Sam Matekane, Premier ministre du Lesotho, doit agir dans les meilleurs délais afin d'honorer son engagement à veiller à la « réalisation des droits humains », notamment en s'attaquant à l'impunité persistante pour des violations telles que la torture et les homicides commis par des membres des forces de sécurité, a déclaré Amnesty International vendredi 26 mai.
Sous le gouvernement précédent, nous avons constaté une forte augmentation des atteintes aux droits humains au Lesotho, notamment des actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements, ainsi que des décès dans des circonstances mystérieuses de personnes en garde à vueTigere Chagutah, directeur adjoint par intérim pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe à Amnesty International
Dans une synthèse retraçant la période écoulée depuis l'entrée en fonction de Sam Matekane, soit près de sept mois, Amnesty International livre des informations sur des violations des droits humains commises par des policiers, allant d'homicides illégaux à des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains et dégradants infligés à des personnes en détention. Amnesty International a également recensé des cas dans lesquels les autorités policières se sont abstenues ou ont refusé d'enquêter sur des allégations de torture, de mauvais traitements et de décès en détention.
Dans la synthèse intitulée Turn the chapter : Human Rights Agenda for the New Government of Lesotho, l'organisation demande à Sam Matekane et à son gouvernement de veiller à ce que toutes les violations attribuées au Service de police montée du Lesotho fassent l'objet d'enquêtes approfondies, indépendantes, transparentes et efficaces dans les meilleurs délais.
« Sous le gouvernement précédent, nous avons constaté une forte augmentation des atteintes aux droits humains au Lesotho, notamment des actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements, ainsi que des décès dans des circonstances mystérieuses de personnes en garde à vue », a déclaré Tigere Chagutah, directeur adjoint par intérim pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe à Amnesty International.
« Le Premier ministre et son gouvernement doivent agir promptement pour que les responsables présumés de ces violations passées des droits humains soient amenés à rendre des comptes, afin d'instaurer à l'avenir une culture de la responsabilité et de l'état de droit. Tout retard dans la justice est un déni de justice. Le temps joue contre lui. »
Lors de son investiture en tant que Premier ministre, le 28 octobre, Sam Matekane s'est engagé à introduire des réformes visant à prévenir et combattre la corruption, et à rendre le service public transparent, responsable et efficace. Il s'est aussi engagé à élaborer et mettre en oeuvre une stratégie de lutte contre la criminalité dans les 15 premiers jours de son mandat.
Le pays a depuis lors connu une augmentation inquiétante de la violence armée et des assassinats. Après que Ralikonelo Joki, journaliste dans une radio locale, a été tué par balle le 14 mai, le gouvernement a décrété un couvre-feu à l'échelle nationale entre 22 heures et 4 heures du matin le 16 mai.
Homicides, actes de torture et autres mauvais traitements imputés à la police
La synthèse révèle que les autorités n'ont toujours pas amené la moindre personne à rendre des comptes pour l'homicide de Kapano Francis Mokutoane, un étudiant de 27 ans de l'université nationale du Lesotho, le 16 juin 2022. Kapano Francis Mokutoane est décédé après que des membres de la police montée du Lesotho ont ouvert le feu sur le campus de Roma, lors de manifestations d'étudiant·e·s contre la réduction de leur allocation. Les circonstances de sa mort laissent penser qu'il s'agissait d'un homicide illégal.
Le Premier ministre et son gouvernement doivent agir promptement pour que les responsables présumés de ces violations passées des droits humains soient amenés à rendre des comptesTigere Chagutah
En janvier 2022, Napo Mafaesa, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, a été torturé et roué de coups par des policiers, après avoir été arrêté par la police montée et accusé d'avoir dissimulé une arme appartenant à un client, ce qu'il nie. Ces actes de torture présumés ont eu lieu au poste de police de Hamabote, où il affirme que des policiers ont essayé de le forcer à avouer les faits.
Dans une autre affaire, Mateboho Matekane, une femme de 46 ans originaire de Ha Pita, à Maseru, a été torturée par trois agents au poste de police de Lithoteng en novembre 2021, après avoir été accusée d'avoir volé des sommes d'argent à un programme communautaire d'épargne, accusation qu'elle a niée.
Mateboho Matekane a parlé à Amnesty International du calvaire qu'elle a subi aux mains de la police, notamment des coups violents portés par les forces de sécurité. Lors d'une rencontre avec Amnesty International en juillet 2022, Holomo Molibeli, chef de la police nationale, n'a pas nié les allégations de torture au sein des services de police, mais a attribué ces violations à des « brebis galeuses » dans les rangs de la police.
Des policiers font actuellement l'objet de poursuites civiles pour la mort en détention de deux hommes à Hlotse. Timeletso Sekhonyana, 28 ans, et Lethusang Mongali, 33 ans, sont morts en garde à vue à Hlotse le 14 janvier 2019. D'après leurs rapports d'autopsie, examinés par Amnesty International, leurs corps portaient des traces d'agressions physiques ayant entraîné une défaillance cardio-respiratoire et leur mort. Des documents juridiques consultés par Amnesty International montrent que la famille de Timeletso Sekhonyana a intenté une action en justice contre la police après la mort du jeune homme et demande 3 millions de maloti (environ 164 000 dollars des États-Unis).
Amnesty International demande que les auteurs présumés de ces violations soient traduits en justice dans le cadre de procès équitables, que les victimes aient accès à la justice et bénéficient d'un recours effectif.
Le Premier ministre Matekane doit saisir cette occasion de réécrire l'histoire des droits humains au LesothoTigere Chagutah
« Le gouvernement doit immédiatement prendre de vraies mesures afin de respecter les droits humains. Le Premier ministre et son gouvernement doivent réaffirmer leur volonté de donner la priorité aux droits humains, et veiller à ce que les responsabilités soient établies pour les violations commises », a déclaré Tigere Chagutah.
« Le Premier ministre Matekane doit saisir cette occasion de réécrire l'histoire des droits humains au Lesotho. »