que le tribunal a rejeté les demandes faites par les avocats du leader politique et de Ndèye Khady Ndiaye pour un nouveau renvoi du procès.

L'audience s'est ouverte par une bataille de procédure. Me Bamba Cissé et ses confrères assurant la défense d'Ousmane Sonk ont invoqué plusieurs raisons pour obtenir de la chambre criminelle le renvoi du procès.

Ils déclarent d'abord que M. Sonko, absent de Dakar depuis plusieurs jours, n'a pas reçu une convocation du tribunal.

"Le dossier vient d'arriver sur la table du juge", ont-ils ajouté pour arguer que "la défense n'est pas entrée en possession des enregistrements et des vidéos" faisant partie du dossier. Dès lors, il ne peut pas y avoir de "confrontation" des parties, concluent les avocats chargés de défendre Ndèye Khady Ndiaye et Ousmane Sonko.

Les avocats de la défense déclarent aussi que la chambre criminelle ne leur a pas donné "suffisamment" de temps pour qu'ils puissent "consulter minutieusement les 471 pages du dossier".

Pour toutes ces raisons, renvoyer le procès à une date "utile" devient une nécessité et la garantie d'un jugement "équitable" de l'affaire.

Les avocats de la partie civile, conduits par Me El Hadj Diouf, se sont empressés de qualifier les arguments de leurs confrères de la défense de "fallacieux".

Ousmane Sonko a "bien reçu" une convocation de la chambre criminelle

Le procureur de la République Abdou Karim Diop a rejeté la demande de Me Bamba Cissé et de ses collègues en estimant qu'il s'agit d'une "audience spéciale". Dès lors, "il n'y a pas d'argument [valable] pour reporter le procès", a soutenu M. Diop.

Issa Ndiaye, qui assure la présidence de l'audience, soutient que "les droits de la défense ont été respectés".

Ousmane Sonko, qui a décidé de ne plus coopérer avec la justice sénégalaise, a "bien reçu" la convocation de la chambre criminelle, a-t-il déclaré, ajoutant que le procès peut se tenir légalement même si l'accusé ou l'un des accusés est absent.

Devant la détermination de MM. Diop et Ndiaye, les avocats d'Ousmane Sonko boudent la salle d'audience.

Les avocats de Ndèye Khady Ndiaye, la patronne du salon de massage où se seraient déroulés les faits de viol, s'empressent eux aussi de quitter la salle d'audience, ne parvenant à obtenir de la chambre criminelle le renvoi en août ou septembre de l'audience. Ils invoquent la grossesse de "huit mois" de leur cliente et soutiennent qu'un renvoi à cette période devrait lui permettre de ne revenir au tribunal qu'après son accouchement.

"Les avocats ont refusé de plaider, après avoir demandé vainement le renvoi du procès", a fait remarquer Issa Ndiaye.

L'avocat Macodou Ndour, commis d'office par le président du tribunal pour assurer la défense de Ndèye Khady Ndiaye, a décidé de ne faire aucune plaidoirie. "Je ne peux pas participer au procès parce que je viens d'être commis. Je n'ai pas pu disposer à temps du dossier, je n'ai pas eu le temps nécessaire pour le consulter", a argué Me Ndour.

La demande de renvoi est bien motivée dans la mesure où six avocats venaient de "se constituer" pour la défense de Ndèye Khady Ndiaye, a-t-il fait valoir.

Une fois les débats ouverts, Mme Ndiaye, inculpée d'incitation à la débauche, déclare avoir ouvert le salon de massage "Sweet Beauté" à Dakar avec l'aide de son mari. A la suite d'un apprentissage fait dans deux instituts de beauté pour une durée globale de deux ans et demi.

Elle a fait état de "nombreuses fréquentations" de son salon de massage par Ousmane Sonko, qui, selon elle, s'y rendait pour des soins de massage.

"Tout ce que j'en dis m'a été rapporté par l'une de mes employées"

Interrogée sur la manière dont elle engageait ses employées, dont Adji Sarr, elle déclare avoir fait recours au réseau social Facebook. Mais Mme Sarr l'a démentie en déclarant être arrivée au "Sweet Beauté" par l'intermédiaire d"'une connaissance". Les autres employées de Ndèye Khady Ndiaye ont également rejoint l'institut de beauté de la même manière, selon la plaignante.

Aucun montant n'était fixé pour la rémunération des employés du salon de massage - ou institut de beauté -, a dit Mme Sarr, déclarant avoir été rémunérée à coups de "pourboires" versés par la clientèle. Elle a toutefois expliqué à la chambre criminelle quatre types de massage au moins, dont les tarifs variaient entre 20.000 et 50.000 francs CFA.

La plaignante a également décrit avec force détails les rapports intimes qu'elle prétend avoir entretenus avec Ousmane Sonko.

Ndèye Khady Ndiaye a démenti une bonne partie de la version d'Adji Sarr. Mme Ndiaye déclare qu'elle était absente du salon de massage aux dates avancées par la plaignante comme étant celles des viols présumés. "Tout ce que j'en dis m'a été rapporté par l'une de mes employées", a dit Ndèye Khady Ndiaye.

L'affaire judiciaire Ousmane Sonko-Ndèye Khady Ndiaye contre Adji Sarr tient en haleine le Sénégal depuis mars 2021.

M. Sonko est inculpé de viol et placé sous contrôle judiciaire depuis début 2021.

Des manifestations survenues à la suite de son interpellation dans cette affaire ont engendré la mort d'une quinzaine de personnes et d'importants dégâts matériels.

Dans une autre affaire judiciaire, Ousmane Sonko a été condamné, lundi 8 mai, à six mois de prison avec sursis par la cour d'appel de Dakar pour diffamation et injure publique à l'encontre du ministre du Tourisme et des Loisirs, Mame Mbaye Niang.

La cour d'appel a confirmé sa condamnation en première instance à verser des dommages et intérêts de 200 millions de francs CFA au plaignant.

Si la décision de la cour d'appel est confirmée en cassation, le chef de l'opposition deviendra inéligible et ne pourra donc pas se présenter à l'élection présidentielle du 25 février 2024 pour laquelle il s'est déclaré candidat.

Selon plusieurs médias, il s'est pourvu en cassation en espérant obtenir l'invalidation de la décision de la cour d'appel de Dakar.

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