*Lors de la première audience du fond tenue, le vendredi 19 mai dernier, les Avocats-Conseils de Fortunat Biselele avaient sollicité une main levée, c'est-à-dire, la relaxe, ou encore, à tout le moins, la liberté provisoire pour leur client. Le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe s'est prononcé ce lundi 22 mai 2023, en rejetant la demande de la partie Biselele.
C'est dans ce contexte que le Chef du Collectif des Avocats de l'ancien conseiller privé du Chef de l'Etat s'est confié à un groupe de journalistes pour donner sa réaction. Selon lui, pas de doute : le droit n'a pas été dit, a-t-il déclaré tout en accusant l'AG de l'ANR, Hervé Mbelu, de manipuler la justice dans une guerre de positionnement autour du Chef de l'Etat.
« Je suis peiné de constater que le Tribunal a suivi à la lettre le réquisitoire du ministère public, en s'appuyant sur ce que ce dernier avait qualifié de "gravité des infractions" prétendument commis par mon client », a déclaré Me Richard Bondo, d'entrée de jeu. Avant de poursuivre :
« C'est comme ça que sur fond de ce que le Tribunal appelle la nature des infractions sans tenir compte des conditions d'irrégularité de la détention depuis l'ANR. Mais, mon client est un prisonnier de l'Administrateur Général de l'ANR ».
A la question de savoir ce qui lui fait porter une accusation aussi grave, il répond que lorsque ce dernier retient à la charge de son client, la trahison, l'atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, « cela voudrait dire que les missions qu'effectuait mon client l'était de connivence avec une puissance extérieure sans en référer au Président de la République dont il était le Conseiller privé.
Cependant, depuis 2019, qu'il était Conseiller privé, on ne l'a jamais vu dans des faits, tels qu'allégués contre lui aujourd'hui. C'est curieusement en 2022, lorsque le documentaire de M. Alain Foka circule que ses problèmes commencent ».
Selon Me Bondo, Monsieur Biselele a juste dit que la RDC et le Rwanda avaient conclu un deal gagnant-gagnant, et que ce deal n'est plus opérationnel à cause des intérêts obscurs.
« Cette déclaration, en quoi elle nuit à l'Institution "Président de la République" pour être qualifiée de trahison par l'AG de l'ANR, M. Mbelu Biosha ? Nous estimons que l'Ordonnance, telle qu'elle est rendue par le Tribunal n'édifie pas l'Etat de droit, parce qu'à la lumière de l'article 45 du Code de procédure pénale, le Tribunal saisi pouvait faire droit à la requête de mon client », a-t-il renchéri.
Selon l'homme de loi, la défense de Fortunat Biselele se base sur un faisceau d'éléments pour solliciter la liberté provisoire ou la main levée pour son client. Il y a d'abord « l'irrégularité de la détention ». « Toutes les dispositions relatives à la détentions préventives ont été violées. Déjà, la garde à vue a violé les lois et la Constitution de la République en ses articles 17 et 18.
En effet, l'article stipule : "Toute personne a le droit de se défendre, elle-même, ou de se faire assister d'un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l'enquête policière et l'instruction préjuridictionnelle". Or, mon client n'a pas été assisté lors de la phase de l'instruction préjuridictionnelle.
Et l'article 18 stipule : "la garde à vue ne peut excéder quarante-huit heures. A l'expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l'autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit bénéficier d'un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité". Or, mon client a été détenu du 14 au 20 janvier, soit six jours, bien au-delà des 48 heures légales ».
Et de préciser : «au moment où on le présente en chambre de conseil, il est arrivé un moment où il a passé 14 jours sans être présenté à aucun juge. Et ces 14 jours constituent une détention illégale et irrégulière.
Nous avons demandé au tribunal d'ordonner la main levée, parce que la Constitution et les lois congolaises, la jurisprudence de l'ancienne cour suprême de justice, les instruments juridiques internationaux, notamment le Pacte international relatif aux droits civils, demandent au prévenu en dépassement de détention de solliciter la main levée, et concourent à ce que mon client soit libéré parce que sa détention est, de manière scandaleuse, irrégulière et illégale.
