Tunisie: FMI - Chronique d'un accord inachevé !

Il s'agit probablement de l'une des négociations les plus compliquées entre le Fonds monétaire international (FMI) et un État. Cela fait près de deux ans, que la Tunisie et le FMI sont en discussions pour le décaissement de nouveaux fonds destinés à accompagner les réformes socio-économiques majeures que compte entreprendre la Tunisie.

En dépit des messages de rassurance issus des deux parties, jusqu'à présent, le blocage persiste et aucune information claire n'est pour le moment disponible pour comprendre l'avancement de la situation. Pourtant, à haut niveau, on explique que les discussions vont bon train et que le dénouement est pour bientôt.

Et c'est le chef de la diplomatie Nabil Ammar qui était le dernier à se prononcer sur le sujet. Pour lui, la Tunisie n'a pas suspendu les négociations ni avec le Fonds monétaire international ni avec le reste de ses partenaires.

« Il y a des lignes rouges claires à ne pas dépasser et le Président de la République avait évoqué ce sujet à plusieurs reprises », a-t-il dit.

Le ministre a, par ailleurs, expliqué que ces lignes concernent essentiellement la stabilité du pays et la défense des plus démunis, lésés durant la dernière décennie.

Ces lignes rouges ne sont autres que la levée des subventions et la privatisation des entreprises publiques, chose que rejette catégoriquement le chef de l'État Kais Saied, dont les positions sont souvent inflexibles.

%

En effet, le Président tunisien Kaïs Saïed rejette les « diktats » du Fonds monétaire international, qui conditionne l'octroi d'un prêt à la Tunisie à la mise en place de réformes économiques et à la levée de certaines subventions étatiques.

« En ce qui concerne le FMI, les diktats provenant de l'étranger et qui ne mènent qu'à davantage d'appauvrissement sont inacceptables », a-t-il réitéré. L'alternative serait « qu'on compte sur nous-mêmes », a-t-il ajouté. «

Il faut trouver d'autres idées car la paix sociale n'est pas un jeu ou quelque chose qui peut être pris à la légère ». Kaïs Saïed a tenu à rappeler les meurtrières « émeutes du pain » sous le régime de Bourguiba, dans les années 1980, et la dernière crise provoquée par la pénurie du pain, rappelle la précarité de la situation sociale dans le pays.

Mais existe-t-il réellement une alternative au Fonds monétaire international au coeur de cette crise inédite ? Au juste, ce ne sont pas les fonds du FMI qui vont être décaissés qui importent le plus, c'est l'accord en lui-même qui doit être concrétisé. Cet accord va renvoyer à un engagement régional, voire international, de la part de plusieurs bailleurs de fonds, dont notamment l'Union européenne, à aider la Tunisie financièrement, donc tout reste suspendu et conditionné par la conclusion de cet accord qui tarde toujours.

Les bailleurs s'impatientent !

Au vu des risques financiers qu'encourent la Tunisie, les bailleurs et les pays proches de la Tunisie s'impatientent. On rappelle les positions et les efforts inédits de l'Italie qui vise, coûte que coûte à rapprocher les points de vue entre les deux parties.

Au fait, l'Italie souhaite que le Fonds monétaire international (FMI) commence à octroyer des financements à la Tunisie sans poser de conditions.

Antonio Tajani, ministre des Affaires étrangères italien a estimé que le scepticisme dont font preuve certains pays et institutions par rapport à la Tunisie n'aide pas l'économie du pays et nourrit les fléaux telle que la migration illégale.

« Notre proposition est très claire pour le Fonds monétaire et nos interlocuteurs, américains et européens. Notre proposition est de commencer à financer la Tunisie à travers le Fonds monétaire, et de verser, après une première tranche, une deuxième tranche au fur et à mesure que les réformes avancent. Mais sans que cela soit totalement conditionné à la conclusion du processus de réformes.

Commencer à financer, encourager les réformes.[...]_Nous sommes en train de finaliser un accord pour faire venir 4 000 travailleurs tunisiens en Italie, qui seront formés en Tunisie.

