On aura beau le chasser, le racisme revient toujours au galop dans le sport. Cette année, il a encore pointé sa face hideuse sur les gymnases et stades du sport les plus populaires de la planète. Le cas Vinicius Jr, du nom de la star brésilienne du Réal de Madrid, qui a défrayé la chronique durant ces dernières semaines, est encore un exemple patent de ce fléau.
Ce cas s'ajoute à la longue liste des «affaires» qui continuent depuis des années maintenant, à ébranler les «symboles» du football et saper l'esprit du sport. Les joueurs noirs africains paient depuis des années le plus lourd tribut. Plus que par le passé avec Kalidou Koulibaly, Eto'o ou Lukaku entre autres victimes, ce nouveau cas survenu dans le championnat espagnol a eu un écho mondial et suscité une indignation totale. Les réactions au plus haut lieu, notamment celles du président du Brésil, Lula, ainsi que des footballeurs comme Demba Ba, Eto'o, Drogba, traduisent le profond malaise qui s'est installé dans le monde du football et qui risque de saper ses fondements. Ce, en dépit des mesures mises en place actuellement par la FIFA ou encore par l'UEFA pour endiguer cette gangrène.
Insultes, cris de singe, jets de bananes sur des footballeurs de couleur. On croyait que de telles scènes racistes étaient à jamais bannies. Mais elles ont ressurgi de plus belle. Elles apparaissent dans des formes diverses, non seulement dans les stades, les gymnases mais elles prennent une amplitude sur les réseaux sociaux et les médias. Les insultes racistes proférées par le public du stade de Valence à l'encontre du Brésilien du Real Madrid, Vinicius Junior, ont eu un écho retentissant. Ce cas de racisme a défrayé la chronique durant ces dernières semaines en Liga espagnole, un des championnats européens les plus huppés.
«Ce qu'ont gagné les racistes, c'est mon expulsion. Ce n'est pas du foot. C'est la Liga ! Ce n'était pas la première fois, ni la deuxième ni la troisième. Le racisme est normal en Liga. (...) Je suis vraiment triste. Le championnat qui appartenait autrefois à Ronaldinho, Ronaldo, Cristiano et Messi appartient aujourd'hui aux racistes», a regretté Vinicius Jr. Ces propos du jeune joueur brésilien sont assez révélateurs de l'ampleur du racisme dans le football et de la vive émotion qui s'est emparée dans le monde. Après le président de la fédération espagnole (RFEF), Luis Rubiales qui a admis que le football avait «un problème» de «racisme» dans son pays, l'affaire a eu un retentissement dans le monde au point de créer au plus haut sommet de l'Etat brésilien.
Vague d'indignations
«Il a été attaqué. On l'a traité de singe», s'est indigné le Président du Brésil, Lula pendant une conférence de presse à Hiroshima (Japon), à l'issue d'un sommet du G7 auquel il avait été invité. «Il est injuste qu'un pauvre garçon qui a si bien réussi dans la vie, qui est peut-être en passe de devenir le meilleur joueur du monde -il est certainement le meilleur du Real Madrid- se fasse insulter dans tous les stades où il joue», ajoute-t-il. Ses compatriotes dont l'international brésilien Richarlison, Ronaldo et l'icône de la musique Gilberto Gil ont tous exprimé sur les réseaux sociaux, leur solidarité à l'égard de Vinicius.
Le message fort de Demba Bâ
L'ancien international sénégalais Demba Ba, à travers un fort message de soutien adressé au footballeur brésilien, traduit le sentiment et le profond malaise qui règnent dans le milieu du football. L'ancien attaquant des Lions assimile l'attitude du joueur du Réal à un manque de fermeté. «Si les joueurs et le personnel veulent arrêter un match de football, aucun arbitre sur terre ne peut l'empêcher. Il suffit de le faire. Courage, Vinicius Junior. Prends tes responsabilités jeune frère», conseillait l'ancien attaquant de Chelsea qui a un moment symbolisé le refus de céder à cette forme d'injustice. On se rappelle qu'en décembre 2020, lors de la 6ème journée de Ligue des champions entre Paris SG-Istanbul Başakşehir, Demba Ba était monté au créneau pour protester contre les propos jugés racistes d'un 4ème arbitre qui avait qualifié Pierre Webó, entraîneur-adjoint du club turc de «Noir (négru en roumain). Suffisant pour faire interrompre le match et le faire reprendre au lendemain.
