Dana Chengan, ancien président du Mauritius Council of Social Service (MACOSS), a mis fin à sa grève de la faim, hier. Cela après cinq jours de protestation contre la cherté de la vie sur le parvis de la cathédrale, à Port-Louis. C'est une décision que le gréviste a prise suite à l'appel lancé par son comité de soutien. Nous étions à ses côtés la nuit précédente. Reportage.
Il est 19 heures en ce jeudi 25 mai 2023, place de la Cathédrale Saint-Louis. Une de ces nuits de début d'hiver où seuls les sans-abris ou encore des défenseurs des droits humains d'un autre temps, à la manière de Dana Chengan, osent mettre le nez dehors. Ce vendredi 25 mai devait être le cinquième jour de grève de la faim de ce soixantenaire à qui la vie n'a fait aucun cadeau. La grève de la faim constituait pour lui l'arme de dernier recours pour attirer l'attention des autorités sur le sort des plus vulnérables de la société face à l'inflation. Cette inflation qui engloutit insatiablement les petites économies faites après d'énormes sacrifices.
Mais en cette nuit du 25 mai, Dame Nature n'était plus favorable à la poursuite de l'action entamée par Dana Chengan. Les vents violents se manifestent par rafales en provenance de la chaîne de montagnes qui ceinture la ville de Port-Louis par le sud-est. La tente sous laquelle Dana Chengan devait passer sa cinquième nuit de grève de la faim va disparaître. Les vents, avec une insolence inqualifiable, veulent faire plier Dana Chengan. Ses amis lui conseillent de recourir à d'autres moyens comme l'abri que lui aurait offert une voiture en stationnement. Les amis de Dana Chengan tremblent d'inquiétude et de froid. Le vent fait chuter la température et fait fléchir Dana Chengan.
La façade gauche de la cathédrale va permettre à Dana Chengan de poursuivre son action. Ses infatigables accompagnateurs, parmi lesquels Aman Ramchurn, vont installer de nouveau la tente. Ils remettent au gréviste de la faim ce dont il a besoin pour poursuivre son mouvement de grève. «Li pa tou sel», dira Aman Ramchurn. «Nou pou vine guette li à tour de rôle 7 lor 7, 24 lor 24.»
Mais les coups de semonce des conditions climatiques exécrables auront raison de la détermination de Dana Chengan.
Le combat se poursuivra sous une autre forme
«Cette grève, fait-il comprendre, est un mouvement citoyen qui répond à l'appel du peuple. C'est un appel à la solidarité pour que les personnes en situation de prise de décision agissent pour aider ceux dans la misère.» Dana Chengan est déçu que malgré son «appel de patriote», il n'y ait eu aucun retour du gouvernement après cinq jours de grève de la faim.
«Peut-être parce que c'est un appel trop individuel, je n'ai pas de considération des autorités. Peut-être que le fait d'être seul, on me pousse à bout», estime-t-il. «Après cinq jours de grève, je me sens toujours serein (...) Je mets fin temporairement à cette grève de la faim. Toutefois, le combat se poursuit à travers une autre étape qui pourrait forcer les autorités à prendre des décisions. Le combat continue. C'est le plus important», dit-il. «Nous ne voulons pas voir l'état de Maurice se détériorer davantage. La misère apporte beaucoup de problèmes dans le pays.»
Selon le comité de soutien du gréviste, le message véhiculé par cette démarche citoyenne est passé. Le plus important est que les personnes qui vivent dans des conditions difficiles, en raison de la cherté de la vie, sachent qu'il y a des porte-voix.
Rajesh Mittoo, membre du comité de soutien, estime que faire une grève de la faim pendant plusieurs jours ne changera rien si le gouvernement fait la sourde d'oreille. C'est pourquoi le comité de soutien a demandé au gréviste de la faim de stopper son jeûne de protestation. «Nous poursuivrons le combat de Dana Chengan et nous le porterons à un niveau politique. Nous aurons plus de force lorsque des gens nous rejoindront. Nous avons un groupe politique, l'Union Sociale des Mauriciens (USM). La demande adressée aux autorités se poursuivra au niveau de l'Union.»
En décembre dernier, après vingt-deux jours de grève de la faim pour la baisse des prix des carburants, Nishal Joyram avait dû mettre fin à son action car son état de santé se détériorait. Les prix des carburants sont restés inchangés.
Désormais, indique Dana Chengan, la plaidoirie se fera en groupe et les membres descendront sur le terrain. C'est aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, que plus de détails seront donnés sur la suite de ce combat contre la vie chère.