Sénégal: Faraba Cissokho - Itinéraire d'un ancien footballeur désabusé reconverti dans la mode

- Faraba Cissokho, un jeune footballeur, désabusé par les multiples tentatives avortées d'expatriation pour monnayer son talent, a décidé de se lancer dans l'entreprenariat, notamment dans la mode.

"J'étais un footballeur il y a cinq ans. J'ai joué dans les 'navétanes', dans la ligue pro et j'ai terminé (ma carrière) par l'ASC Daara", a raconté Faraba à l'APS. L'ancien footballeur est aujourd'hui en partenariat avec Seed Academy, un centre de formation de basket. En marge du Hoop Forum, une rencontre annuelle dédiée au basket-ball, organisée par cette structure à Dakar et Thiès, il avait exposé ses articles vestimentaires dans un stand.

Pour Faraba Cissokho, en dehors des blessures, ce sont surtout les arnaques au visa qui l'ont amené à écourter sa carrière qu'il rêvait de poursuivre à l'étranger.

"Le rêve de tous les footballeurs est de voyager", relève l'ex international en herbe. "Vu notre jeune âge, les gens malintentionnés profitent de notre vulnérabilité et notre manque de conseil pour faire le bon choix, pour nous vendre des illusions", regrette-t-il.

"Lors de ma dernière tentative, j'avais un visa de trois mois pour la zone Asie, l'Indonésie", se souvient-il. La promesse de son facilitateur était de l'aider à aller jouer dans un club. En réalité, il avait obtenu un visa tourisme, qui était juste valable pour trois mois. "Ce qui voulait dire que je ne pourrais pas jouer au foot. Mes parents m'ont dissuadé de partir".

Les expériences précédentes ont été "plus dures", puisque qu'il n'a pu mettre la main sur aucun papier. En somme, les tractations ont englouti "plus de 5 millions" de francs CFA d'économies réalisées grâce au soutien des parents, de connaissances, mais aussi à ses prestations lors des tournois de "navétanes".

"Voyant que j'avançais en âge et que mes études étaient gâchées, je m'étais rendu compte qu'il fallait que je mène une activité pour gagner ma vie. C'est alors que j'ai eu l'idée de créer une marque de vêtement », confie t-il.

C'est alors qu'une nuit, il tombe sur une vidéo sur YouTube racontant l'expérience de l'ancien joueur de Manchester (Le Scott), qui à la fin de sa carrière avait lancé une marque de vêtement. "C'est lui qui m'a inspiré à créer ma marque", dit Faraba Cissokho.

Il monte alors une entreprise de prêt-à-porter utilisant des tissus africains. "J'ai démarré avec 30.000 francs et avec quelques tee-shirts que m'avait offerts mon oncle". Obligé au départ de squatter des ateliers pour se faire confectionner ses modèles, il a aujourd'hui son propre atelier où il peut employer à temps partiel jusqu'à six tailleurs.

Après avoir acquis quelques notions d'entreprenariat via les réseaux sociaux, le besoin de rencontrer un professionnel "en chair et en os", l'amène à contacter un professeur du collège Bassirou Mbacké. Au bout de huit mois, il a une attestation de manager d'entreprise. Grâce au programme sénégalo-allemand "Réussir au Sénégal", il se bonifie dans l'entreprenariat et s'initie au marketing digital.

"Seconde chance" pour les footballeurs naufragés

Avec le recul, il évalue les risques du métier de footballeur qui, au-delà des blessures, englobent des "réalités cachées", au plan des performances, au plan administratif et autres. Un vécu qu'il compte partager avec ses cadets qui ont le même rêve de devenir des footballeurs internationaux. "Ils doivent être prudents, patients et commencer par les clubs locaux avant d'aspirer à sortir", conseille-t-il, mettant en garde contre les "faux agents".

