Trois artistes ouest-africains, Laetitia Ky, Wanger Ayu et Marius Dansou, réunis pour l'exposition collective Regards Contemporains à la galerie LouiSimone Guirandou d'Abidjan, travaillent des matières ordinaires -fer, tissus, cheveux- pour renouveler la représentation artistique des femmes africaines.
C'est un assemblage de sculptures, de tableaux et de photos. Tous interrogent la représentation des femmes noires dans leur diversité, avec un point commun : l'accent est mis sur les cheveux.
Le sculpteur béninois Marius Dansou crée des coiffures fantaisistes à partir de fer à béton, tandis que la peintre nigériane Wanger Ayu met en scène des femmes noires : corps esquissés, visages et cheveux.
« Il s'agit de s'élever, de s'approprier soi-même, son histoire, et même ses faiblesses et ses vulnérabilités. Chaque fois que l'on parle des cheveux africains, on en parle en termes de libération, de liberté, de pouvoir, d'expression... On échoue souvent à évoquer les cheveux sous l'angle de la vulnérabilité », explique-t-elle.
Le cheveu, force et vulnérabilité de la femme africaine
Une vulnérabilité dont s'est aussi emparée Laetitia Ky. L'artiste polyvalente ivoirienne, très suivie sur Instagram, se met en scène dans une série photo en sculptant ses propres cheveux avec qui elle entretient un rapport complexe.« Je suis retournée au naturel en 2012. J'avais 17 ans, et c'était la première fois que je rencontrais cette texture-là.
C'était difficile d'apprendre à l'aimer, c'était difficile de m'y habituer. Je sais à quel point je me suis sentie vulnérable dans ces moments-là. Quand il s'agit de nos cheveux, en tant que femmes noires, il y a énormément de vulnérabilité, mais il y a aussi énormément de force, parce qu'aujourd'hui, moi, c'est ça qui est mon outil pour revendiquer pas mal de choses », explique-t-elle.
L'exposition a déjà fait salle comble au moment du vernissage. Elle se poursuivra à la galerie Guirandou jusqu'au 24 juin.
Un autre narratif sur la place des femmes
L'exposition « Regards contemporains » répond à la nécessité de créer un autre narratif sur les femmes dans l'art ivoirien, un autre regard. Explications de Ghislain Coulibaly, sociologue spécialisé en genre, président du Réseau des Hommes engagés pour l'égalité des genres en Côte d'Ivoire.
« De façon générale, tout ce qui renvoie à la créativité, à l'art, et qui met l'accent sur la femme, c'est vraiment la femme consignée dans son rôle reproductif. La femme qui est épouse, la femme qui est mère, la femme qui transmet des valeurs. La place de la femme, c'est dans la cellule familiale, avec une division sociale du travail qui la renvoie aux tâches ménagères. Ça aussi, c'est un autre pan qui a été beaucoup peint. »