Ile Maurice: Forces de l'ordre - Police et ICAC, bêtes noires du système

Ce n'est plus une exception. Les jugements décriant les lacunes de la force policière et de l'Independent Commission against Corruption (ICAC) se suivent et se ressemblent.

Cette semaine, la magistrate Bibi Azna Bholah a fustigé l'enquête de l'ICAC sur l'achat controversé de Molnupiravir. Il n'y a pas si longtemps, Vidya Mungroo-Jugurnath avait parlé de l'incompétence de la police dans l'enquête sur l'assassinat de Soopramanien Kistnen. Ces cas ne sont pas isolés.

Brijendrasingh Naeck est accusé de «Public Official using office for gratification» car l'ICAC le soupçonne d'avoir usé de sa position en tant que Principal Pharmacist pour truquer les appels d'offres afin que CPN Distributors obtienne un contrat pour l'approvisionnement d'un million de cachets de Molnupiravir et un paiement de Rs 79 840 080. Il a été arrêté le 29 décembre 2021 et libéré sous caution et il a fallu attendre cette semaine pour que la charge provisoire soit levée. Dans son jugement, la magistrate a dit que l'ICAC s'est engagée dans une «fishing expedition stage on the basis of only a mere suspicion».

Dans la foulée, elle a tenu à préciser que l'enquêteur a tenu des propos uniquement dans le but d'enlever le blâme de l'ancienne Senior Chief Executive du ministère de la Santé, Dalida Allagapen et l'adjoint au secrétaire permanent. Il y a aussi le fait que l'avocat de l'ICAC ait questionné l'enquêteur après son contre-interrogatoire «in what clearly looks like an attempt to rectify and set aside the loopholes that were so obvious in the cross-examination».

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«L'ICAC ne fait pas la loi»

La magistrate rappelle que toute arrestation et dépôt de charge provisoire doit être fait sur la base de «reasonable suspicion», suivant les dispositions de la Constitution. Cela n'a pas été le cas dans cette affaire, a jugé la magistrate Bholah, car il n'y a pas d'éléments qui prouvent que Brijendrasingh Naeck a agi illégalement. Elle rappelle qu'en 2003, la cour avait déjà parlé de ce problème et avait statué que «ICAC may be of the opinion that the facts alleged in its eyes are reasonable suspicions. However, the eyes of ICAC are not the laws of the country (...)».

Cette suspicion, selon plusieurs jugements, ne peut être basée sur l'à-peu-près. Tout ce qu'une instance qui enquête peut faire avec ses pressentiments, c'est garder une personne sous surveillance, mais elle ne peut pas agir dessus. Cependant, la police et l'ICAC font le contraire. La magistrate a ajouté que la charge provisoire est essentiellement un procédé à travers lequel un suspect est présenté devant un tribunal et il est informé des charges qui pèsent contre lui.

Mais l'essence même de cette charge, qui n'existe sous aucune loi, est totalement autre : «However, the basis of a provisional charge is the reasonable suspicion which the prosecuting authorities have upon a suspect of him/her having committed a serious criminal offence», poursuit-elle.

Charges bancales

Plus tôt, cette même semaine, la même magistrate a levé la charge provisoire de «perverting the course of justice» que la police avait retenue contre Rama Valayden suite aux propos qu'il a tenus lors d'une émission radio. Lors de la motion, la représentante du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) a déclaré, en cour que «The DPP strongly recommends the Commissioner of Police not to settle instantly into lodging provisional charges invariably in all cases, but rather seek prior legal advice from the DPP who is constitutionally mandated to decide in all criminal proceedings».

Dans plusieurs autres cas, les magistrats et juges ont expliqué que selon les lois, le policier qui procède à une arrestation doit avoir des suspicions qui sont basées sur des faits. De ce fait, il ne peut pas avoir de «reasonable suspicion» avant qu'un suspect ne soit interrogé pour donner sa version des faits car «A total neglect of the explanations that the suspect may have to offer may well lead to the conclusion that the suspicion is not reasonable». Dans la pratique, cependant, l'interrogatoire se fait après avoir présenté le suspect devant la cour après la charge provisoire.

Il n'y a pas que dans le cas de Brijendrasingh Naeck que la méthode d'enquêter a été critiquée. Récemment, dans les conclusions de l'enquête judiciaire sur l'assassinat de l'ex-agent du MSM, Soopramanien Kistnen, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath avait estimé que le comportement de la police était «abhorrent» et que la manière dont ils avaient mené cette enquête marquait un nouveau niveau d'incompétence.

Elle a fait ressortir, entre autres, que la police n'a pas pu expliquer pourquoi le cadavre de la victime a été autopsié à l'hôpital Jeetoo au lieu de Victoria, qu'aucune raison n'a été avancée pour expliquer qu'il n'y a pas eu de tests d'ADN pour comparer celui des protagonistes de cette affaire à celui retrouvé sur les lieux du crime, les retards pour récupérer les rapports du Forensic Science Laboratory ou encore, la disparition de preuves.

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