Ile Maurice: Vishal Munnohur - Vendeur de «gato pima», diplomate et randonneur

Cet enfant de la lignée des vendeurs de gâteaux piments et de noix de coco sur les plages a toujours voulu prendre le large. Rêve réalisé. Les sacrifices de ses parents et ses efforts académiques lui ont valu une affectation à l'ambassade de Maurice à Bruxelles. Itinéraire d'un homme sans aspérités au ministère des Affaires étrangères.

Rien ne prédisposait Vishal Munnohur à la diplomatie, encore moins de se retrouver en poste à Bruxelles. Son itinéraire académique pointaitplutôt dans une direction totalement opposée : finances et banque.

Natif de Pamplemousses (il est né le 6 janvier 1988 à l'hôpital de la région), il a fait ses études primaires à la Dhaneswark Seewraz Governement School de Triolet et secondaires, au Cosmopolitan College de Plaine-des-Papayes, avec un ensemble de matières hétéroclites en HSC, à savoir la comptabilité, l'économie et la littérature française.

Comme pour témoigner de la bonne cohabitation des chiffres et des lettres. Il est ainsi reconnaissant envers Dayanand Napal, le recteur de ce collège, de l'avoir inspiré et guidé.

Efforts et persévérance

Il faut dire que les parents de Vishal, comme c'est la tradition dans les familles hindoues, misaient tout sur son éducation. Son père Ramesh était disposé à tous les sacrifices ; sa mère Sudhira, femme au foyer et aux fourneaux, faisait grandir Vishal et sa soeur aînée Reshma. Ramesh se levait aux aurores parce qu'il était marchand de plage à Péreybère et Mont-Choisy.

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Il vendait des gato pima et des noix de coco. À cette époque, faut-il le préciser, l'industrie touristique balbutiante ne permettait pas de vendre ces produits à prix d'or, comme c'est le cas en ce moment. La famille tirait le diable par la queue.

Il fallait trouver les moyens pour envoyer Vishal à l'Université de technologie de Maurice où, brillant, il décroche une licence en Banking and International Finance et une maîtrise en Financial Risk Management. Mais Vishal, reconnaissant, met aussi la main à la pâte.

Bien qu'absorbé par ses études, il devient aussi marchand de plage, les week-ends et jours fériés. Parfois, même aujourd'hui. D'ailleurs, être marchand est une tradition dans la famille. Son grand-père Ramawad (aujourd'hui décédé) tenait un étal au bazar central pour le commerce de noix de coco et de balai fatak, qui se vendaient très bien.

C'était avant l'avènement des aspirateurs et de la vente à tempérament. Un grand-père d'une grande famille, comme celles de l'époque, de dix enfants, six filles et quatre garçons. Ramesh Munnohur aidait aussi son père à l'époque et cette tradition lui a valu une évocation spéciale dans Tizistwar Nou Péi de Nanda Pavaday.

Une parenthèse à ce stade pour préciser que ce métier de bord de mer a récompensé bien des parents. Nadia Jaunboccus, lauréate de la cuvée 2018, est la fille de Nazir qui était marchand de glaces ; Luciano Azor, dont la mère cleaner de plage, a été aussi lauréat ; et le fils de M. Prayag, vendeur de noix de coco, lui aussi, est devenu enseignant. Vishal connaît ce beau monde. Comme quoi il n'était pas interdit à ces enfants de la plage de rêver du grand large.

Vers le large

Vishal n'allait pas tarder à larguer les amarres. Après un court séjour à AfrAsia Bank comme Customer Care Assistant, il intègre le Service to Mauritius Programme pour trois ans, avant d'être recruté comme deuxième secrétaire au ministère des Affaires étrangères, en 2016, où il est responsable du dossier «Bilatérale Europe/Multilatérale Économique». Il se marie, en 2018, à une fille de Montagne- Blanche, Leeshvee Kalloo.

En janvier 2020, il est muté à l'ambassade de Maurice à Bruxelles. Il part sans elle, car dit-il, «c'est un boulot 24/7 qui exige beaucoup de sacrifices et de discipline. Être muté à l'étranger, c'est comme dans l'armée ; il faut être disponible, surtout avec le décalage horaire, à tout moment».

Et pour cause ! Il est en constante interaction avec les agences européennes, actif au sein de l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, quand il ne prête pas assistance à nos compatriotes à travers le service consulaire.

Pour respirer, il fait des randonnées à Bruxelles. «Le monde, lors des randonnées, est magnifique ; j'adore la biodiversité », précise-t-il. De retour à Maurice depuis janvier 2023, il ne rate aucune randonnée. Il a ainsi exploré de nombreuses rivières, des précipices, bravé l'eau froide des cascades et des bassins et grimpé des collines.

Toutefois, cette vie paisible a été perturbée par le malheur. Sa soeur Reshma, qui avait 39 ans, s'est éteinte l'année dernière après une longue maladie, laissant trois enfants, Vishaan, neuf ans, et des jumelles de sept ans, Ayusha et Arishi. Toute la famille fait bloc pour assurer le bonheur de ces trois orphelins de mère. Entretemps, avec les nouveaux rebondissements du dossier Chagos, Vishal Munnohur relit The last colony de Philippe Sands.

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