L'Académie des sciences d'outre-mer (Asom) célèbre ses 100 ans d'existence ce 26 mai 2023 à Paris. L'Asom, qui était à l'origine une « Académie des sciences coloniales », oeuvre désormais à la circulation du savoir entre les pays, notamment dans le domaine des pandémies, même si des défis restent à relever, particulièrement dans celui des déplacements des chercheurs des pays du Sud vers ceux du Nord.
C'est un anniversaire fêté en grande pompe ce vendredi à la Sorbonne. L'Académie des sciences d'outre-mer (Asom) célèbre ses 100 ans d'existence. Lancée officiellement en 1923, elle étudie à ses débuts les questions en lien avec les colonies et se nomme d'ailleurs « Académie des sciences coloniales ».
Cent ans plus tard, c'est une institution qui oeuvre pour la circulation du savoir entre les pays. Et notamment entre les pays du Nord et les pays du Sud. Et s'il y a un domaine où cela s'avère primordial, c'est dans la lutte contre les pandémies.
La lutte contre le VIH, un tournant
Discuter, collaborer, mais surtout avancer ensemble pour améliorer la santé des citoyens du monde entier. Pour le professeur Jean-François Delfraissy, immunologiste et président du Comité consultatif national d'éthique et interrogé par Gwendal Lavina, cette volonté prend tout son sens dans la lutte contre le VIH.
Notamment lorsque la trithérapie est découverte dans les années 1990 : « Le cri de collègues, en particulier d'Afrique subsaharienne, était de dire : les médicaments sont au Nord et les malades sont au Sud. »
Selon lui, c'est à ce moment-là que s'installe une véritable coopération entre les scientifiques, qui servira ensuite face à Ebola ou Zika. « Il y a eu aussi toute une série de relations scientifiques, d'essais thérapeutiques, de questions posées qui ont pu qui ont pu être mis en place », ajoute Jean-François Delfraissy.
La professeure Francine Ntoumi, présidente de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, insiste sur l'évolution des échanges, permise grâce à la montée en puissance des financements africains : « Quand j'ai commencé la recherche, il y avait peu d'investigateurs africains qui étaient investigateurs principaux avec des gros budgets à gérer. Aujourd'hui, c'est tout à fait faisable, et même très courant. »
Les deux scientifiques appellent toutefois à mettre plus de moyens sur la table pour anticiper les prochains défis dans le domaine de la santé.
« On ne fait pas de la recherche pour son pays, mais pour l'humanité »
Il y a par ailleurs un écueil auquel se heurte nombre de chercheurs : celui de leurs déplacements entre pays, rendus quelquefois compliqués. Cela reste parfois en effet un vrai casse-tête de se rendre dans les pays du Nord, que ce soit pour faire ses études, assister à des conférences ou avoir accès à certains outils.
Et c'est un sujet qui mobilise les scientifiques concernés, comme l'explique Francine Ntoumi : « J'en discutais justement avec des collègues de Genève pas plus tard qu'hier, ils voulaient même faire une pétition à ce sujet. »
Cette immunologiste internationalement reconnue voyage beaucoup et ne peut pas se rendre à certains événements, faute de visas délivrés. « Je me sens par moment scientifique de seconde zone, lance-t-elle. Dans ce contexte-là, oui, je me sens vraiment une sous-scientifique comparée à certains collègues ».
Jean-François Delfraissy travaille énormément avec des scientifiques étrangers. Ils apportent une vraie plus-value et pour lui, les pays, à commencer par la France, doivent se montrer plus attrayants. « Il faut aussi de l'argent, et nous ne sommes plus tout à fait au rendez-vous du financement, à la fois des études de ces scientifiques, des séjours en France, des séjours avec leur famille. Nous ne sommes pas à la hauteur. »
Francine Ntoumi en appelle donc à une réaction des gouvernements avec pour principal argument : « On ne fait pas de la recherche pour son pays, on fait de la recherche pour l'humanité, pour tout le monde. » Et elle se désole que le problème ne soit pas davantage évoqué hors de la communauté scientifique.