Le 20 mai était la journée internationale des abeilles. Sauf que, la veille, je fis la désagréable expérience d'une double piqûre de guêpes. Jusque-là, elles avaient été invisibles et inaudibles. Sauf une perturbation de la réception du signal quand le poids de leur ruche avait provoqué une translation infinitésimale de l'antenne parabolique derrière laquelle elles ont élu domicile.
Avec toute la bonne volonté écolo du monde, ça n'en reste pas moins une cohabitation difficile. Comment leur expliquer que l'arrosoir ne constitue pas une menace ni que le pourpre de ce jour-là n'était pas la muleta écarlate du toréador. Elles ne peuvent pas deviner mes intentions pacifiques et je ne peux décemment pas rester dans l'anxiété permanente d'une piqûre aussi douloureuse qu'intempestive.
D'autant plus intempestive que là, c'est plutôt l'humain qui serait en droit de se dire envahi. Alors, certes, cultiver piment, arbustes et diverses plantes sur la véranda avait dû leur sembler une verdure d'invite. Mais, ce n'est guère que coquetterie de citadin, scrupule à la conscience en requiem d'une agriculture urbaine étouffée sous les remblais.
Certaines personnes pousseraient le respect de l'environnement jusqu'à souffrir impassibles la piqûre de l'innocent entomon. Malgré la douleur, ne pas bouger brusquement, et attendre que l'insecte rétracte son dard. Sinon, l'aiguillon quasiment translucide et presque invisible serait arraché de l'abdomen de la guêpe/du frelon/du bourdon/de l'abeille entraînant un écartèlement mortel.
Même sachant la place primordiale dans la chaîne alimentaire de ces insectes pollinisateurs, je n'ai pas encore atteint cette zénitude. Alors, bien sûr, je n'ai toujours pas saccagé la ruche : l'ingéniosité de la construction mérite quelque respect, et elles portent bien le surnom d'abeilles maçonnes. Même agacé par la douleur, et instinctivement revanchard, je suis allé faire un tour sur Google : clou de girofle, vinaigre blanc, encens...
Il fallait évidemment entrer «répulsif naturel» en d'autres temps, ç'aurait été une rafale de fly-tox. La conscience écologique en aura fait du chemin depuis 1948, et le Prix Nobel de médecine attribué à Paul Hermann Müller qui avait synthétisé le DDT et déposé son brevet en 1940.