Ile Maurice: Parents toxicomanes - Le triste sort de leurs enfants

Récemment, un garçonnet de trois ans, dont les parents seraient toxicomanes, a fait une chute d'un immeuble à Rose-Hill. Un cas qui interpelle, comme celui du bébé S, placé au foyer l'Oiseau du Paradis et admis d'urgence à l'hôpital en octobre 2022. Sa maman aussi était accro aux stupéfiants. Qu'advient-il de ces petits issus de familles dépendantes aux drogues ? Exposés à cet environnement, finissent-ils par être happés par ce fléau ?

Si les parents, dont les enfants, adolescents ou jeunes adultes sont accros aux drogues, en voient de toutes les couleurs, l'inverse est également une réalité mauricienne. Les derniers cas rapportés dans la presse attirent l'attention sur la situation chaotique des enfants dont les parents sont enlisés dans la toxicomanie. Il y a plus d'une semaine, un enfant de trois ans, s'est retrouvé dans un état critique à l'hôpital, après une chute du premier étage d'un bâtiment, à Rose-Hill. Les informations indiquent que ses parents seraient accros à la drogue.

En octobre 2022, l'admission urgente du bébé S. à l'hôpital avait aussi défrayé la chronique. Placée au Relay shelter de l'Oiseau du Paradis, la petite a été malade pendant quelques jours avant d'être transférée en centre de soins. Sa maman était également dépendante aux stupéfiants. Parallèlement, le meurtre de la petite Alia Pierre, 14 mois, décédée en juin 2021, avait choqué. Le compagnon de sa mère l'avait étranglée car elle pleurait. Un toxicomane lui aussi.

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Malheureusement, ce type de drame semble faire légion. Depuis le début de l'année, constate Imran Dhanoo, directeur du centre Idrice Goomany, il y a davantage de couples toxicomanes. «Auparavant, c'était un seul parent qui était sous l'emprise de la drogue. Automatiquement, ce dernier néglige ses responsabilités parentales. Mais, lorsque le papa et la maman consomment de la drogue, l'impact est plus conséquent sur leurs enfants. D'ailleurs, ce phénomène où les deux parents sont toxicomanes commence à émerger» Les conséquences sont énormes. Par exemple, dit-il, l'argent qui doit être dédié aux besoins familiaux va finalement aux fournisseurs de drogue.

De plus, la violence domestique peut survenir entre le patient toxicomane et sa conjointe. Et ce, sous les yeux de leurs enfants, ce qui entraîne des traumatismes. Une fracture familiale peut également intervenir, séparant les petits de leurs proches. Pour lui, la présence de drogues au sein d'une famille ne génère que de la souffrance. Le système parental est totalement déstabilisé. Ces petits sont définitivement délaissés, indique Imran Dhanoo, et ils grandissent sans soutien parental, développant des troubles comportementaux. Hélas, ils vacillent dans un cercle vicieux.

Différents usagers

Krishna Seebaluck, psychologue, estime que le nombre d'usagers de drogue a explosé au cours de ces deux à trois dernières années. Quand les deux parents sont toxicomanes, un manque d'attention et d'engagement vis-à-vis de leurs enfants survient. «Ils sont alors moins disponibles psychologiquement et physiquement. Face à cette incapacité parentale et afin que ces enfants n'atterrissent pas dans un abri, un membre de la famille entre en jeu, à l'exemple du grand-parent. Mais ceci peut être gérable pour ce proche quand l'enfant est encore petit. Lorsqu'il est adolescent, cela devient problématique, d'autant qu'il a été exposé à des situations extrêmes», explique le psychologue. Les grands-parents ont du mal à sainement encadrer ces adolescents.

Quant à Brigitte Michel, travailleuse sociale, elle parle des divers types d'usagers de drogue. Certains le font de manière récréative ou font partie du programme de la méthadone. Aussi, ils continuent à gérer leurs enfants. «J'ai vu des situations où les enfants parviennent à étudier jusqu'à l'université. Toutefois, dans les cas où les deux parents consomment des drogues, il faut d'autres proches pour superviser des enfants», explique-t-elle. En situation de polytoxicomanie (drogue de synthèse, alcool, méthadone, héroïne, etc.), certaines personnes peuvent perdre le sens des responsabilités familiales. Une situation également perceptible au sein de familles normales et non enlisées dans la drogue, soutient-elle.

Pour Solange Potou, travailleuse sociale, toute personne sujette aux addictions n'est obnubilée que par son approvisionnement en alcool ou en stupéfiants. Le travail et la famille sont largement minimisés. «C'est une maladie qu'il faut soigner. Les communautés, le lieu habité, les travailleurs sociaux doivent se mobiliser pour l'encadrement des enfants jusqu'à ce que leurs parents sortent de cet engrenage», déclare-t-elle.

Exposés à la consommation des stupéfiants dès l'enfance, finissent-ils par s'y adonner, voire à «dealer» ? La semaine dernière d'ailleurs, un petit de six ans a été retrouvé en possession de drogue. D'après Imran Dhanoo, les trafiquants font davantage usage des petits comme passeurs de drogue. «Pendant un certain temps, nous avons eu de jeunes consommateurs. Désormais, on retrouve de petits bons- hommes, pratiquement de la petite enfance, qui sont des passeurs de drogue. Cela me rappelle le phénomène des enfants-soldats en Afrique de l'Ouest. On ne lésine sur aucun moyen pour écouler les stupéfiants.»

Selon le psychologue, l'enfant, vulnérabilisé par ce clivage créé par la drogue, ne possède pas les outils mentaux pour raisonner. En manque de repères et de contrôle, il ne sait discerner les bonnes des mauvaises pratiques. Il est alors deux à trois fois plus à risque. Et comme les enfants apprennent beaucoup par imitation des gestes parentaux, cela peut les inciter à la consommation ou la revente de drogue. «S'ils sont témoins de comportements de base, comme l'agressivité entre les parents, les enfants vont les apprendre et les normaliser. Demain, si leurs copains les taquinent, ils reproduiront ces comportements. Dans cette lignée, si la drogue est facilement disponible, par exemple si elle est posée sur la table, les petits vont répliquer les gestes, comme avaler de la méthadone ou sniffer de la drogue, ayant vu les parents le faire», déclare-t-il.

D'après Solange Potou, l'exposition aux drogues devient une normalité pour les petits. Il est vital, dans une telle situation, que quelqu'un (un proche ou un travailleur social) puisse intervenir avant tout débordement. «L'environnement dans lequel ces enfants évoluent peut les propulser dans l'addiction. Je vois les dégâts sur les familles. On attend toujours un centre pour les femmes sans-abri. Aujourd'hui, bon nombre d'entre elles, qui sont toxicomanes, errent dans les rues, avec leurs enfants. Pour ces petits, mendier et quémander de la nourriture sont la norme», observe-t-elle.

Pour Brigitte Michel, la toxicomanie parentale n'a pas forcément une influence sur les enfants. «Je connais des cas où, malgré l'enfer dans lequel il a évolué, le parent a continué à encourager son enfant. Quand les couples se droguent, il faut les inclure simultanément sur le traitement. Il y a des programmes à Maurice pour cela désormais», confie-t-elle.

Que faire d'autre ? Si les parents sont toxicomanes ou revendeurs de drogue, il faut enlever l'enfant de cet environnement familial et le placer dans un centre, suggère Imran Dhanoo. Parallèlement, soutient Brigitte Michel, une demande a été faite pour que des garderies accueillent leurs enfants durant leur traitement. Ceci n'a pas encore été mis en place. Il faut des facilités pour que les enfants continuent leur scolarité et la prise en charge liée aux addictions.

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