Ile Maurice: Sécurité au travail - Vaste chantier

Des vies fauchées. Des familles dévastées. En l'espace de 72 heures, deux ouvriers - dont un Indien employé par une compagnie chinoise - ont péri dans des circonstances atroces. Des drames qui remettent sur le tapis la sécurité sur les chantiers et autres sites. Les syndicalistes montent au créneau.

Deux morts sur des chantiers de construction en 72 heures. Le premier, Nivayen Kooroosamy, âgé de 28 ans, qui travaillait pour la compagnie Betonix, s'est retrouvé coincé entre les lames d'une bétonneuse samedi, alors qu'il effectuait des travaux de nettoyage.

Lundi, un autre accident du travail s'est produit sur le site du projet immobilier Legend Hill, sur le flanc de La Tourelle, à Tamarin. Blessé à la nuque, Ramkesh Bairwa, employé par la compagnie China Jiangsu Construction Corporation, à Curepipe, n'a pas survécu.

Ces nouveaux cas viennent s'ajouter au nombre d'accidents de travail sur les chantiers. Car dans le passé, il y a plusieurs cas où des ouvriers ont perdu la vie sur les sites de construction. Le chantier de Côte-d'Or par exemple a connu son lot de drames avec trois morts et un blessé grave. C'est ce qu'avait révélé le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, lors d'une Private Notice Question (PNQ) en juin 2019.

En janvier 2020, Deepak Chooramun, chauffeur de camion, trouve la mort lorsqu'il se blesse grièvement à la tête. Même sort pour un maçon de 52 ans qui avait fait une chute sur un chantier à Bramsthan. Face à tous ces drames humains, la question se pose : les sites de construction et autres chantiers sont-ils de moins en moins sûrs ?

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«Les chantiers ont toujours été à risque», lâche d'emblée un professionnel de la construction. Cependant, affirme-t-il, les constructeurs appliquent de plus en plus les normes de sécurité préconisées par le ministère du Travail. «Les contrôles sont plus sévères maintenant. Il y a des contrôles surprises régulièrement. Par exemple, si le ministère du Travail voit qu'il y a un manque de sécurité sur le chantier, il peut le fermer immédiatement.»

Gérard Uckoor, président de l'Association of Small Contractors, estime que face au risque omniprésent sur les chantiers de construction, surtout si le bâtiment comprend plusieurs niveaux, il revient au Health & Safety Officer de s'assurer que les normes de sécurité soient respectées sur les sites. «Si eux-mêmes ne s'assurent pas qu'un échafaudage est aux normes, par exemple, il mettra la vie de l'ouvrier en danger.»

198 plaintes

Du côté du ministère du Travail, l'on fait ressortir que des inspections sont effectuées sur une base aléatoire et plus lorsque des plaintes sont enregistrées. Selon les chiffres compilés, au cours de l'année 2022, l'Occupational Safety and Health Division (OSHD) a procédé à 2 685 inspections sur les lieux de travail ainsi que 1 503 visites dans les dortoirs des employés.

L'OSHD a enquêté sur sept accidents mortels, 172 accidents ayant engendré des blessés, six évènements dangereux et 198 plaintes. De plus, 198 plaintes ont été déposées devant l'Industrial Court pour violation de la loi sur l'Occupational Safety and Health. Et pour finir, 20 ordres d'interdiction visant à stopper des activités dangereuses sur les lieux de travail ont été émis.

Selon les statistiques compilés par le Ministry Of Labour, Industrial Relations, Employment And Training en janvier 2020, de 2003 à 2018, 88 accidents de travail qui ont coûté la vie à des ouvriers sur les chantiers de construction ont été enregistrés. Concernant les accidents qui n'ont pas eu de conséquence grave, le chiffre s'élève à 638.

Le rapport annuel de l'Occupation Safety and Health Division mentionne que de 2018 à 2022, des enquêtes ont été menées dans le secteur de la construction et des actions prises dans 131 cas (voir tableau).

Du côté du ministère, on explique que l'Occupational Safety and Health (Amendment) Act de 2022 qui a été votée au Parlement, a produit des mesures innovantes afin de protéger davantage les employés. Par exemple, en ce qui concerne l'évaluation des risques, les employeurs sont tenus de soumettre une copie du rapport d'évaluation des risques sur demande à un employé.

Aussi, la liste des blessures a été revue avec l'ajout de nouvelles catégories. Autre provision amendée : la structure des sanctions qui a complètement été revue. En plus d'augmenter les amendes payables par les employés et les employeurs, toute autre personne qui a un devoir et une responsabilité en vertu de la législation sur la sécurité et la santé au travail sera également passible d'une amende pour toute infraction.

Les syndicats réclament un plan d'assurance pour les travailleurs

Il y a urgence, affirment-ils. Les syndicats soulignent l'importance d'établir au plus vite un plan d'assurance pour les travailleurs, affirmant que la mort de Ramkesh Bairwa est un drame de trop. Fayzal Ally Beegun estime que la sécurité des travailleurs mauriciens et étrangers ne peut être prise à la légère. «Certes, aucune entreprise ne souhaite que des accidents se produisent, mais il est temps d'instaurer des lois plus strictes pour prévenir de tels incidents», fait-il valoir.

Il suggère même la mise en place d'un plan d'assurance qui couvrirait ce genre de tragédie. «Je pense qu'il faudrait légiférer afin d'obliger les entreprises à assurer tous leurs travailleurs. Cette assurance devrait être financée par l'entreprise elle-même.

Ainsi, en cas de blessure ou de décès, les fonds récoltés seraient reversés à la famille», déclare le syndicaliste, attristé par le décès de ceux qui ont perdu la vie sur leur lieu de travail. «Toutes ces personnes étaient encore jeunes et leurs familles dépendaient de l'argent qu'elles leur envoyaient, en particulier pour les travailleurs étrangers.»

La sécurité sur le lieu de travail est la principale préoccupation de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP). «Après plus de 20 ans de lutte, nous avons obtenu la reconnaissance de la sécurité et de la santé au travail en tant que droit fondamental», a déclaré Reeaz Chuttoo, lors de la Journée mondiale dédiée à cette cause, en avril.

À cette occasion, il a souligné que les employeurs sont tenus de réaliser une évaluation des risques, même quotidiennement, sur le site de travail. «Cette année, la CTSP a lancé une campagne de sensibilisation auprès des travailleurs. Il incombe aux ouvriers et employés de mettre à l'index les employeurs qui ne respectent pas la législation en matière de santé et de sécurité au travail», a souligné le président de la CTSP.

Concernant les récents décès de deux travailleurs sur leur lieu de travail en l'espace de quelques jours, Reeaz Chuttoo affirme qu'il s'agit de pertes qui auraient pu être évitées.

«La responsabilité en incombe à une législation qui présente trop de lacunes. Ce sont les employeurs qui en profitent», déclare-t-il, annonçant son intention d'en parler lors d'une rencontre avec la presse prévue demain à Marie Reine de la Paix.

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