Afrique de l'Est: Madagascar - La distribution d'engrais au sulfate d'ammonium suscite un débat sur leur impact environnemental

À Madagascar, la distribution d'engrais améliorés au sulfate d'ammonium, censés booster les rendements agricoles et permettre au pays d'accéder à l'autosuffisance alimentaire, était une promesse des autorités. Leur mise sur le marché soulève cependant beaucoup d'inquiétudes sur leur impact environnemental. Le gouvernement, sur ce terrain, se veut rassurant. Explications.

En février 2023, le Président malgache Andry Rajoelina annonçait le lancement officiel du Programme de distribution d'engrais amélioré au sulfate d'ammonium. Un engrais azoté issu du procédé de production du nickel et du cobalt extrait de la mine d'Ambatovy et offert à la Présidence par le géant minier. Cette dotation d'intrants agricoles aux cultivateurs figure parmi les « Velirano », les promesses du Président, pensées pour permettre à la Grande Île d'accéder à l'autosuffisance alimentaire.

Seulement, la mise sur le marché de cet engrais vendu à faible coût soulève beaucoup d'inquiétudes tant les enjeux écologiques sont importants. De son côté, le gouvernement se veut rassurant.

« Si on acidifie trop fortement le sol, c'est fini »

Les propriétés du sulfate d'ammonium pour augmenter les rendements ne sont plus à démontrer. Les agronomes sont unanimes sur ce point. Toutefois, son utilisation sur l'île fait tiquer bon nombre d'experts qui craignent que cet engrais, qui a pour caractéristique principale d'acidifier les sols, cause un effet désastreux sur ceux qui présentent déjà une acidité marquée, comme c'est le cas notamment sur toute la côte est.

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Pour un agronome, qui a préféré conserver son anonymat tant le sujet est sensible, le risque est trop grand. « Si on acidifie trop fortement le sol, il devient inculte, c'est fini, assure-t-il. Et après c'est des années de travail pour le remettre en état. L'inquiétude vient surtout du fait que la circulation des produits est difficilement maitrisable et contrôlable à Madagascar. On le sait. On a des exemples simples et récents. »

Il développe : « Par exemple, la lutte antiacridienne utilise du chlorpyrifos pour lutter contre les criquets dans la zone sud et ouest de l'île. Or, on retrouve aujourd'hui des résidus de chlorpyrifos sur des produits de la côte est, à des centaines de kilomètres de-là, où il n'y a pas de criquets ! Ça montre bien que les produits phytosanitaires, on n'arrive pas à les circonscrire dans une zone déterminée.

Ils voyagent, ils sont échangés, il y a toujours des réseaux parallèles qui se mettent en place. Et c'est là-dessus qu'il va falloir faire très attention parce que le vrai problème va être de maitriser un produit que tout le monde aimerait bien utiliser vu que son prix sera très attractif. »

« On a communiqué des recommandations très claires »

Des risques bien évalués, affirme Harifidy Ramilison, le ministre de l'Agriculture, qui assure que des mesures ont été prises pour éviter tout danger : « On a commencé sur 11 régions. Et on a encadré la distribution en mettant en place des paysans formateurs. On a communiqué des recommandations très claires sur les types de sols sur lesquels on ne doit surtout pas utiliser cet engrais.

Par ailleurs, on travaille avec la Jica [l'agence japonaise de coopération internationale, Ndlr]. Le Japon utilise lui, depuis 1941, le sulfate d'ammonium. Et donc il y a de l'expérience, de l'expertise amenée par nos partenaires, pour aider justement à baliser ces risques. »

Des formations massives, avec des piqûres de rappel. Des contrôles, surtout, et du personnel mobilisé pour le faire. Bref, beaucoup d'argent. Voilà « les vrais besoins », expliquent les professionnels du secteur.

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