Nigeria: Investiture nouveau président - Le « Parrain » en guerre contre la criminalité

analyse

Bye-bye, « Baba go slow » (1), surnom du désormais ex-président nigérian, Muhammadu Buhari. Il est parti presque sur la pointe des pieds, au petit trot à l'image de ses deux mandats de quatre ans à la tête du Nigeria.

Huit ans de règne marqué par de nombreux aller-retour à l'étranger pour des soins médicaux. Au point que ses compatriotes se demandaient si l'ancien général putschiste allait pouvoir terminer son premier quadriennat entamé en 2015.

Non seulement il réussit le challenge mais aussi il renouvela son bail en 2019 avant de passer la main à un camarade politique du All progressives congress (APC).

Welcome donc à Bola Ahmed Tinubu au palais d'Aso Rock qui a prêté serment hier lundi 29 mai 2023 au grand dam de ses opposants, Atiku Abubacar et Peter Obi, arrivés respectivement deuxième et troisième à la présidentielle tant controversée.

La cérémonie de prestation de serment est intervenue au moment où le contentieux électoral est toujours pendant devant la justice.

Mais qu'à cela ne tienne, il faut dire que l'ancien gouverneur de Lagos hérite d'un lourd passif de son prédécesseur dont le bilan est loin de l'image d'Epinal qu'il a présentée à la veille de son départ du pouvoir.

Certes, le cancer de Boko Haram a été circonscrit avec la mort de son chef, Abubakar Shekau dit le « Chacal » et le groupe salafiste sanctuarisé au Nord-Est du pays peine à se remettre de la disparition de son leader.

Mais le « Géant aux pieds d'argile » est toujours en proie à de récurrentes violences de bandes criminelles dans le Nord-Ouest et le Centre de l'Etat fédéral auxquelles s'ajoutent les exactions du mouvement séparatiste du Sud et du Sud-Est et celles de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP).

A cette situation sécuritaire peu reluisante se greffe cet autre cancer que représente la corruption endémique qui colle à la peau de la première puissance économique du continent noir.

En atteste la rente pétrolière dans laquelle nagent la haute administration et la hiérarchie militaire. Une gabegie organisée et entretenue dont l'une des conséquences est la fréquente pénurie de carburant chez le premier producteur africain d'or noir. La dernière en date a été enregistrée lors de la campagne électorale marquée également par la pénurie de billets de banque.

Quid de la pauvreté quasi généralisée, du chômage et de la vétusté des infrastructures sanitaires et routières ?

Autant dire que le « parrain », comme on désigne le nouveau locataire du fauteuil présidentiel, est attendu sur des chantiers titanesques.

En tout cas ses partisans parient sur son expérience à la tête de Lagos (1999-2007) qu'il a modernisée et sécurisée et estiment qu'il en fera de même pour le pays qui compte près de 216 millions d'habitants dont 60% ont moins de 25 ans.

Aussi bien durant la campagne électorale que dans son discours d'investiture, le businessman, qui a connu des ennuis judiciaires et dont le nom est souvent associé à des affaires problématiques, a annoncé faire de l'insécurité sa priorité absolue et de défendre « la nation contre la terreur et toutes les formes de criminalité ».

Il a aussi promis d'oeuvrer à l'unité nationale et de donner un second souffle à l'économie plongée dans le marasme et minée par une inflation à deux chiffres.

On attend donc de voir vers quelle direction le « parrain » conduira le « géant d'Afrique » à la santé si fragile.

Alain Saint Robespierre

(1) Sobriquet donné à Muhammadu Buhari en raison de ses ennuis de santé

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