À 28 ans, Chancel Mbemba, porté par une prédiction de sa tante, a le travail comme sacerdoce. Un viatique qui lui a permis de s'imposer à l'Olympique de Marseille et de figurer parmi les meilleurs défenseurs de Ligue 1.
Avec Chancel Mbemba, le sourire est une invitation, une promesse d'échanges chaleureux. Mais le défenseur de l'OM est avare en mots, peut-être parce qu'il maîtrise plus le lingala, sa langue maternelle, que le français. Qu'importe, il sait faire passer ses messages, parler justement de lui et marteler ses convictions. La première, chevillée au corps, c'est le travail. « C'est grâce à ça que je suis ici. Le travail te valorise, c'est par le travail que tout le monde peut voir ce dont tu es capable. » Le défenseur congolais n'a pas tardé à montrer de quel matériau il était fait pour sa première saison en France et dans un club aussi exigeant que l'Olympique de Marseille. « Un très bon joueur, une très bonne recrue, la meilleure. Je ne pense pas qu'on aurait pu trouver mieux », estime un fana de l'OM croisé dans les rues de la ville portuaire.
Claude Le Roy : « Il était multifonction »
Le joueur, révélé par le club belge d'Anderlecht, a débarqué sur la Canebière escorté par quatre belles saisons à Porto, visa pour entrer et non un titre pour un long séjour dans la cité phocéenne. Mais le natif de Kinshasa a bien entamé la première de ses trois années qui le lient à l'OM en étant un des joueurs majeurs du club depuis le début de la saison.
Élément intraitable sur le côté droit de la défense à trois de l'entraîneur croate Igor Tudor, Mbemba a montré à Marseille tout ce qui avait séduit son ex-sélectionneur, Claude Le Roy, qui l'avait repéré déjà au MK Étanchéité, club de deuxième division du championnat congolais. « Il avait déjà une grande intelligence de jeu, un sens tactique naturel, de la puissance, de la vitesse et surtout une grosse qualité technique pour son poste, se rappelle l'ancien entraîneur français de la RDC. Il pouvait jouer en défense centrale, sur le côté, au milieu. Il était multifonction ». C'est à cette période qu'il gagne un de ses nombreux surnoms : « Axe », comme le déodorant, parce qu'il joue dans l'axe et que c'est « un défenseur propre ».
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C'est sur les terrains rocailleux de son quartier Mososo (commune de Limete) que Chancel Mbemba, fils d'Antoinette, ex-internationale de basket congolaise, a tapé ses premiers ballons. Il décide de réussir au foot et d'en faire un métier le jour où sa tante, Sylvie, « qui n'y connaît rien au foot », lui raconte un rêve où elle le voit jouer en Europe. Un « signe divin, un message de la Grâce », se dit le jeune Chancel qui doit son prénom à la « chance ». Dès lors, celui qui avait déjà commencé un apprentissage en électricité se consacre entièrement au foot. Sa devise, « boulot-palais » (travail-maison), est née.
L'ES La Grace, évidemment, est son premier club, suivra Mputu avant de se révéler et de se faire repérer au FC Étanchéité. Chose rare au Congo, Mbemba va commencer l'aventure à l'étranger sans passer par les incontournables TP Mazembe et AS Vita Club. C'est en Belgique, à Anderlecht, qu'il fait ainsi ses premiers pas en Europe, guidé par le « grand frère » sénégalais Cheikhou Kouyaté au sein de l'axe de la défense du RSC. Celui qui a comme idole l'ex-défenseur belge - d'origine congolaise - Vincent Kompany, va prendre son envol après deux saisons pleines en Belgique, pour atterrir en Premier League à Newcastle. Avant, il a le temps de gagner un nouveau surnom, le plus officiel chez les supporteurs congolais : « demi-dieu ».
« Il a un respect du club et des supporteurs »
La première saison avec le club anglais est aboutie (35 matchs). Puis arrive la galère. Newcastle est relégué en Championship lors de l'exercice 2015-2016, mais le défenseur congolais aide le club à remonter immédiatement. Retour en Premier League et nouvelle désillusion, Chancel Mbemba, après avoir disputé les sept premières journées de championnat comme titulaire, est renvoyé définitivement en tribunes par son coach espagnol, Rafaël Benitez. « Jusqu'à présent, je n'en connais pas les raisons », affirme aujourd'hui Mbemba. Il ne m'a même pas mis sur le banc, c'était tribune direct. Ma vie, c'est comme ça », lâche-t-il dans un rire fataliste.
C'est donc à Porto, chez les Dragons, que va renaître Hercule (un autre surnom), composant avec le défenseur portugais Pepe une charnière quasi imprenable. Quatre ans et une besace de trophées bien garnie : deux titres de champions, deux Coupes du Portugal et deux Super Coupes du Portugal.
Aujourd'hui, c'est sur la Canebière que l'international congolais aux 68 sélections s'épanouit pour le plus grand bonheur des supporteurs marseillais. Le voilà donc du côté du Vieux-Port, adopté désormais par les fans marseillais. « Il est fort ! », s'exclame le jeune Hugo. « Il a apporté une stabilité, renchérit Mathieu, la quarantaine. Après, je ne le vois pas dans le vestiaire, mais je pense que c'est quelqu'un sur lequel on peut s'appuyer. »
« Il a un respect du club et des supporteurs. Plusieurs fois, il s'est arrêté ici, témoigne une supportrice à la sortie de la Commanderie, le centre d'entraînement de l'OM. On le trouve très bien et on aimerait bien qu'il reste encore un petit peu avec nous. » Elle peut être rassurée, l'histoire entre Mbemba et l'OM ne fait que commencer.