Avec un ancien international de football, il dit envisager de lancer bientôt un projet appelé "Seconde chance", pour orienter les jeunes footballeurs et leur éviter les déboires qu'il a connues, mais aussi aider ceux dont les carrières se sont brisées à bénéficier de l'encadrement de structures dédiées, pour se former, se formaliser et avoir une activité. Ils sont en train de recenser les cibles de leur projet. "Tout le monde ne peut être footballeur ni étudiant", dit-il.

Natif de Malamine Senghor, un quartier de footballeurs, où il a grandi en voyant jouer des stars de l'époque comme Kader Mangane, dont l'équipe, de la catégorie de cadet jusqu'à celle de sénior, se regroupait chez lui, avant les matchs, cet environnement l'a beaucoup influencé. Il se souvient qu'il était le seul enfant à se glisser dans le car de l'équipe quand elle allait disputer un match.

Pupille, Faraba Cissokho a été à l'école de football Dosso, du coach Makha Diao, ancien footballeur, puis à l'école Maurice Pilot, avant de poursuivre comme minime, puis cadet au Cneps Excellence. De là, il est parti à l'Olympique de Ngor en U17. De retour à Thiès il a joué en junior et sénior à l'US Rail pendant deux à trois ans.

Il a alors signé à l'ASC Daara en Ligue 2. "C'est là où mes difficultés ont commencé, avec des blessures, les arnaques, quand j'ai voulu coûte que coûte m'expatrier", se rappelle-t-il. Aujourd'hui, en tant qu'observateur, il considère qu'une bonne partie des écoles de football de son quartier sont confrontées à un problème de matériel.

Faraba plaide pour que les autorités dotent chaque quartier ou zone d'un terrain synthétique qui sera utilisé à tour de rôle par les écoles de football qu'il polarise. Contrairement aux terrains sablonneux sur lesquels les jeunes jouent, ce type de tapis développe la "vivacité" des joueurs, explique l'ancien footballeur.

"Les championnats des écoles de football, doivent bénéficier d'un soutien", plaide-t-il, soulignant le dénuement dans lequel elles baignent. Il se rappelle qu'en son temps, l'unique parrain des finales du championnat des écoles de football de Thiès était Alboury Lakh, un ancien footballeur international sénégalais.

Les enfants attendaient avec impatience qu'il vienne en vacance, pour leur ramener des ballons et autres dotations, se remémore-t-il, se disant "marqué" par ces moments. Son coach à l'école de football leur réclamait 50 francs tous les mercredis et samedis, pour contourner leur incapacité à honorer les mensualités.

Il se souvient, alors qu'il était au CM2, avoir négocié avec un ami pour que le père de ce dernier qui était tapissier, le prenne comme apprenti dans son atelier, afin qu'il puisse récolter de quoi payer le coach, puisque son père lui interdisait de jouer, pour ne pas hypothéquer son examen scolaire. C'est avec cet argent que l'entraîneur achetait des ballons et faisait certaines dépenses.

Aujourd'hui, parallèlement à ses activités dans la mode, l'ancien footballeur intervient dans le cadre d'une Association des jeunes apprentis du Sénégal, dans un projet dénommé "Jappal ma japp", visant à réhabiliter les écoles du Sénégal, avec l'appui d'une ONG luxembourgeoise. Elle a déjà permis de retaper une école à Ballabey, dit-il.

Dans la même optique de service à la communauté, son entreprise est membre d'un consortium qui travaille à l'épanouissement des pensionnaires des orphelinats. En vendant ses tee-shirts, l'association a pu offrir des excursions aux pouponnières de Mbour et Thiès. Ce regroupement entend aider à leur autonomisation par des ventes dans des sites touristiques et des ambassades, dont les bénéfices serviront à monter une ferme avicole.

Dans sa nouvelle carrière de styliste, Faraba Cissokho voit grand et rêve même un jour de proposer ses produits à l'équipe nationale de football. Comme pour dire qu'il y a une vie après une carrière de football brisée.

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