Koulibaly, Eto'o, Nkono, ces autres victimes africaines de racisme
L'affaire Vinicius réveille en même temps de mauvais souvenirs dans le monde du football. Les cas sont légion et démontrent avec force l'ancrage du fléau racisme dans le sport comme tout simplement dans les sociétés. Il faut souligner que l'affaire Vinicius n'est pas inédite en Liga espagnole. Avant le Brésilien, des affaires similaires de racisme ont touché au plus haut point les grands joueurs africains qui, sans conteste, continuent de payer un lourd tribut. Le cas plus récent est noté en 2020 avec l'international ghanéen de l'Athletic Bilbao, Inaki Williams qui a été victime de cris de singe du moment de son remplacement sur la pelouse de l'Espanyol Barcelone après avoir déjà été victime d'insultes racistes à Gijon, en 2016. Le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez allait condamner ces agissements. Marca, le quotidien le plus vendu d'Espagne, titrait en une « Nous sommes tous Williams : le racisme, ça suffit ». Deux supporters de l'Espanyol seront par la suite poursuivis devant la justice.
Auparavant, en 2006 déjà, un grand joueur du championnat espagnol avait été la cible d'insultes racistes. Les cinq années passées par la légende camerounaise Samuel Eto'o au FC Barcelone (2004-2009) ont été jalonnées d'incidents racistes, comme lorsque l'attaquant lança le ballon vers le public de Getafe en 2004 après avoir été victime de cris de singe. Deux semaines plus tard, contre Albacete, Eto'o est à nouveau victime d'insultes racistes. En 2005, l'attaquant camerounais célèbre un but en parodiant un singe.
Et en 2006, victime d'insultes racistes à Saragosse, Eto'o décide d'abandonner le terrain alors qu'il s'apprête à tirer un corner. « No juego mas ! » (« Je ne joue plus ! »), dit-il à l'arbitre, qui tente de le convaincre de répondre en restant sur le terrain. Après l'intervention de plusieurs personnes sur la pelouse, Eto'o revient sur ses pas et le match s'achève. Quelques jours plus tard, la fédération espagnole sanctionne le club du Real Saragosse d'une amende de 9 000 euros. En Liga, ses compatriotes camerounais ont été au centre du racisme.
C'est le cas de la légende du Cameroun, Thomas Nkono, quasi inconnu en Espagne à son arrivée à l'Espanyol Barcelone en 1982. Il a été victime d'insultes, de chants racistes et de jets de bananes au Camp Nou lors du derby face au Barça. Tout comme le successeur de Nkono à l'Espagnol Barcelone, Idriss Carlos Kameni a été à son tour la cible de cris de singe de la part d'une partie du public de Saragosse en 2004.
En Angleterre, le racisme refait surface de manière inattendue. La finale de l'Euro de football, disputée le 11 juillet 2021 à Londres, a donné lieu à des scènes chaotiques et occasionné une flambée d'attaques racistes envers trois joueurs anglais noirs. Buyako Saka, Jadon Sancho et Marcus Rashford, tous tireurs malheureux aux penalties perdus contre l'équipe d'Italie, ont subi de violentes attaques sur les réseaux sociaux. À Manchester, une fresque en l'honneur de Marcus Rashford, enfant de la ville, a également été vandalisée. Il faut souligner qu'en Angleterre, la lutte contre le racisme a été marquée dans ce pays par un vaste élan de solidarité au mouvement antiraciste «Black Lives Matter» avec l'agenouillement des joueurs avant chaque match.
