Depuis le début de l'année 2023, au moins 29 meurtres de femmes ont été recensés au Cameroun. Des violences qui ont lieu, le plus souvent, dans la sphère familiale. Lundi 15 mai, la ministre de la Promotion de la Femme, Marie-Thérèse Abena Ondoa, a lancé un plaidoyer pour l'adoption d'une loi-cadre spécifique.
Le 11 avril, à Lindoï, dans la région Centre, une adolescente de 12 ans succombe aux coups portés par son oncle qui la soupçonne d'avoir volé 20 000 francs. Le lendemain, à Mokolo dans l'Extrême-Nord, une professeure de lycée meurt égorgée par son époux après une dispute.
« Il ne se passe plus une semaine sans qu'on n'évoque un fait tragique de crime rituel, de féminicide, de viol ou autre maltraitance ayant entraîné la mort d'une femme ou d'un jeune fille », déplore lors du lancement de son plaidoyer, le 15 mai, la ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille, Marie-Thérèse Abena Ondoa. « Les tableaux sont plus horribles les uns que les autres. Les femmes sont devenues de la boucherie, la cible pour les insatisfaits, les aigris, les "mal dans la peau" », dénonce Elise Pierrette Mpoung Meno, cofondatrice et présidente de l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes.
La Plasfoscil (Plateforme des organisations de la société civile de la région du Littoral) et plusieurs autres plateformes ont signé le 28 avril dernier une déclaration dans laquelle elles « s'insurgent face au silence étrange de notre gouvernement qui traîne à prendre des mesures urgentes afin de réduire ces cas de violences à l'égard des femmes ». Les signataires expriment leur inquiétude face à « la banalisation des violences basées sur le genre, observent avec amertume l'impunité qui perdure ».
Des violences dans la sphère intime
Ces violences sont le plus souvent perpétrées au sein de la famille. « Les conjoints, compagnons ou parents, sont devenus les bourreaux pour leurs propres épouses, compagnes ou filles », rappelle la ministre Marie-Thérèse Abena Ondoa. Pour élaborer la loi-cadre qu'elle préconise, des ateliers sont prévus avec les associations.
Pour Haingo Rabeantoandro épouse Manga Ada, coordinatrice des programmes à l'ALVF-Antenne Centre, à Yaoundé, l'arsenal juridique, en l'état actuel, est insuffisant. « Même si le Cameroun a fait l'effort d'actualiser le code pénal, en 2016, nous avons fait toute une étude d'évaluation des différents articles spécifiques aux violences faites aux femmes et nous avons identifié des manquements. »
Les associations plaident notamment pour la reconnaissance de la spécificité du féminicide qui n'est pas un meurtre comme les autres, à l'instar de l'infanticide. « Le féminicide a ceci de particulier que c'est en raison du sexe féminin de la victime que la vie lui est ôtée. Si la victime avait été de sexe masculin, sa vie aurait été préservée », souligne la magistrate Yvonne Akoa, coordinatrice nationale de la commission « droit de la famille » à l'Acafej, l'Association camerounaise des femmes juristes.
Modifier la législation pour mieux protéger les femmes
La Plasfocil, dans sa lettre du 28 avril, recommande également aux autorités de modifier la législation pour que soit pris en compte le caractère urgent des situations de violences, que les peines soient exemplaires. Pour les défenseurs des droits des femmes, quand l'auteur de violence est un proche de sa victime, ce lien doit être considéré comme une circonstance aggravante. Il faut que les sanctions des auteurs soient « doublées, voire triplées quand ils sont des partenaires intimes ou des membres de la famille » de la victime, selon Elise Pierrette Mpoung Meno, la présidente de l'ALVF.
Pour les associations, la police judiciaire, la police, les gendarmes, les médecins doivent être sensibilisés. « Il existe encore aujourd'hui des gens qui vont dire aux plaignantes que les conflits conjugaux se règlent en famille », résume la magistrate Yvonne Akoa.
Parmi les autres demandes, la création d'un observatoire national indépendant du genre pour collecter et documenter les cas, l'introduction dans les manuels scolaires de la notion de violence basée sur le genre, la construction dans toutes les communes du pays d'espaces sûrs pour garantir la sécurité et l'assistance des victimes et de rendre efficace les numéros d'urgence. La Plasfocil demande par ailleurs au gouvernement d'accélérer le processus d'adoption du code de la famille.
Elise Pierrette Mpoung Meno souhaite aussi que les organisations de défense des droits des femmes puissent se constituer partie civile lors des procès pour féminicides et violences basées sur le genre.