Ensuite, nous nous basons sur son état de santé qui est très précaire. Chaque jour qui passe dégrade davantage la santé de notre client. Et ça, nous ne pouvons l'accepter dans le cadre de l'état de droit, conformément à l'article 1er de la Constitution qui stipule que la RDC est un Etat de droit. Et qui est en charge de l'état de droit au regard de l'article 150 alinéa 1er de la Constitution ? Ce sont les cours et tribunaux ».
Me Richard Bondo se désole de voir que, selon lui, le tribunal de grande instance refuse de dire le droit et de rendre justice à Biselele. Pourquoi ? « Parce que ce tribunal prend comme vérité d'évangile les procès-verbaux venus de M. Mbelu Biosha, qui a déféré notre client au parquet général, lequel ne l'a entendu qu'une seule fois, sommairement, avec deux ou trois questions, juste pour l'identifier.
Et depuis le 20 janvier jusqu'aujourd'hui, le procureur général ne l'a jamais entendu, préférant fixer l'affaire. Voilà pourquoi nous disons que le TGI/Gombe n'a pas dit le droit, car il est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens ».
Et pourquoi M. Mbelu en voudrait à Fortunat Biselele ? A cette question, Me Bondo déclare qu'il lui paraît « clair que c'est Monsieur Mbelu Biosha qui manipule la justice pour nuire à notre client ». Et de préciser : « M. Biselele détient même des preuves de menaces de M. Mbelu Biosha pendant qu'il était encore en fonction.
Mon client m'a dit que M. Mbelu ne jurait que sur son départ de la Présidence de la République. Donc, je ne sais pas si l'envie est une denrée coutumière des gens qui entourent le Président de la République».
Pour le Chef du Collectif des Avocats, il s'agirait de ce qu'il appelle le "syndrome Kalev". « Vous savez, Kalev était AG de l'ANR mais, à un certain moment, il a commencé à se présenter comme le Conseiller politique de Joseph Kabila, après avoir neutralisé le Conseiller politique du chef de l'Etat. C'est peut-être ce syndrome-là qui habite M. l'AG de l'ANR», a-t-il ajouté.
Pour le moment, avec ce rejet du TGI/Gombe, les Avocats de Fortunat Biselele vont utiliser toutes les voies de droit à leur portée : la Constitution, les lois de la République, les instruments juridiques internationaux, pour que les droits, la santé physique et mentale, ainsi que la dignité de leur client soient préservés.
Mais, au regard des accusations qui sont portées contre lui, M. Biselele peut-il obtenir gain de cause ? « Il n'a pas commis d'infraction !», réagit Me Richard Bondo. Qui poursuit : « Nous savons que si nous avons des juges indépendants, c'est-à-dire, exerçant le pouvoir judiciaire de manière indépendante sans être sous la férule de qui que ce soit, notre client triomphera de la haine et des règlements des comptes.
Comment M. Mbelu peut-il accuser Biselele de trahison pendant qu'en juillet 2022, c'est lui qui a délivré l'autorisation de survol pour une délégation rwandaise qui venait à Kinshasa, et une autre pour une délégation congolaise qui se rendait au Rwanda ? Qui ne sait pas que même pendant la guerre, on se parle toujours, et on doit garder des ponts, quant à ce ? Vous pensez que Russes et Ukrainiens ne se parlent pas ?».
Selon lui, il y a une guéguerre autour du Chef de l'Etat dont Biselele serait victime. « Ceux qui ont vu sa percée et la confiance que lui faisait le président de la République, il y en a qui sont envieux, haineux. Quand vous regardez bien, depuis 2019 qu'il était conseiller privé, Fortunat Biselele n'était pas très connu du public, car il était discret, et opérait dans l'ombre pour le compte de son chef, le président de la République », argue Me Richard Bondo.
Qui poursuit en expliquant que la première fois qu'il a parlé, c'était dans le documentaire de M. Alain Foka.
« Ces propos étaient-ils séditieux ? Non : le Président de la République, lui-même, en a parlé. Tous les Congolais avaient vu à la télé comment des accords commerciaux et économiques avaient été signés en présence de deux Présidents Tshisekedi et Kagame à Goma. Le conseiller Marcellin Bilomba l'avait dit, le ministre des Finances venait, lui aussi, de le dire », a-t-il conclu.