Le phénomène est devenu récurrent dans le football mondial et contre les footballeurs. Les derniers cas, ce sont les actes racistes qui ont visé Kalidou Koulibaly. Le capitaine des Lions a été la proie d'insultes racistes proférées par des supporteurs lombards lors d'une rencontre avec la Spal, au stade San Paolo de Naples en 2018. Carlo Ancelotti, l'actuel entraineur du Réal, alors entraîneur de Naples, avait pris l'une des réactions les mieux appropriées en annonçant que son équipe quitterait le terrain si le scénario devait se reproduire. Le Français Blaise Matuidi en janvier 2018 ou le Ghanéen Sulley Muntari en mai 2017 n'ont pas été en reste et ont été la cible de hordes racistes en Série A italienne. Tout comme Raheem Sterling, l'international anglais d'origine jamaïcaine de Manchester City, qui a déjà été visé en 2018 par des remarques racistes et des chants antisémites de supporteurs de Chelsea. Le même phénomène a été aussi perceptible dans d'autres championnats et c'est toujours les joueurs noirs ou métis qui payent souvent le plus lourd tribut.
La volonté et les mesures de la FIFA et l'UEFA, pas toujours dissuasives
La recrudescence des actes racistes démontre à suffisance que le phénomène est têtu. Des nombreux observateurs qui évoluent dans le football mondial reproche encore le manque de volontarisme et qualifient les dispositions arrêtées jusqu'ici aussi bien par la FIFA que l'UEFA comme de simples «mesurettes».
Face à la résurgence du racisme dans les stades, l'UEFA avait pourtant réagi en prévoyant en 2009 une procédure en trois étapes pour arrêter un match. Elle allait de la mise en garde qui sera adressée au public, à la suspension du match pendant une certaine durée. Mais aussi, après consultation des responsables de la sécurité, d'un arrêt définitif si les comportements racistes persistent. Dans un tel cas, une défaite par forfait sera prononcée contre l'équipe responsable.
Ce qui pourrait être le cas avec l'enquête lancée par parquet de Valence pour un «délit de haine» présumé concernant ces insultes proférées envers Vinicius. Sur ce même ordre d'idée, la police a d'ores et déjà annoncé l'arrestation de trois jeunes suspects. Aujourd'hui, des pays comme l'Angleterre font partie de ceux où le racisme est jugulé dans les stades les plus reculés ces dernières années, d'autres pays sont, note un article publié par le journal Le Monde, en train d'assainir ses tribunes, grâce à une politique offensive comprenant des sanctions judiciaires, des interdictions de stade et d'abonnement à l'encontre des individus reconnus coupables de racisme.
Dans d'autres pays européens, le laxisme reste la règle. En Italie, la Fédération de football et la Ligue professionnelle sont, avance le même quotidien, réputées pour leur manque de sévérité. En Europe de l'Est, la situation est encore plus inquiétante au vu du manque de système de vidéosurveillance dans les stades. Ce qui complique les possibilités de repérer, d'interpeller et de sanctionner les supporters qui se livrent à des actes racistes.
Dans sa tentative d'endiguer le fléau, la FIFA, quant à elle, a multiplié une batterie de nouvelles mesures en 2013. Ses sanctions sont l'avertissement, l'amende et le huis clos pour une première infraction ou une infraction mineure. Pour une récidive ou une infraction grave, les sanctions prononcées sont la déduction de points, l'exclusion d'une compétition ou la relégation. Dans le volet sanctions de la résolution, les dispositions de l'instance mondiale du foot concluent que toute personne (joueur, officiel, arbitre, etc.) commettant pareille infraction doit se voir infliger une suspension d'au moins cinq matches assortie d'une interdiction de stade.
Dans la lutte contre le racisme, la Fifa a manifesté sa détermination en apportant son soutien et sensibiliser au mouvement « Black Lives Matter » suite à la mort atroce et pour des motifs racistes de l'Américain George Floyd. Le Président de l'instance mondiale, Gianni Infantino, s'était exprimé publiquement en déclarant que la FIFA en tant qu'organe directeur de ce sport, devait continuer à montrer la voie dans la lutte contre le racisme. «Aujourd'hui, et chaque jour, la FIFA et le football sont unis contre le racisme. Il n'y a pas de place pour la discrimination raciale dans le football ou dans la société. En tant qu'instance dirigeante du football mondial, la FIFA reconnaît et assume sa responsabilité de mener la lutte contre la discrimination».