Burkina Faso: Tous les coups sont permis !

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Finalement, l'intégrité n'est pas héréditaire ; elle est individuelle et personnelle. Il ne s'agit pas d'avoir un père ou une mère digne pour être digne à son tour. Il ne s'agit pas de porter un patronyme de guerrier pour être un brave.

Même ceux qui ont une histoire glorieuse finissent parfois par échouer là où le plus minable des battants s'en sort. Vous pouvez naître dans un château et grandir dans une tour de cristal, si vous n'avez jamais été piqué par une fourmi, vous ne savez pas que la douleur fait partie de la vie. Vous pouvez être le plus pauvre de la terre et renoncer à marchander votre honneur contre de l'argent. Le cupide quidam acceptera de perdre tout pour engranger un kopek. Mais même les poches vides, un homme intègre reste tel. Malheureusement, la facilité est devenue le lit de nos priorités.

La morale est l'argument des faibles, semble-t-il. Le bien est l'apanage des repus. Quand on a faim, la fin justifie les moyens. Le Burkinabè original ne court plus les rues. Parfois, on a envie d'écrire Burkinabè en minuscule, mais on ne lave pas son identité. On ne renie pas les siens. Quand vous faites un accident à Ouaga, faites tout pour ne pas vous évanouir. Efforcez-vous de rester en état de veille. Pendant que les âmes sensibles accourent pour vous porter secours, de malins et vilains esprits se bousculent pour vous dépouiller dans votre sang. Ils vous fouilleront et vous soutireront votre portefeuille, votre téléphone et autre objet de valeur.

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Hier, une femme a été renversée par un automobiliste, alors qu'elle partait recharger sa bouteille de gaz. Malgré le boucan du tonneau de la dame, le conducteur fit la sourde oreille. Il n'a même pas daigné jeter un coup d'oeil dans son rétroviseur. La bouteille de gaz broya le genou de la pauvre. Une fracture ouverte du tibia s'ajouta aux dégâts. Pendant que nous nous préoccupions de l'état de l'infortunée, un cycliste s'empressa de ramasser le billet de 5000 F CFA de l'accidentée.

Il disparut aussitôt le forfait consommé. Malgré les cris de la dame, le pauvre heureux gagnant de magot piqua un sprint spectaculaire. Le filou disparut comme une ombre dans l'embouteillage. Désormais, au pays des Hommes intègres, tous les coups sont permis. Quand vous êtes malade et interné, faites attention à votre porte- monnaie et à vos médicaments. Pendant que vous êtes en transe, certains en blouse blanche enjamberont la déontologie et l'éthique pour vous dépouiller en toute discrétion. Il vous soutirera vos produits pour revenir vous les revendre à un « prix social ».

Vous remercierez l'impénitent « toubib » et vous lui direz même de garder la monnaie. D'autres détourneront des produits et consommables médicaux à des fins personnelles, à hauteur de millions. En cas de rupture, les mêmes crieront à la bavure en brandissant la souffrance des malades abusés. La blancheur n'est pas toujours signe de pureté. Il y a trop des blancs-sales dans nos hôpitaux. Il n'y a personne pour faire le ménage. Nous sommes habitués à la saleté ! Nous n'allons pas tout dire. Sans anesthésie, une vérité fait plus mal que le cancer.

Au pays des Hommes intègres, tous les coups sont permis. Vous êtes transporteur ? Quand vous prenez la route, il ne suffit pas de savoir bien rouler. Il ne suffit même pas d'avoir vos papiers complets. Au poste de contrôle, glissez un billet de 1000 F CFA entre la carte grise et le permis. L'agent de sécurité ne « mange pas papier », mais il broute les billets craquants. Surtout ne demandez pas un reçu ; la transaction est censée n'avoir jamais eu lieu. Mais les transporteurs sacrifient à la tradition, sans briser l'omerta.

Depuis quand ces pratiques existent ? Malgré les voix qui s'élèvent pour dénoncer, le mal sévit. Mais à qui la faute ? La faute est aux transporteurs qui ,parfois, usent de cette forme de corruption pour créer la familiarité qui exonère tout. Il est parfois difficile d'exiger du généreux bienfaiteur d'hier, le papier qu'il n'a pas aujourd'hui. De Ouaga à Bamako, de Ouaga à Abidjan, les choses ne marchent pas toujours du tic au tac.

Le racket est chronique ; seuls les discours politiciens sont anachroniques. Au pays des Hommes intègres, tous les coups sont permis. Vous êtes en crise spirituelle et vous voulez des bénédictions de l'Eternel ? Vous voulez être délivré de Satan en vous comportant comme Satan ? Il y a des hommes qui prient pour d'autres hommes moyennant de l'argent. Désormais, on fait du tapage publicitaire autour de Dieu. Il y en a même qui prédisent et prévoient des miracles pour attirer plus de « clients » fidèles. Mais si un miracle est un hasard heureux, un événement extraordinaire, totalement inattendu, il y a de quoi perdre la foi.

Je ne savais pas qu'il était possible de programmer un miracle. Regardez les affiches qui annoncent les prières de délivrance ! Je ne savais pas que l'Esprit saint obéissait ainsi aux hommes. Malgré tous ces visionnaires qui pullulent dans nos contrées, Satan et ses terroristes continuent leur randonnée, « tranquillos » ! Si seulement on pouvait voir à l'avance le kamikaze qui porte sa ceinture à tort. Si seulement on pouvait avoir la vision nette qui sauve, on ferait l'économie des décibels du marketing spirituel. Mais à chacun son « gombo ! ». Au pays des Hommes intègres, tous les coups sont permis.

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