Ile Maurice: Rajen Seetohul - «La qualité de construction des logements sociaux souffrira»

Rajen Seetohul, les 8 000 maisons de la National Social Living Development Company Ltd (NSLD) continuent à faire polémique. Quelles sont vos observations ?

Effectivement. Il y a trop de zones d'ombre dans ce projet qui implique un coût d'au moins Rs 22 milliards (excluant achat de terrain et off-site infrastructure) aux contribuables. La NSLD avait bien commencé, en ayant recours à des appels d'offres. Mais en raison de l'inexpérience des personnes à sa tête, qui sont venues avec des spécifications high end, comme ascenseur, générateur, etc., le prix par appartement a varié de Rs 6 à 8 millions. Avec ces prix-là, les appels d'offres ont été annulés. Ensuite, la NSLD a proposé que le coût ne dépasse pas Rs 2,7 millions pour un appartement de 60 m2 (Rs 45 millions par m2), et elle a choisi 14 compagnies.

Où est le problème ?

Lorsqu'on lance un exercice de procurement, on fixe les spécifications, comme le plan, les matériaux de construction, les ouvertures, le carrelage, etc., et on demande aux potentiels contracteurs de proposer un prix. On choisit les entrepreneurs basés sur le principe qualité/prix. Par la suite, ceux qui sont choisis sont tenus de respecter les spécifications et les engagements. Pour la NSLD, c'est le contraire, tout simplement parce qu'elle est constituée sous un Special PurposeVehicle (SPV). Ainsi, la porte est ouverte à toutes sortes d'abus.

Il paraît que pour remédier à l'éventuel manque de matériaux de construction, la NSLD a demandé aux contracteurs de considérer de nouveaux modes de construction. Dans l'interview d'un des directeurs d'une des compagnies contractuelles choisies, ce dernier annonce que certains d'entre eux envisagent d'avoir recours à la construction monolithique, c'est-à-dire constituée d'un seul bloc, un genre de préfabrication. Les implications d'une telle politique sont énormes.

Justement quelles sont les implications ?

Premièrement, on aura plusieurs types de construction pour le même prix. Deuxièmement, généralement, la construction monolithique revient à meilleur marché. Donc, certains contracteurs seront privilégiés et leur marge de profit augmentera sensiblement. L'ironie est que le directeur souligne qu'il y a un arrangement avec la NSLD pour revoir le prix par appartement si les entrepreneurs encourent des charges additionnelles. Troisièmement, quid de la solidité des maisons monolithiques ? Il y a aussi le fait que les maisons faites en bloc sont plus résistantes aux changements de température et résistent aux vents cycloniques.

Bref, ce sera une cacophonie car le level playing field, qui est normalement garanti par un exercice de tendering, n'existera plus.

Il y a aussi le fait que le dépôt a été revu de 10 à 25 %...

Évidemment. Ceci n'aurait pas été possible sous un exercice de tendering digne de ce nom. Mais il y a aussi le fait que, malgré la déclaration du Premier ministre adjoint au Parlement, l'allocation du nombre de maisons aux contracteurs est toujours floue. Comment des compagnies de renom, comme General Construction ou Gamma Civic, ontelles décidé de se lancer dans la construction de 200 unités chacune alors que les petits, eux, veulent construire entre 800 à 900 unités chacun ?

Le député Osman Mohamed a eu parfaitement raison de signaler les risques d'allouer des paiements à l'avance de l'ordre de 25 % au lieu de 10 %. Et c'est maintenant qu'on va voir pourquoi les sept ou plus contracteurs n'ont pas encore soumis leur bilan financier au Registrar of Companies ? Ce genre de problème aurait été évité avec des appels d'offres normaux.

Vous pensez que l'absence d'appels d'offres fausse le marché ?

D'après moi, ce projet est le premier où une somme astronomique est concernée et où une institution négocie directement avec les contracteurs, sans passer par un tender. Les mauvaises langues parlent de la proximité d'au moins sept entrepreneurs avec le pouvoir.

Au-delà de cela, nous avons une Competition Commission qui a comme mission de s'assurer qu'il y ait une concurrence saine et afin d'éviter les collusions restrictives. Or, il paraît que des contractuels voulaient participer au projet de la NSLD mais n'ont pas été retenus. En passant, la Competition Commission, après enquête, vient de sanctionner, avec raison, cinq producteurs de cerfs qui ont vendu leur produit directement à un distributeur de cerfs à Maurice. Si elle l'a fait pour un si petit marché, j'espère qu'elle enquêtera aussi sur le mégaprojet de la NSLD !

J'ai des informations qu'une compagnie indienne a sollicité la NSLD pour être parmi les constructeurs. Et vous savez bien ce qui va se passer si elle est choisie...

Mais vous êtes d'accord que les gens au bas de l'échelle ont besoin d'un coup de pouce ?

Parfaitement. Mais j'espère que les 30 000 personnes inscrites depuis des années auront la priorité. N'oubliez pas que les bénéficiaires ne payeront que Rs 900 000 et les subsides seront de l'ordre de Rs 1 800 000 par unité. Pour les 8 000 unités, les contribuables auront à casquer Rs 14,4 milliards.

Les responsables de la NSLD ont le devoir de venir d'éclairer la population sur les détails de ce projet ; ils ne peuvent pas se cacher derrière les déclarations du ministre au Parlement. N'oubliez pas qu'on vient d'approuver Rs 5 milliards et que le prochain Budget devra faire encore plus de provisions.

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