Ce sont eux, les travailleurs, et la Tunisie est le premier pays avec lequel nous mettons en oeuvre ce projet, en dehors du décret, c'est-à-dire du Click Day ».

Pour sa part, le Groupe des sept, plus grandes puissances avancées du monde, G7, (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), a appelé, lors du dernier sommet à Hiroshima au Japon, le gouvernement tunisien à répondre aux aspirations de son peuple en matière de démocratie et à redresser sa situation économique afin de parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international. .

En marge du G7, Giorgia Meloni, première ministre italienne, a d'ailleurs rencontré la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, avec la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen, pour évoquer « la question de l'immigration et notamment la Tunisie ».

« La Tunisie se trouve dans une situation très difficile, une fragilité politique évidente et face à un risque de défaut de paiement imminent », a-t-elle déclaré dans ce sens.

Or, « les négociations entre le FMI et la Tunisie sont de fait bloquées », a-t-elle déploré, selon des propos rapportés par sa délégation. Selon Mme Meloni, « l'institution financière internationale fait preuve d'une certaine rigidité car elle n'a pas obtenu du Président tunisien Kais Saied toutes les garanties qui seraient nécessaires ».

« C'est compréhensible d'un côté, mais de l'autre, sommes-nous certains que cette rigidité soit la meilleure voie à suivre ? Si ce gouvernement tombe, savons-nous quelles seraient les alternatives ? Je crois que l'approche doit être pragmatique, sinon nous risquons d'aggraver des situations déjà mal engagées », a plaidé la chef du gouvernement italien.

La BAD appelle à un accord !

De sa part, le président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, a confié que les négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) devraient être achevées prochainement, dans une déclaration à l'Agence TAP en marge des assemblées annuelles de la BAD.

Akinwumi Adesina a ainsi fait part de ses espérances de voir réussir ces négociations pour achever le processus de financement et examiner d'autres mécanismes de financement en faveur de la Tunisie.

À cette occasion, le président de la BAD a réitéré la volonté de son groupe de soutenir la Tunisie, aux niveaux politique et économique notamment en termes de développement de projets dans les secteurs de l'agriculture, de l'infrastructure et de l'énergie solaire.

Pourquoi ce blocage ?

La Tunisie s'attendait à la finalisation, fin décembre dernier, de l'accord sur une nouvelle ligne de financement estimée à 1,9 milliard de dollars avec le Fonds monétaire international. Le blocage persiste toujours, alors que cette institution financière avait déprogrammé l'examen du dossier tunisien lors de ses réunions officielles, pourtant, les observateurs de la scène nationale font espérer le mieux.

Pourquoi le blocage a-t-il persisté ? La Tunisie n'a-t-elle pas rempli toutes les conditions exigées par le FMI ? Faut-il pointer du doigt la situation politique du pays ? Plusieurs versions émergent si on évoque les causes qui résident derrière ce blocage, mais une chose est sûre: le gouvernement n'a pas perdu l'espoir d'accéder à cette ligne de financement et les négociations sont toujours en cours.

Il faut rappeler que si à un moment, le dénouement était imminent, les positions du Président de la République ont conduit au report de cet accord. Kais Saied s'oppose à des engagements faits par le gouvernement et approuvés par le FMI. Il s'agit d'une levée progressive des subventions sur les différents produits de base et sur les carburants et la restructuration et la privatisation des entreprises publiques. Ces engagements, une fois concrétisés, vont, selon le raisonnement du Président de la République, faire exploser la situation sociale, d'où de grands risques sur la sécurité du pays.

En tout cas, l'accord préliminaire entre la Tunisie et le Fonds monétaire international pour l'obtention d'un prêt de 1,9 milliard de dollars est «toujours d'actualité», n'ont cessé de déclarer les responsables des deux parties.

Maintenant, il est évident que les deux parties doivent parvenir à un nouvel accord qui assouplira davantage ces conditions, mais tout passe par l'accord du président de la République.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.